Pour une politique des drogues plus moderne

Un nouveau projet à Berlin devrait permettre prochainement aux usagers de drogues de faire vérifier ce qu’ils consomment. Pour les uns, une mesure de santé publique, pour les autres, une incitation à à la consommation.

Dès 2020, les usagers de drogues à Berlin (ici: Ectasy) pourront faire vérifier leurs drogues. Foto: DEA / Wikimedia Commons / PD

(KL) – Pendant qu’on discute en France une libéralisation de la politique en matière de cannabis, l’Allemagne veut aller plus loin. L’administration à Berlin veut introduire en 2020/21 un « bureau de vérification de drogues », visant à empêcher la consommation de drogues telles que le cannabis, la cocaïne ou de l’ecstasy qui aurait été traitées avec des substances encore plus dangereuses. Si le Sénat de Berlin a déjà prévu un budget de 150.000 € pour ce projet, l’opposition conservatrice à Berlin s’est prononcée contre.

Evidemment, la mise en œuvre d’un tel bureau constitue en même temps l’aveu d’une certaine impuissance face à la consommation de drogues. Mais ce n’est pas en fermant les yeux qu’on arrivera à mener une politique en matière des drogues qui reflète les réalités du terrain. Et sur le terrain, les gens consomment tout ce qu’ils peuvent trouver.

Le problème n’est pas seulement la mauvaise qualité des drogues vendues dans la rue, parfois c’est même le contraire. Lorsque le marché est inondé de drogues comme l’héroïne, non seulement les prix baissent, mais les dealers coupent moins les drogues qu’ils vendent, ce qui entraîne régulièrement des overdoses mortelles. Idem pour la cocaïne qui est souvent coupée avec des amphétamines et d’autres substances qui peuvent mettre la vie des consommateurs en péril.

Bien sûr, on peut faire comme la Russie ou la Chine où officiellement, il n’y a pas de problème de drogue. Mais la politique répressive pousse les consommateurs de plus en plus dans l’illégalité, ce qui arrange surtout les affaires des réseaux de vente, tout en exposant les consommateurs à des risques liés à la qualité des produits consommés.

Là où on mène une politique de drogues plus ambitieuse, les résultats sont concluants. Ainsi, dans le Colorado aux USA, la légalisation du cannabis a non seulement asséché les réseaux des dealers, mais également introduit un contrôle d’Etat sur les produits commercialisés. C’est ainsi que l’on protège la santé des consommateurs. Sans parler des 2 milliards de dollars d’entrées fiscales générées par une nouvelle taxe sur le cannabis. Sans parler des économies réalisées dans le domaine judiciaire grâce à l’absence des milliers de petits délinquants dont le « crime » consistait à consommer des drogues.

Bien sûr, les autorités auront toujours un pas de retard sur les réseaux qui commercialisent des drogues. Dotés de moyens quasiment illimités, ces réseaux arrivent à déjouer les contrôles des douanes et même si, de temps en temps, la police saisit des quantités de drogue énorme, ces quantités ne représentent que le pic de l’iceberg – on estime que pour un kilo de drogue saisi, 50 à 100 kilos ont pu passer les contrôles sans être découverts.

L’opposition, elle, estime que ce projet constitue une « invitation aux clans criminels et réseaux de dealers » – mais ces clans et réseaux n’ont pas attendu une invitation, ces groupes criminels sont là, sur le terrain, et se partagent la ville. Toute tentative de casser leur fonds de commerce ne peut être que bénéfique, et le commentaire du FDP prône des mesures aussi modernes et efficaces que la prohibition de l’alcool aux Etats-Unis le siècle dernier.

L’approche berlinoise est donc réaliste. On minimise les risques liés à la consommation de produits coupés et en parallèle, on continue le travail de prévention et de sensibilisation, surtout auprès des jeunes.

Hormis le fait que le projet berlinois est courageux et moderne, il amène à se poser la question : pourquoi la politique en matière de drogues ne fait-elle pas partie d’une concertation européenne ? Il est étrange que ce qui est admis dans un pays constitue un délit de l’autre côté d’une frontière. Il est temps que les lignes bougent ; et le projet berlinois est prometteur.

 

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