Russie et Pologne : nos oignons

L’enfer, c’est qu’il y a des autres !

"Duda hypocrite" Foto: Shalom/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – A la fin de la semaine dernière, on a pu assister à l’ire de deux personnages clés du populisme en Europe centrale et Orientale. Le tsar Poutine s’est indigné du regard que portent les méchants étrangers européens sur l’histoire de la Russie. Quant à Andrzej Duda, le président polonais, il s’est emporté, lui, contre les vils Européens dissolus qui n’acceptent pas la réforme ultra-autoritaire de la Justice en Pologne. Leur vrai ennemi, c’est le droit international et les valeurs d’universalité qu’il suppose, et par conséquent les institutions européennes qui les portent, tant bien que mal.

Pour Vladimir Poutine, sans doute est-ce la Pologne qui a déclaré la seconde guerre mondiale ou du moins, qui en est responsable. Normal : les Polonais n’ont pas volé au secours de la Tchécoslovaquie menacée. Donc, c’est de leur faute si la guerre a éclaté. Et puis de toute manière, en Pologne,c’est-à-dire nulle part, il y a beaucoup trop de Polonais. C’est cette direction qu’on verra prendre à l interprétation poutinienne de l’Histoire, ces tout prochains temps, puisque Poutine a décidé de créer un Centre d’archives. Un Centre et un site qui seront ouverts à tous, bien évidemment : il faut faire connaître au monde entier l’Histoire véritable, non déformée par des regards occidentaux imperméables à la beauté de la magnifique Russie éternelle et de ses popes à pipe. Cela en réaction (apparente) à la récente Résolution du Parlement européen, adoptée le 19 septembre. Cette Résolution, il est vrai,mettait un peu trop l’Allemagne nazie et la Russie soviétique sur le même plan pour ce qui est de la responsabilité dans le déclenchement du conflit. En tout cas, on attend avec impatience le beau roman narcissique à la Treitschke que vont nous concocter Poutine et son armada d’historiens à partir de l’Histoire de la Russie.

La veille de l’annonce par le président russe de la création de ce Centre, c’est Andrzej Duda, le président polonais qui explosait de colère à l’égard des institutions européennes devant un public clairsemé, mais enthousiaste, celui du bourg de Zwoleń. Même motivation dans ce comportement : le narcissisme national est en effet une composante majeure du populisme, et on le voyait déjà à l’œuvre dans l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie, le péronisme argentin, ou au sein des troupes mélenchoniennes.

Le motif direct en était le refus par le Sénat de la réforme autoritaire de la justice mise en place par le PiS, le parti populiste au pouvoir. Un refus qui intervient après la très importante manifestation varsovienne du 11 janvier dernier, et qui approuve donc les juges protestataires soucieux de la séparation des pouvoirs et de la démocratie judiciaire. Mais, insinuant implicitement que l’œil des étrangers était dans la tombe et regardait Duda, le président s’en est pris, lui aussi, aux institutions européennes : « Ceux qui parlent en langues étrangères (sic) ne nous imposeront pas le système judiciaire en Pologne, ni la tenue des affaires de notre pays ! » a-t-il asséné. Et un peu plus tard : « Ceux parmi les juges qui sont des moutons noirs devront être éliminés ! »

Radikaaal ausrotten !, en somme. Des « moutons noirs » ? Il s’agit principalement des juges les plus âgés, qui par la force des choses, ont été impliqués dans le système communiste, jusqu’aux années 1980. Une toute petite minorité des juges ; et cela ne peut en aucune manière justifier une éradication autoritaire, voire dictatoriale. L’épuration risque de réussir : en effet, si le Sénat a refusé la réforme mise en place par le PiS, reste à Duda et à son parti le recours au Sejm (la chambre basse du Parlement), où il est majoritaire…

La motivation de Poutine et celle de Duda et de Kaczyński sont semblables : il s’agit de refermer leur pays sur lui-même, et en bon populistes, de se contempler le nombril (en polonais : pępek, en russe : ПУП) en répétant comme un mantra : « C’est nous les plus beaux ». Et il s’agit de tentatives conscientes d’évacuer le contenu universaliste et même, international de l’Histoire (qui concerne tous les êtres humains) et du droit. Comme l’ont fait d’ « éminents » historiens et juristes avant eux, dans les années 1930, en Italie et en Allemagne.

 

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