Quand les « politiques » battent les estrades, l’économie se venge !

Alain Howiller se penche sur la question si le spectacle lamentable que se livrent les responsables politiques, puisse avoir un impact sur l’économie.

Quand l'industrie tourne bien, la politique est contente. Et vice-versa. Foto: Dharmendra Gupra / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Dans le tohu-bohu d’une actualité politique exceptionnellement riche, l’économie semble moins attirer aujourd’hui qu’hier, et les oraisons funèbres de Bossuet semblent mieux correspondre à l’actualité (!) que les commentaires acides de Friedrich Hayek, le Prix Nobel 1974 d’économie ! Le premier affirmait dans l’oraison funèbre du Grand Condé (mars 1687 !) : « On ressentait dans ses paroles un regret d’avoir été poussé si loin par ses malheurs ». A méditer par les partisans de François Hollande qui, annonçant sa décision de ne pas briguer de second mandat présidentiel, a brûlé son « coming-out social-démocrate » pour redevenir, selon lui, le « socialiste » qu’il a toujours été !

Hayek, lui, lançait : « Aucun idéal déclaré susceptible de guider l’esprit des hommes, ne saurait être définitif : il doit être adapté au climat de l’opinion »(1) A verser comme « pense-bête » aussi bien dans les archives de Matteo Renzi que dans celles d’Alexander van der Bellen ! Mais l’économie n’est jamais bien loin : les derniers éléments sur la situation économique française ou ceux liés à la démission de Renzi, en Italie, nous le rappelle si par… inadvertance (!) la situation politique devait nous les faire oublier.

L’inaudible François Hollande. – Devenu inaudible, François Hollande (9% de taux de satisfaction dans l’opinion, d’après de très récents sondages !) a essayé, lors de son annonce de renoncement de dresser un bilan positif de son quinquennat : trop tôt ou trop tard ! Maire de Strasbourg, Roland Ries, qui a été favorable à la candidature Hollande pour les présidentielles de 2012 avant même que le président finalement ne se déclare (!), a dressé ce constat : « Lorsque les passions politiques seront moins vives et que les observateurs avertis feront le bilan objectifs du quinquennat, chacun mesurera la réalité du travail accompli ! » Peut-être, sans doute même : mais en attendant une réalité s’impose : si François Hollande, assez largement grâce aux moyens dégagés par l’Etat (et qui ne dureront pas éternellement), a réussi à faire baisser le chômage à 9,7% (en dessous de la barre fatidique des 10%), il n’y a pas eu cette « Inversion significative » qu’il s’était fixé comme objectif.

La reprise a été modeste, la croissance attendue pour 2016 a été revue en baisse à 1,4% par le gouvernement. Le taux sera de 1,3 % pour l’INSEE, de 1,2% pour l’OCDE contre 1,5% espérés il y a peu encore par le gouvernement. Sur l’ensemble de cette année, le chômage pourrait se stabiliser autour de 9,4/9,5% en France !

Une bonne partie des résultats obtenus est imputable à une inflation limitée, aux taux de crédit à la consommation (en particulier pour les achats de biens immobiliers) en baisse, à des cours du pétrole favorables (mais les producteurs ont décidé de limiter la production de brut pour faire remonter les cours) : ces divers éléments ont contribué à donner du pouvoir d’achat aux consommateurs et à soutenir, de ce fait, la consommation. Ces données persisteront-elles en 2017, une année qui risque d’être perturbée –et compliquée- par les incertitudes politiques générées par une…. forte activité électorale !

