Slovaquie : nettoyage et transparence

La lutte contre la corruption a commencé.

La Présidente slovaque, Zuzana Caputova : un facteur d'espérance... Foto: Jindrich Nosek/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Du nouveau en Slovaquie ? L’élection de Zuzana Čaputová ce printemps est une conséquence presque directe de l’assassinat d’un journaliste, Ján Kuciak et de sa compagne, tous deux âgés de 27 ans. Cet assassinat a soulevé une telle indignation que rien n’est plus comme avant février 2018. Mais aujourd’hui, quels changements concrets peut-on constater et espérer ?

Les prochaines élections législatives auront lieu à Bratislava en mars 2020. Elles-mêmes se situeront presque nécessairement dans la suite du mouvement de protestation massif, qui n’avait pas eu d’équivalent depuis 1989, consécutif à ce double meurtre politico-crapuleux.

Le principal accusé de cet assassinat, un hommes d’affaire véreux nommé Marián Kočner, est devenu un symbole de la corruption dans le pays. Tout récemment, on a retrouvé des messages envoyés à l’époque du meurtre, et qui mettent en évidence les liens étroits entre cet entrepreneur et la police et les politiciens en place. Au point qu’il essayait d’arranger son cas, très sérieux, avec des autorités très haut placées de Bratislava.

Voici un peu plus d’un an, bien informés par certains excellents médias, les Slovaques ont mené des manifestations massives qui ont fait chuter le Premier ministre, Robert Fico, et d’autres membres éminents du gouvernement SMER (« social-démocrate »). Ce dont nous avons rendu compte en détail dans quelques articles précédents d’Eurojournalist.

Dans le grand mouvement d’opposition civique Pour une Slovaquie décente, on estime que les personnages comme Marián Kočner sont la règle : pour ses membres, la politique toute entière, et par conséquent le gouvernement qui a précédé celui de Čaputová et qui a duré 12 ans, étaient dirigés par une mafia. A Bratislava, on parle souvent d’Etat-mafia… Dans cet Etat-mafia, aucun respect effectif pour la loi et pour l’état de droit.

Les partis politiques proclament que la lutte contre la corruption sera la priorité des prochaines élections législatives. Comment faire autrement, puisque c’est cela qui intéresse (et même passionne) la population slovaque. Mais… Encore faut-il trouver les moyens d’initier cette lutte. Quels moyens et quels procédés faudra-t-il mettre en œuvre ? L’organisme anti-corruption du Conseil de l’Europe, le GRECO (Group of States against Corruption) a publié le 22 août dernier les Actes de son 83e assemblée plénière, qui s’est tenue à la fin du mois de juin à Strasbourg. Un communiqué qui, sur 60 pages, veut presser la classe politique slovaque et lui enjoindre de se mettre immédiatement à l’action. (https://rm.coe.int/). Un document où l’on trouve avec plaisir une mention précise de la protection des lanceurs d’alerte (whistleblowers).

En 2017, le ministre de l’Intérieur Kalinak a proclamé qu’il n’existait pas de corruption notable dans son pays… Ce qui est vrai, c’est plutôt que jusqu’à présent, aucun politicien véreux n’a été cité en justice précisément jusqu’à 2018. Mais la situation a changé : l’an dernier, une quarantaine de personnes ont été accusées. Selon l’OFRA (l’organisme anti-fraude européen), les responsables slovaques ont détourné au moins 300 millions d’euros de subventions européennes – ce qui ferait de la Slovaquie la championne en la matière. La corruption a atteint tous les domaines, y compris ceux de l’éducation et de l’environnement.

D’où l’importance majeure accordée désormais à la transparence. Malgré la montée des votes d’extrême-droite : lors des dernières présidentielles, les deux candidats para-néo-archéo-fascistes ont atteint ensemble 24%… Exiger la transparence dans les actes publics, c’est montrer que tout n’est pas permis aux dirigeants . C’est donc commencer à lutter contre la corruption. Et l’arrestation de Marián Kočner et des personnes accusées d’avoir appuyé su la gâchette lors du meurtre de Ján Kuciak a elle-même renforcé considérablement la confiance de la population envers la police.

Des ferments de changement commencent à travailler la Slovaquie. Il faut maintenir la pression : les meilleurs médias du pays s’y emploient.

Au mois de septembre prochain aura lieu une grande manifestation dans les rues de Bratislava. Espérons la aussi importante que celle de février 2018.

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