De l’antisémitisme

Il importe de revenir à l’étymologie, pour sortir de la vision étriquée des logiques binaires, inévitablement génératrices de conflits le plus souvent sanglants.

La propagande antisémite des Nazis était écœurante et – elle avait prise. Foto: David Shankbone / Wikimedia Commons / CC-PD

(Jean-Marc Claus) – En 2021, un collectif de deux cent chercheurs, avec à sa tête Aleida Assmann et David Feldmann, proposait une définition renouvelée de l’antisémitisme sous l’intitulé « Déclaration de Jérusalem sur l’Antisémitisme » (DJA), document méritant une lecture particulièrement attentive, en cette période où le terme est employé à tour de bras et mis à toutes les sauces. Un des buts de cette déclaration était de répondre à la définition établie en 2016 par l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), jugée par les membres du collectif, pas assez claire sur certains points essentiels.

Chaque lecteur reste évidemment libre de sa propre analyse, car publier des oukases, prononcer des fatwas et délivrer du prêt-à-penser n’entre pas dans la ligne éditoriale d’Eurojournalist(e). Mais il importe, à plus forte raison en cette époque où tout va trop vite, de s’attarder un tant soit peu sur le sens des mots. S’attarder pour s’interroger, car à compter du moment où l’on se questionne, les opinions tranchées et les formules lapidaires perdent de leur pouvoir mobilisateur. Ceci ne pouvant qu’apporter un peu d’air frais, dans une atmosphère se chargeant d’effluves de croisades, cette fois-ci menées par les tenants des trois monothéismes.

S’il est devenu courant de définir l’antisémitisme comme la haine envers les individus et institutions israélites, le débat réunissant ou opposant antisémitisme et antisionisme reste tout de même ouvert. Il n’en demeure pas moins que le mot «  antisémitisme  » nous ramène à Sem, fils de Noé, frère de Cham et Japhet, selon le texte biblique. Ce dernier rapporte que Cham, découvrant la nudité de leur père, qui s’était dévêtu sous l’emprise de l’alcool, en fit part à ses frères qui le couvrirent sans le regarder. Cham fut maudit pour son manque de délicatesse, mais selon certains commentateurs, il y aurait aussi une relation incestueuse, voire même un viol.

Cham, dont le fils donna son nom au pays de Canaan, future terre promise des Hébreux, devint le serviteur de ses frères Japhet et Sem. Or Sem, premier des trois fils du patriarche, donna naissance aux peuples sémites dont les Akkadiens, les Cananéens, les Araméens, les Phéniciens, les Hébreux et les… Arabes. Chacun jouant un rôle historique considérable, ils ont notamment inventé l’écriture alphabétique et sont à l’origine des trois monothéismes, car n’oublions pas que le fondateur du christianisme était un sémite, lisant l’hébreu et parlant l’araméen pour être compris de tous. Cette langue ancienne est encore utilisée de nos jours, dans la liturgie de communautés chrétiennes dites orientales.

Si aujourd’hui l’antisémitisme est, selon la définition du Larousse, une « doctrine ou attitude systématique de ceux qui sont hostiles aux juifs et proposent contre eux des mesures discriminatoires. », il importe de revenir à l’étymologie pour comprendre que les Sémites ne sont pas que des Juifs, et il convient donc de sortir de la vision étriquée de la pensée binaire. Comme en 2015 nous étions Charlie, ne serions-nous pas en 2023 tous sémites  ? De tous temps, les conflits se déroulant au Proche-Orient, sont des luttes de pouvoir aux conséquences fratricides. Ainsi est-il plus que jamais nécessaire de rappeler, que faisant tous partie d’une même famille humaine, la condition nécessaire et suffisante de notre survie est d’apprendre à coexister…

2 Kommentare zu De l’antisémitisme

  1. Vous écrivez : “une relation incestueuse, voire même un viol.” Une relation incestueuse entre un père et son fils est nécessairement un viol.

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