Syndicats : la réponse du berger à la bergère

Suite aux grèves multiples lancées par des syndicats relativement petits, la ministre du travail allemande Andrea Nahles (SPD) veut prendre des mesures. Dont souffriront d’autres syndicats.

Après des grèves considérées comme abusives, la ministre du travail Andrea Nahles porte un coup au monde syndicaliste. Foto: Klaus-Uwe Pacyna / www.pixelio.de

(KL) – Depuis des semaines, deux syndicats allemands relativement petit, le VC, syndicat des pilotes de ligne chez la Lufthansa et le GDL, le syndicat des conducteurs de locomotives, alternent les mouvements de grève, paralysant à tour de rôle les trains et les avions. En réaction, la ministre du travail Andrea Nahles veut présenter un texte de loi au mois de décembre, qui pourrait pénaliser l’ensemble des petits syndicats. Le conflit se terminera sans doute devant la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, car la Cour du Travail Fédérale s’était déjà prononcé en 2010 en faveur de la pluralité des syndicats, estimant que dans de grandes entreprises, il pouvaient y avoir des conventions collctives parallèles concernant différents corps de métiers. Le ton entre patronat, politique et syndicats se durcit. Ce qui sent déjà le parfum de nouvelles grèves sous peu.

Le texte que proposera Andrea Nahles prévoit qu’une seule conventions collective dans de grandes entreprises et celle-ci serait négociée exclusivement entre l’entreprise et le syndicat présentant le plus grand nombre d’adhérents. En cas de litige entre syndicats quant au nombre d’adhérents, les chiffres devraient être dévoilés à un huissier, en cas de refus d’un des syndicats, un juge trancherait. La convention collective alors négociée avec un seul syndicat serait valable pour l’ensemble du personnel syndiqué. Ce qui signifie la fin des syndicats spécialisés, plus petits et désormais exclus de pouvoir de négociation – à quoi bon adhérer à un syndicat qui ne disposerait d’aucun pouvoir de représenter ses adhérents vis-à-vis du patronat ?

Hormis le fait qu’une telle proposition émanant d’une ministre social-démocrate puisse surprendre, force est de constater que Nahles veut établir une situation où les syndiqués d’une entreprise pourront décider qui représente quel métier vis-à-vis du patronat. Il semble logique que les grands syndicats s’attribueront alors le pouvoir de négociation pour la totalité des secteurs professionnels. Ainsi, Nahles porte un coup de poignard dans le dos des petits syndicats qui perdront leur raison d’être, sachant que d’autres négocieront à leur place et qu’ils seront obligé d’accepter les résultats de ces négociations. Le monde syndicaliste se souviendra du 3 décembre 2014, lorsque ce texte sera débattu au Bundestag où la Grande Coalition pourra profiter de sa majorité écrasante pour le faire passer.

L’objectif de Nahles est clair – en organisant une structure forcément marquée par le conflits entre les adhérents des différents syndicats dans une entreprise, Nahles compte tout simplement réduire le nombre de grèves. