Le SPD s’impose, mais c’est la CDU qui l’emporte

Angela Merkel a beau sourire - le SPD fait le plus gros du travail dans la "GroKo", mais c'est elle qui en recolte les fruits. Foto: (c) CDU Deutschland / Laurence Chaperon

(Par Alain Howiller) – Même du temps de la «coalition de gauche» conduite par Gerhard Schröder et Joshka Fischer, on n’était pas allé aussi loin dans la mise en place de mesures directement inspirés par le SPD. Au point que les chrétiens-démocrates se plaignent de devenir les «supplétifs» de la Grande Coalition. A Berlin, aux récentes «journées de l’Europe» au cours desquelles Angela Merkel a lancé «sa» campagne des élections européennes, Carsten Linnemann, responsable «classes moyennes» de la CDU/CSU, a réclamé plus de dynamisme de la part de son parti pour présenter ses propres projets, pour défendre ses orientations, pour ne pas laisser l’iniative au SPD. Volker Kauder, chef du groupe au Bundestag, a, quant à lui, réclamé qu’on «identifie davantage la signature des chrétiens-démocrates dans les projets de la GroKo» ! Pourtant, l’opinion ne semble guère être impressionné par «l’activisme du SPD» : celui-ci ne lui a apporté que deux points de plus dans les sondages ! Si il y avait des élections générales, le SPD recueillerait 25% des suffrages alors qu’il est crédité de 28% des intentions de vote pour les élections européennes du 25 Mai. Les scores pour la CDU/CSU sont respectivement de 41 et 40% ! Hormis le parti eurosceptique «AfD – Alternative für Deutschland» qui gagne un point à 6% d’intentions de vote, ni les «Verts» (à 9% soit -2 points par rapport au sondage précédent), ni «Die Linke» (stable, mais à 7%!) ne profitent de la situation qui place Angela Merkel et la CDU largement en tête ! Le SPD, en fin de compte, «roulerait»-il pour la CDU ?

Le climat qui s’installe dans l’opinion (55% des Allemands ne sont pas satisfaits de la politique menée par la GroKo !), et la réaction des sondés sont d’autant plus surprenants que, après les querelles initiales qui ont marqué les débuts de la coopération entre «coalisés» au pouvoir, les décisions prises et en cours de préparation inspirées par le SPD, marquent un assez net tournant à gauche tout en profitant à la CDU/CSU, quoi qu’en pensent ses militants !

La retraite, c’est pour bientôt ? – Un petit bilan de la GroKo permet de mettre en évidence la prise en compte de l’essentiel des idées du parti de Sigmar Gabriel qui semble bénéficier d’une neutralité bienveillante de la part de la chancelière : le tout au grand dam des militants chrétiens-démocrates qui grognent et piaffent, mais qui savent bien qu’Angela Merkel est leur (seul ?) atout. Politique de gauche ? Qu’on en juge !

Les ultimes tractations ont lieu entre coalisés pour installer une retraite à 63 ans pour ceux qui auraient cotisé 45 ans (le nombre d’enfants élevés et les périodes de chômage s’accompagnent de bonifications) alors que l’âge normal du départ à la retraite reste à 67 ans. Des mesures de freinage des loyers sont en bonne voie. La mise en oeuvre de la double nationalité pour les enfants étant nés et ayant séjourné en Allemagne progresse, elle aussi. Sigmar Gabriel, le Vice-Chancelier SPD chargé de l’environnement et de la transition énergétique a trouvé -assisté de la chancelière !- les compromis avec les différents Länder pour mettre la dernière main à un «plan énergétique» qui prévoit des aides aux éoliennes et un assouplissement pour leur installation en mer, maintien d’exonérations pour les entreprises grosses consommatrices d’énergie, bonifications pour les énergies propres, construction de lignes de transport de courant, compromis sur le prix de l’énergie, promotion de bio-gaz. Un compromis sur l’aménagement (à partir de 2016 voire 2015 dans certains cas) de quotas féminins (30% puis 40% en 2021) dans le personnel dirigeant a été élaboré.

Mais la «décision-phare» porte, évidemment, sur l’instauration, à partir du premier janvier 2015, d’un salaire minimum de 8,50 euros bruts de l’heure. Ce salaire ne s’appliquera qu’à l’issue des conventions sociales en cours pour les branches qui auraient déjà introduit un salaire minimum : toutefois, le SMIC devra être généralisé en 2017.

Un salaire minimum à 8,50 euros; avec des exceptions ? – Son montant ne sera pas révisable avant 2018 ! Il ne sera pas appliqué aux moins de 18 ans, ni aux stagiaires en formation ou aux stagiaires «libres», non rémunérés, dont le stage n’excèdera pas 6 semaines : toutefois, ils en bénéficieront dès que leur formation sera terminée. «Les générations dites des stagiaires doivent disparaître», a affirmé Andrea Nahles, la Ministre du Travail. Les chômeurs de longue durée ne bénéficieront pas du SMIC pendant les six premiers mois au cours desquels ils auront retrouvé un travail. Les aides aux récoltes se verront appliquer. Le statut des porteurs de journaux et des aides à domicile doit encore être précisé. Le gouvernement estime que le projet de loi sur le SMIC pourra être approuvé début Juillet par le Bundestag et début Septembre par le Bundesrat.

L’ensemble de ces projets devra être adopté par les parlementaires dans les semaines ou les mois qui viennent : compte tenu de la confortable majorité dont dispose la GroKo, une remise en cause paraît fortement improbable, même si des corrections à la marge ne sont pas impossibles. Car comme relevé plus haut, les parlementaires de la CDU/CSU, en particulier, trouvent que la GroKo se met un peu trop à la remorque du SPD, alors qu’un certain nombre d’élus sociaux-démocrates trouvent que la GroKo…, n’est pas allée assez loin !

Les milieux économiques montent au créneau ! – Les milieux économiques commencent, eux, à monter au créneau contre certaines des mesures annoncées. Expert auprès de l’Institut Max Planck pour la politique sociale de Munich, Axel Börsch-Supan, redoute que les mesures permettant un départ à la retraite à 63 ans, ne déclenchent une vague de «pré-retraites» (il évoque 250.000 départs), qui accentuera encore le manque de main d’oeuvre. Un autre expert, Hans-Werner Sinn, de «l’Institut für Wirtschaftsforschung an der Universität München» (Institut pour la recherche économique de l’Université de Munich – IFO), réclamant que le SMIC n’intervienne qu’à partir de 25 ans, redoute que les mesures concernant l’emploi ne menacent 900.000 emplois, en particulier chez les jeunes : la partie «Est» serait particulièrement menacée !

D’autres économistes rappellent que toutes les mesures à caractère social doivent être financées, que celles concernant la transition énergétique auront, elles aussi, un coût à prendre en compte par le budget, les entreprises ou les consommateurs. Les uns et les autres avancent des risques pour la compétitivité allemande !

Au fur et à mesure de l’arrivée de ces projets au Parlement, les débats sans doute s’intensifieront, mais pourront-ils, pour autant, peser sur leur adoption alors que les échanges qui les accompagnent n’ont jusqu’ici guère affectés l’opinion qui semble plutôt favorable à la plupart des mesures annoncées !

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