Poutine est embarrassé

Il ne sait que faire des médias encore indépendants ni de la pandémie

Poutine jeune Foto: Jean-François Poussard/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Il arrive encore que le musellement de la presse russe fasse scandale dans le pays, même si (et surtout si…) le journal en question a été partiellement fondé par des troupes du Financial Times et du Wall Street Journal. Et il arrive même aussi que les Russes s’aperçoivent de la perplexité et de l’indécision de « leur » Président, Vladimir Poutine, en temps de pandémie… La situation est grave, mais elle n’est pas désespérée.

Oui, des faits concernant la liberté de la presse suscitent encore des scandales, dans la Russie de Poutine, et celui-ci est de taille. Selon une investigation toute récente, le géant du pétrole Rosneft a exercé des pressions sur le principal journal d’affaires russe, Vedomosti (Les Nouvelles). Et ceci par le moyen d’une dette colossale de plusieurs millions de dollars. Résultats de ces pressions : le nouveau rédacteur en chef de Vedomosti a censuré et modifié un titre en rapport avec les intérêts du gouvernement russe au sein du géant du pétrole ; il a aussi supprimé une colonne critique à l’égard d’Igor Sechine, le dirigeant de la Rosneft. Ainsi donc, ce grand quotidien économique et financier menace d’être complètement inféodé à Poutine et us premiers cercles, via deux méga compagnies pétrolières , la Rosneft et Gazprom

Pourquoi cette dette ? En réalité, la banque appartenant à la Rosneft, la Rosneft’s Russian Regional Development Bank, est créancière d’une dette de 24 millions d’euros contractée par BNM, l’entreprise qui possède Vedomosti. Le précédent propriétaire du journal, Demyan Kudryavtsev, avait emprunté cette somme en 2015, à la banque de Gazprom, banque d’État, pour acheter BNM ; et ceci avant que la créance de la dette n’échoie à la RRDB.

En mars, Kudryavtsev avait annoncé que lui et ses partenaires avaient vendu la totalité des actifs de BNM à deux acheteurs dont l’un en réalité se serait retiré après ces scandales de censure. Après bien des péripéties biscornues, les employés du journal ont fait savoir dans un édito retentissant qu’ils rechignaient à cette vente et à la rétribution du nouveau rédac’chef : ils y exprimaient clairement leur crainte qu’on n’aboutisse à une nouvelle affaire de contrôle de média – un média servant une fois de plus les intérêts de « mystérieux » propriétaires.

Il apparaît de manière assez évidente, selon certains investigateurs, que le porte-parole de Rosneft, Mikhail Leontyev, a joué un rôle clé dans l’achat de Vedomosti et le choix de son nouveau rédacteur en chef. Il aurait parlé  publiquement à plusieurs reprises du « contrôle » qu’il exerçait sur Kudriavtsev par le biais du prêt de la RRDB…

En 2015, date de l’achat de Vedomost par Kudriavtsev, le gouvernement russe avait fait passer une loi qui limitait la part possédée par des étrangers dans les entreprises à 20%. Auparavant, entre la fondation du journal en 1999 et cette loi, la part du financement par des entreprises étrangères indépendantes, c’est-à-dire par le fait indépendantes du pouvoir poutinien, était très importante.

Ce scandale retentit si fort en ce beau mois de mai parce que Vladimir Poutine n’est pas au mieux de son assurance ni de sa popularité. Devant la presse, hier, le Président a annoncé que cette période qu’il appelle joliment « période nationale de non-travail », ce que nous appelons plus sobrement à l’Ouest confinement, prendrait fin aujourd’hui. Vraiment ? A vrai dire, pas tout à fait : le confinement fédéral prend fin, mais non celui que peuvent décider les gouverneurs sur leurs territoires.

Une décision qui ne semble pas à première vue pire que celle de pays fédérés comme l’Allemagne. Et pourtant, à cause de la nature du pouvoir russe et des particularités des relations entre républiques, oblasts et puissance centrale, elle pourrait être redoutable parce qu’en effet, elle est incontestablement une manière pour le Président Poutine de se défausser et de rejeter la responsabilité du nouveau tsar (qui est lourde) sur les gouverneurs de la périphérie.

Dans ce pays qui après les Etats-Unis, est celui qui pâtit du taux de contamination le plus important et le plus rapide, n’est-ce pas un constat d’impuissance et de résignation devant la catastrophe sanitaire ?

A consulter : http://vedomosti.ru/

http://www.themoscowtimes.com/

 

 

 

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