Dans le Grand Est, le chômage peine à régresser ! – Dans le Grand Est -et en Alsace en particulier- où pour lutter contre un chômage qui peine à régresser, on compte beaucoup sur la poursuite de la mise en place d’un marché de l’emploi transfrontalier, la situation économique -régulièrement suivie dans ces colonnes- n’évolue que lentement. D’après la dernière note de conjoncture publiée par la Direction Régionale de la Banque de France : « Selon les chefs d’entreprise du Grand Est interrogés ce mois (en novembre sur octobre), la production et les livraisons sont stables…, après correction des variations saisonnières. La demande ne progresse pas et les carnets se stabilisent au niveau antérieur, jugé proche de la normale. Les matières premières semblent s’installer dans un courant haussier alors que les prix des produits restent sous tension. La production pourrait néanmoins s’intensifier à très court terme pour honorer les commandes déjà en carnet : au-delà, la visibilité est incertaine. L’activité et la demande se stabilisent dans les services, avec des perspectives orientées favorablement en novembre ! »

Bref, il n’y a pas que les enfants qui attendent le…. Père Noël, avec impatience et espoir !

En attendant un constat s’impose : « le chômage a diminué en octobre en Alsace où on comptait 97.180 chômeurs (41.130 dans le Haut-Rhin, 56.050 dans le Bas Rhin) contre 100.839 en octobre 2015. Leur nombre a régressé de 4,3% dans le Haut-Rhin et de 3,2% dans le Bas-Rhin. Chiffres qu’on peut, par exemple, rapporter à la régression du nombre de défaillances d’entreprises : -10,2% au troisième trimestre de cette année (299 défaillances contre 333 en 2015). Ces éléments ne doivent toutefois pas faire oublier que le « Grand Est » a subi une hausse du chômage plus rapide qu’ailleurs dans l’industrie, la construction et le commerce », comme le relève la commission chargée de piloter les travaux d’élaboration du futur « Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation (SRDEII) ». Le « schéma » sera prêt à l’adoption par le Conseil du Grand Est, en avril 2017.

Industrie : la production fléchit ! – Pour revenir à l’analyse de conjoncture de la Banque de France, notons que dans le secteur de fabrication de denrées alimentaire et de boissons (12% des effectifs), la production s’inscrit déjà en hausse et ce dans les principales branches d’activité : les chefs d’entreprise tablent sur une croissance modérée de la production, à court terme. A part l’automobile, les secteurs du bois, de l’imprimerie et du papier qui progressent, la production fléchit en octobre dans le secteur de l’industrie (19,2% des effectifs), comme dans celui dit des « autres produits industriels » (58,3% des effectifs dans la chimie, l’industrie pharmaceutique, les produits en caoutchouc, plastique et autres produits métalliques, les produits métalliques, le textile, l’habillement, le cuir, les chaussures).

Dans les services marchands (16,8% de l’effectif total) « l’activité et la demande demeurent globalement stables en octobre. Des disparités subsistent toutefois notamment entre un secteur du transport en recul et d’autres services plus dynamiques comme le travail temporaire et l’information-communication. Les prévisions sont optimistes pour les semaines à venir, à l’exception du travail temporaire qui anticipe un léger ralentissement sur la fin de l’année ».

Plaque tournante de l’économie transfrontalière ? – Reste que la Région Grand Est, voulant ignorer que les prochaines élections présidentielles puis législatives pourraient remettre en cause la réforme territoriale qui l’a vu naître, a décidé qu’elle présenterait à l’adoption son « SRDEII », le 28 Avril, 4 jours après le premier tour des élections présidentielles prévu le 23 avril. Car le « Grand Est », deuxième région française (hors Ile de France) avec 16% de ses effectifs (contre 12% en moyenne nationale) « veut aller de l’avant plutôt que subir ».

Pour cela, la Région veut mettre en place un « SRDII » qui fera d’elle « un des leaders européens de l’industrie de la bio-économie… », comme le souligne le texte présentant les travaux à venir du schéma régional qui veut faire du « Grand Est » une plaque tournante de l’économie transfrontalière et une place attractive sur le marché international pour les investissements étrangers.

Pendant que les « gladiateurs de la politique » se préparent à s’affronter aux jeux du cirque, il y a ceux qu’on pourrait appeler les « petites mains » du réalisme préparent, les mains dans le cambouis des moteurs d’avenir : pourvu que les citoyens, plus critiques que jamais envers les « hommes politiques », ne s’en lassent pas !

(1) Rappelé par Sylvie Kauffmann dans Le Monde des 4/5 Décembre.

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