Quand Paris et Berlin vont… au charbon !

Alain Howiller sur la transition énergétique et sa pénible mise en œuvre, autant en France qu'en Allemagne. A croire que la planète devra encore attendre avant que nous changions de comportement...

Le charbon pollue et transforme des régions entières en désert moderne... Foto: Spyridon Natsikos / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0de

(Par Alain Howiller) – Voilà un article qui, en ouverture tout au moins, pourrait se placer sous le signe d’un slogan célèbre de la SNCF qui avertissait : « Attention un train peut en… cacher un autre ! ». A moins qu’on ne préfère privilégier cette déclaration d’Angela Merkel affirmant « Si nous continuons comme cela, nous allons vers un échec ! » (« Wenn wir so weitermachen wie bisher, werden wir scheitern », dans Bild-Zeitung). Certes, cela vaut mieux que le fameux propos de Nicolas Sarkozy lançant : « L’écologie, ça commence à bien faire ! » Mais cela ne rassure pas pour autant ! Le « feuilleton politico-industrielo-médiatique » de la centrale nucléaire de Fessenheim n’a pas réellement trouvé de conclusion qui puisse susciter l’adhésion des habitants du territoire où elle est implantée. L’équipement sera fermé en été 2020, a finalement annoncé Emmanuel Macron. Mais bien que s’appuyant sur le récent Traité d’Aix-la-Chapelle recommandant expressément de privilégier la coopération transfrontalière, les conditions de la reconversion du site dans le cadre d’une coopération franco-allemande n’ont pas convaincu les habitants du territoire concerné (voir notamment eurojournaliste.eu du 8 février).

Déjà, un autre « feuilleton » se profile à Paris comme à Berlin : c’est celui de l’avenir des centrales à charbon, grosses pollueuses de gaz à effet de serre (GES). « Nous avons malheureusement encore trop de ces centrales », a souligné Angela Merkel, chancelière d’un pays qui se situe à la 4ème place mondiale pour les émissions de CO2. Quant au président français, il avait inscrit dans son programme électoral la fermeture des quatre dernières centrales (dont deux appartenaient à un groupe allemand avant d’être rachetées par un groupe tchèque, et deux étaient la propriété d’EDF) durant son quinquennat : ces centrales représentent un millier d’emplois. Difficile d’affirmer que l’engagement de fermeture des centrales d’ici à 2022 sera tenu !

Quatre centrales en France et un délai : 2022 ? – D’autant que François de Rugy, le Ministre de la Transition Ecologique, vient d’annoncer que l’une des centrales (celle de Cordemais en Loire Atlantique – 387 emplois directs) appartenant à EdF, pourra continuer à produire pour ne pas priver la Bretagne de courant. Il est vrai que l’intervention de ce site sera ponctuelle, en liaison avec la mise en place d’une centrale à biomasse qui doit amorcer la reconversion du site producteur. Celui-ci teste « Ecombust » un dispositif alternant une « co-combustion » biomasse/charbon. La conversion totale à la biomasse devrait permettre de mettre un terme à l’utilisation de charbon en 2025, voire 2027 !… Les quatre centrales en service représentant au mieux 2% de la production d’énergie, le nucléaire représentant (le site de Fessenheim sera le seul arrêté durant le quinquennat de Macron) un peu plus de 70%. L’énergie par le « renouvelable » représente 16% de la production française. Le feuilleton de l’arrêt de l’appel au charbon vient de commencer !

En Allemagne, il risque d’ouvrir un nouveau chapitre d’ici au mois d’avril retenu par le gouvernement pour le faire connaître (avant les élections au Parlement Européen !). La décision prise sera d’autant plus importante qu’elle portera notamment sur les centrales installées dans l’ex-Allemagne de l’Est, au Brandebourg et en Saxe où se dérouleront, en Septembre, des élections pour le renouvellement des parlements régionaux (précision : la Thuringe votera, elle, en octobre). Il s’agit de trouver des solutions qui ne favoriseront ni le vote « AfD » ni le vote « Verts » ! Les centrales à houille noire occupent encore en Allemagne quelques 4.000 salariés.

En Allemagne, la « Commission du charbon » propose ! – Mis en place par le gouvernement en Juin de l’année dernière, les 28 membres (élus, syndicalistes, représentants du monde associatif, patrons, personnes qualifiées, présidés par l’ancien Ministre-Président Stanislas Tillich – CDU) de la « Commission pour la Croissance, la restructuration et l’emploi » (« Kommission für Wachstum, Strukturwandel und Beschäftigung ») plus connue sous son appellation familière « Commission du Charbon » (« Kohlekommission ») viennent de remettre à Peter Altmaier, le Ministre de l’Economie, leurs conclusions sur l’évolution du charbon en Allemagne. La commission a eu des débats parfois houleux avant de suggérer au gouvernement un compromis sur la sortie du charbon : les centrales devraient être démantelées à partir de 2022 jusqu’à 2035, voire 2038. Alors que des milliers de manifestants défilent dans les rues pour réclamer l’arrêt de ce type de centrales, les délais proposés risquent fort d ‘être mal accueillis ; d’autant que la facture proposée (40 milliards d’euros !) pour financer la reconversion (indemnités pour les salariés, adaptation des sites « libérés », création d’infrastructures adaptées, aides aux « Länder » concernés etc…!) est lourde ! « Ce sera pour nous un effort gigantesque », a déjà commenté la chancelière qui n’a pas ajouté « Das schaffen wir », mais elle a tout de même estimé : « Il suffira de vouloir faire l’effort !… »

Français et Allemands ont déjà fermé des centrales : la « décroissance de la houille » réserve parfois des surprises. N’a-t-on pas rasé une église (près de Dortmund, il y a une dizaine d’années) pour permettre… l’extension d’une mine ? Exemple tout de même rare ! Selon les sondages, 73% des Allemands souhaitent une sortie rapide de l’économie du charbon : cette donnée poussera-t-elle, à aller plus vite ? Influencera-t-elle les décisions à prendre ? Revivra-t-on sur les deux rives du Rhin un nouveau et interminable feuilleton ? En France, EdF a affirmé : « Nous allons vers un zéro charbon ! » Le tout étant de savoir… comment et quand !

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