Pologne : une Pétition des universitaires pour le report des présidentielles

Le candidat vainqueur n’aurait pas la légitimité nécessaire

Varsovie : l'Institut Universitaire de Technologie Foto: Kgbo/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Mardi dernier, un groupe d’initiative composé d’universitaires polonais enseignant essentiellement les Sciences politiques a mis une Pétition en circulation. Le texte demande le report des élections présidentielles qui devaient se tenir le 10 mai, c’est-à-dire dimanche prochain. Un scrutin presque surréaliste, et entaché de plusieurs manquements à la légalité constitutionnelle.

Nous l’avons relaté à plusieurs reprises ici même : le parti national-populiste au pouvoir, le PiS, tient absolument à organiser les élections présidentielles dimanche prochain, le 10 mai. Et pour cause : il est certain de voir son président sortant réélu assez confortablement. Le choix du peuple polonais, donc (la Pologne compte 38 millions d’habitants, elle appartient à l’Union européenne depuis 2004), et qui doit ainsi être respecté ? Peut-être, mais les candidats ne bénéficient pas vraiment du même traitement médiatique, et ne peuvent présenter leur programme dans des conditions satisfaisantes, voire seulement normales. S’ajoutent à cela d’autres problèmes de légalité… et de légitimité.

Les enseignants de sciences politiques de toutes les universités de Pologne (Cracovie, Wrocław, Varsovie, Zielona Góra, Toruń, Opole) font donc circuler une pétition dans tout le pays.

La Pétition se situe d’abord au niveau du Droit constitutionnel. En Pologne, les élections présidentielles sont l’un des actes politiques et civiques les plus importants. Il est donc absolument nécessaire, disent les rédacteurs du document, que le scrutin soit universel, égal, direct et secret. Mais il ne répond à aucune de ces quatre exigences. Il ne serait pas universel, car certaines catégories de citoyens ne pourront voter : notamment les Polonais qui séjournent actuellement ailleurs que sur leur lieu de résidence et les citoyens qui habitent à l’étranger.

Bien évidemment, le scrutin ne serait pas non plus égal, puisque les conditions de présentation et d’explication de leur programme par les candidats et les partis en présence sont très… variées, et très inégales : les membres du gouvernement paraissent sans cesse sur les écrans de télévision, et bien évidemment surtout sur la chaîne du pouvoir, dont les informations sont très tendancieuses (quelque chose comme la télé gaulliste des années 1960 en France, en un peu pire…). S’ajoute à cela le fait que l’interdiction de tenir des réunions publiques, due à la pandémie, ne fait que creuser encore le hiatus entre la propagande du pouvoir et les possibilités réelles de présentation des autres programmes.

Enfin, cette élection ne serait ni directe, ni secrète : en effet, le chemin est long, mon ami, très long, dans ces conditions d’envoi postal, entre le remplissage du bulletin électoral et le comptage du vote… et donc l’attribution adéquate du vote au candidat. Pour les mêmes raisons, le caractère secret du vote ne serait nullement garanti : il est facile, si on le veut (et le parti PiS à cet égard ne rassure nullement les partisans de l’opposition, notamment) de vérifier qui a voté pour qui…

Ainsi donc, pour les signataires de cette Pétition, il faut reporter ces élections. Le vainqueur n’aurait pas la légitimité requise, puisque ces élections ne sont pas pleinement conformes au droit et à la Constitution polonaise. Ces élections doivent donc être reportées. Elles le peuvent selon la Constitution, conformément à l’ Article 228, en faisant appel à la notion prévue de report dû à une catastrophe naturelle ; elles pourront ainsi être organisées dans quelques mois, par exemple, et acquérir ainsi une légitimité qu’elle n’aurait pas actuellement. Les rédacteurs insistent sur l’exercice nécessaire du droit de vote, notamment par leurs étudiants ; et les élections pourraient voir lieu dans un avenir tout proche, s’il le faut – même après une campagne électorale brève, mais organisée de manière adéquate et juste.

Les professeurs rédacteurs et signataires n’aimeraient pas, écrivent-ils, avoir à enseigner un jour « que le mois de Mai 2020 aura été l’un des mois les plus sombres de l’histoire politique de la Pologne »… Mais il faut faire vite, maintenant.

A consulter : Gazeta Wyborcza (en polonais) http://www.wyborcza.pl/

 

 

 

 

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