Spoutnik V : le vaccin russe qui divise l’Europe

La stratégie vaccinale définie par la Commission Européenne est mise à mal par les négociations bilatérales de certains pays de l’Union Européenne avec le producteur de Spoutnik V.

Le vaccin russe qui divise les états européens... Foto: Mos.ru / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Inès Tempel) – Alors que l’exécutif européen a fait savoir, le mercredi 7 avril, qu’il refusait d’entamer des négociations avec les développeurs russes du vaccin anti-covid Spoutnik V, plusieurs pays, dont récemment l’Allemagne, font fi de cette décision et prévoient des contrats avec Moscou pour obtenir des doses. Malgré les inquiétudes de nombreux scientifiques, ils font cavaliers seuls et déstabilisent un équilibre collaboratif européen déjà fragile.

Un débat scientifique – En février, la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet publiait une étude attestant de l’efficacité de Spoutnik V à 91,6% contre le Covid-19, faisant de lui le vaccin le plus efficace à ce jour. Depuis, ce vaccin russe a été validé dans plus de 50 pays, dont l’Argentine, le Mexique, le Kenya ou le Maroc. Pourtant, la question de la fiabilité et de l’efficacité de ce vaccin, qui, pour l’heure, n’a pas encore été homologué par l’Agence européenne des médicaments (AEM), inquiète toujours de nombreux scientifiques. Et ce n’est pas le récent scandale qui a éclaté en Slovaquie, le seul pays en Europe, avec la Hongrie, à avoir approuvé le vaccin, qui permettra d’apaiser leurs doutes. En effet, après cinq semaines d’analyses, l’agence du médicament slovaque (ŠÚKL) déclarait que les 200 000 doses commandées et reçues par Bratislava au mois de mars, « ne présentaient pas les mêmes caractéristiques et propriétés que les lots de vaccin en cours d’évaluation par l’AEM ni de ceux utilisés dans les tests publiés dans The Lancet ». La réputation du vaccin pâtit fortement de ces révélations, d’autant plus qu’au début du mois d’avril, le président argentin Alberto Fernandez était testé positif au Covid-19 alors qu’il avait pourtant déjà reçu ses deux injections de Spoutnik V.

Un coup dur pour la diplomatie européenne – La question de la performance du sérum russe est donc de plus en plus controversée. Pourtant, malgré les réserves émises par de nombreux spécialistes européens, l’Allemagne a déjà passé des contrats d’achat « anticipés » avec la Russie. En effet, plusieurs Länder de l’est, à l’instar de la Bavière qui a déjà prévu de recevoir 2,5 millions de doses en juin, ont décidé de ne pas attendre le verdict de l’AEM pour entamer des discussions avec Moscou. Bien que les représentants allemands affirment ne pas envisager d’utiliser ce vaccin avant que celui-ci n’ait été officiellement approuvé, leur décision d’annoncer publiquement vouloir en commander des doses, brise un peu plus le consensus européen.

Cette volonté allemande, qui emboite le pas à celle de la Hongrie et la Slovaquie, n’est sans doute qu’une simple manœuvre politique nationale : en vue des élections fédérales qui auront lieu le 26 septembre prochain, il y a une véritable campagne électorale qui se joue actuellement en Allemagne. Et quoi de mieux, pour répondre aux angoisses, aux impatiences et aux critiques de l’opinion publique, fatiguée par la gestion de crise désordonnée du gouvernement, que de commander des doses de vaccin supplémentaires ? La stratégie est peut-être bien pensée à l’échelle du pays, seulement, il s’agit d’un véritable affront à la collaboration européenne. Si même la voix de l’Allemagne ne répond plus de concert avec celle de la Commission Européenne, dont l’unique mission en ces temps de crise était pourtant d’établir et de faire respecter une stratégie vaccinale commune, alors que penser de l’efficacité actuelle de l’Union Européenne ? Cette course aux vaccins pourrait coûter très (trop) cher à la crédibilité de l’Union européenne.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste