Rassemblement contre l’antisémitisme à Strasbourg

Dialogue imaginaire avec un fantôme candide, le 19 février 2019

Les Strasbourgeois, très nombreux, ont montré leur indignation face à l'antisémitisme Foto : Eurojournalist(e)

(Marc Chaudeur) – - – Oui, la plus grande partie des organisations politiques bas-rhinoises (à l’exception de celles qui, comme le RN, approuvent l’antisémitisme et le racisme) ont répondu à l’appel d’Olivier Faure et du Parti Socialiste pour participer à ce rassemblement contre l’antisémitisme ce soir, place de la République. Plusieurs milliers de personnes se tenaient sur la Place. J’y ai rencontré des centaines de gens sincères, et aussi des opportunistes, Tu sais, ces personnes qui aiment se redorer l’image au soleil de l’indignation citoyenne. Des gens qui en d’autres circonstances, se frottent comme des félins un peu galeux aux barbelés du RN, et qui parfois, y tombent…

- – - Non, je ne te dirai pas qui, bien sûr ! Dans quelques dizaines d’années, comme moi, tu discerneras la réalité strasbourgeoise sous les écharpes de la vertu…

- – - Ce qui se passe en ce moment ? Ah, tu sais, les phénomènes sociaux… Une foultitude d’intellectuels s’acharnent à produire des explications, alors que, soyons modestes, les groupes humains sont soumis à ils ne savent jamais quoi : des décharges d’ions dans l’atmosphère ? Un excès d’UV ou une déprivation d’oxygène ? Savons-nous réellement expliquer complètement ce qui s’est passé en Allemagne en 1933, par exemple ?

- – - Oui, tu as sans doute raison, ça ressemble à de la paresse cérébrale ! Mais je tiens à cette idée de modestie intellectuelle. Bon, à part cela, qu’est-ce qui leur prend, aux Français, et plus largement, à grand nombre d’Européens ? Pourquoi cette recrudescence, effective et impressionnante, de l’antisémitisme – et plus largement, d’ailleurs, du racisme ? On le constate depuis quelques années maintenant.

- – - Dans toute la France ? Oui, d’après les chiffres. Mais à mieux y regarder, on peut aussi constater que ces dernières semaines se répand à nouveau le parfum de la vieille hystérie politique à la parisienne, qui empêche si souvent, hélas, de raison garder, c’est-à-dire d’analyser ce qui se passe vraiment et donc, de faire avancer les choses  - Non, ce n’est pas contradictoire avec ce que je viens de te répondre : il faut analyser le plus loin possible, mais hélas, nos capacités se bloquent à un moment.

- – - Pourquoi hystérie ? Elle sourd notamment du débat : vieille canaillerie vichyste, ou bien voyouterie islamo-gauchiste (ou islamique tout court, car en somme, si l’islamo-fascisme existe bien évidemment, l’islamo-gauchisme, lui, n‘existe pas) ? Comment voulez-vous trancher ? Ces 2 types de haine, de fascisme et d’antisémitisme se rencontrent aujourd’hui, depuis une vingtaine d’années maintenant, tout simplement, et concluent une alliance tactique objective – et souvent aussi subjective, hélas, comme dans ce fichu mouvement des gilets jaunes où ils s’étreignent sans complexes dans leur milieu naturel, la rue. C’est cela qui s’est passé samedi dernier lors de l’agression d’Alain Finkielkraut.

- – - Oui, tu as raison : hystérie (certes modérée, mais…) sur les termes antisémite et antisioniste, en clair : sur les termes « juif » et « sioniste »… Les deux termes ne sont évidemment pas synonymes ! Beaucoup de juifs ne sont pas sionistes, et il existe des sionistes qui ne sont pas juifs (si si, j’en ai rencontré, dan la bonne ville de Strasbourg, même). Le vrai problème, c’est : QUI utilise ces qualificatifs ? Lorsqu’un salafiste barbu assène le mot « sioniste », en l’occurrence à Alain Finkielkraut, la volonté d’insulter est manifeste : c’est donc une insulte. L’insulte véritable repose dans l’intention d’insulter. Ce monsieur barbu, et beaucoup d’autres, des vieux vichystes moisis tout autant, sont des fondamentalistes (catholiques ou musulmans), des fascistes, des racistes, des antisémites : cela se repère à leur usage de ces mots, qu’ils salissent en les prononçant.

- – - Ce qu’exprime et pense Alain Finkielkraut ? En situation, ce n’est nullement le problème. Nullement. L’insulte antisémite atteint à des profondeurs abyssales, intolérables ; comme si un dentiste enfonçait son foret en plein cœur – c’est ce que j’en éprouve, du moins ; je ne suis pas juif. Je parle seulement en mon nom et en celui de l’universalité, et aussi de cette diversité dont parle ce texte superbe d’Aragon qu’un jeune homme a lu ce soir Place de la République.

- – - Ah oui, par-dessus le marché, comme si tout le reste ne suffisait pas, hier, il y a eu cette profanation du cimetière de Quatzenheim, l’obscénité de ces croix gammées… Et cette inscription en bleu, avec une horrible faute de grammaire : ElsässischeS Schwarze Wölfe ! Trop laid pour être vrai… Mais la dirigeante de tel mouvement autonomiste doit exulter, elle qui plastronne avec un ancien SW et se fait fièrement tirer le portrait avec lui…

- – - Non, tu as tout faux ! Ton scepticisme est erroné, et dangereux. Un Rassemblement comme celui de ce soir peut présenter une utilité incommensurable, marquer les esprits avec une force insoupçonnée ; j’en suis absolument certain.

- – - Oui, bien sûr, c’est difficile d’entretenir sans cesse une attitude d’instituteur et de croire qu’on peut enseigner à tout un chacun la portée de ses actes et de ses représentations mentales. C’est difficile, mais indispensable ; et c’est la seule solution. Mais le plus grand danger est-il l’ignorance ? Ou bien le diabolisme de ceux qui manipulent l’ignorance ?

Il y a quelques jours seulement, au même endroit exactement ou presque, notre frère Georges Federmann nous parlait de Pardon. Dans le cas de l’antisémitisme, refusons de pardonner à l’avance quelque crime ou quelque insulte que ce soit.

- – - En effet, je ne suis pas Christ. Je ne leur pardonne pas parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font. Je veux agir tout de suite, à temps, pour les empêcher d’agir et de faire ce qu’ils ne savent pas qu’ils font. Et empêcher leurs chefs de faire ce qu’ils savent qu’ils font.

 

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