Quand Donald Trump construit son… Mur de l’Atlantique

Beaucoup de choses sont actuellement remises en question – y compris les relations transatlantiques qui fonctionnent aussi mal que les relations inter-européennes...

Même les Américains commencent à en avoir marre de la manie trumpienne de construire des murs... Foto: Mobilus in Mobili / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Jamais, sans doute, un président américain n’aura été à ce point, désinvolte, voire méprisant avec ses alliés : « Je n’ai pas prévenu les intéressés de ma décision – cela aurait pris trop de temps ! », a tweeté Donald Trump, pourtant actuel président du G7, à propos de ses mesures interdisant le territoire des Etats-Unis aux ressortissants de l’Union Européenne. En fermant les frontières aux Européens du continent, il a pris en compte, à travers et au delà d’une mesure apparemment essentiellement sanitaire, deux objectifs essentiels. Le premier a été atteint dans la foulée des décisions:alors que les Américains vont désigner, en novembre, un nouveau président, il a cajolé son électorat en mettant en évidence que le « America first » reste son souci fondamental dans tous les domaines. Electoralement, cette précision dans sa profession de foi ne peut pas faire de mal, et les sondages ont de suite montré que ses concitoyens approuvaient majoritairement sa décision. Il en a en profité – et voilà son deuxième objectif – pour prendre à partie une fois de plus sa bête noire : l’Union Européenne, qui « a tardé », selon lui, « à prendre les bonnes décisions et qui a échoué dans sa lutte contre le coronavirus ». Pour un président qui pendant des semaines a, en quelque sorte, encouragé ses concitoyens à ne rien faire car le « coronavirus chinois » n’était pas vraiment dangereux et disparaîtrait avec le retour du beau temps, l’affirmation ne manque pas de sel !

Une fleur fanée pour Boris Johnson ! – Et pour faire bonne mesure, il a voulu faire une fleur à son ami Boris Johnson, pourtant critiqué dans son pays pour sa trop faible réaction face à la crise du virus. Les citoyens de la Grand Bretagne devaient ne pas être concernés par les mesures concernant les ressortissants de l’Union Européenne. Il avait encouragé le Brexit en promettant, notamment, à la Grande Bretagne des relations privilégiées avec les USA si elle quittait l’Union Européenne, cette nouvelle « Chine », championne d’un multilatéralisme désormais haï Outre-Atlantique.

En bâtissant son « mur de l’Atlantique », Donald Trump pensait poser, en même temps, la première pierre du statut particulier dont ses amis britanniques devaient bénéficier pour avoir imposé le Brexit. Une première qui n’aurait pas été trop coûteuse et qui, finalement, n’aura duré que quelques jours puisque en déclarant l’état d’urgence et en acceptant, enfin, d’organiser une visioconférence entre partenaires du G7, Donald Trump a étendu à la Grande Bretagne les restrictions qui frappaient l’Union Européenne. Fleur désormais fanée à la main, Boris Johnson pourra méditer l’adage selon lequel « quand on a certains amis, on n ‘a pas besoin d’ennemis ! »

Un « mea culpa » européen ? – En réagissant aux mesures américaines, Ursula von der Leyen, en tant que présidente de la Commission de l’Union Européenne et Charles Michel, en sa qualité de Président du Conseil Européen, ont protesté et condamné les décisions de Trump. Dans un communiqué commun, ils ont relevé : « Le coronavirus est une crise mondiale qui ne se limite à aucun continent et qui nécessite une coopération plutôt qu’une action unilatérale. » Une affirmation qui ressemble fort à une sorte de « mea culpa » : lorsqu’on voit la difficulté des Européens à s’unir contre le virus, voire simplement à s’informer mutuellement, à se concerter avant de prendre unilatéralement des mesures de fermeture de frontières, on serait plus que tenté de conseiller aux deux responsables européens de…. balayer devant leur porte ! Rien – ni personne – ne peut dire que, au delà de soucis sanitaires qu’on devrait approcher en se souvenant des « murs » érigés pour arrêter le nuage de Tchernobyl, les fermetures hâtives de frontières ne recouvrent pas aussi une façon à peine discrète de payer un tribu aux menées nationalistes qui gangrènent déjà tellement de pays dans l’Union Européenne. Pour paraphraser une formule entrée dans l’Histoire : personne pourtant n’avait envisagé de construire des murs !

Macron contre les dérives nationalistes. – Ce n’est pas un hasard si, fustigeant la politique française, la présidente du Rassemblement National a, une fois de plus, exigé qu’on ferme les frontières pour lutter contre la crise du coronavirus. Si la plupart des scientifiques s’accordent pour estimer que la fermeture n’est pas une solution viable, Emmanuel Macron, sans exclure que la France pourrait être amenée à fermer des frontières si cela s’avère pertinent, a répondu : « Nous devons éviter… le repli nationaliste, la coordination européenne est essentielle… Nous aurons sans doute des mesures à prendre, mais il faut les prendre pour réduire les échanges entre les zones qui sont touchées et celles qui ne le sont pas. Ce ne sont pas forcément des frontières nationales. »

Un propos qui a trouvé résonance dans les zones frontalières où la fermeture et le retour, sans concertation ni information préalable, des contrôles à la frontière ont été particulièrement mal vécus. Le fait, par exemple, que le Land de Bade Wurtemberg ait rétabli un « Rhin-frontière » avec des contrôles à l’appui et ce avant même que le gouvernement allemand (obéré une fois de plus par la légendaire lenteur d’Angela Merkel), le fait que les autorités comme les chefs d’entreprise aient demandé, sans concertation, aux travailleurs frontaliers de rester chez eux, a indéniablement créé un traumatisme. « En frontière, les décisions ne peuvent pas se prendre de manière unilatérale, il faut s’informer, se concerter avant de décider et ceci en partenariat… », a souligné, ici-même, un responsable de l’euro-district « PAMINA ». Un manque de concertation que tant Roland Ries, le maire de Strasbourg, que Robert Herrmann, le Président de l’Eurométropole de Strasbourg, déplorent publiquement.

L’Alsace coincée sur le Rhin ? – La situation viendrait-elle conforter ce que constat fait en … 2005 dans une une étude du Deutsch-Französisches Institut (DFI) : « …Il est indéniable que la coopération transfrontalière régionale présente ce qu’on pourrait appeler, si l’on exagérait un tant soit peu, une dimension aléatoire, une inefficacité et un caractère provincial… Il y a indéniablement un hiatus entre la volonté politique affichée et les attentes et les perceptions de la part des citoyens concernés. »

Cela a été écrit il y a… 15 ans. Et le communiqué de Jean Rottner, Président de la Région Grand Est, ne nous rassure pas complètement : « …Le président de la Région Grand Est, comprenant parfaitement les inquiétudes de ses partenaires allemands, s’est entretenu durant les dernières heures avec les trois Ministres-Présidents de la Sarre, de la Rhénanie-Palatinat et du Bade Wurtemberg et a échangé, en parfaite coordination et avec l’appui de Madame la Préfète de Région, avec le Gouvernement français pour le(s) sensibiliser…. En réponse, les responsables allemands et le Président de la Région Grand Est ont décidé mettre en œuvre un certain nombre de mesures qui seront précisées dans les prochains jours ».

Mieux vaut tard que jamais, affirme le dicton et si la musique – même tardive – diffusée par le communiqué est belle, il reste à espérer que la mise en place, au premier janvier 2021, de la « Collectivité Européenne d’Alsace » (CEA) réécrira la… partition.

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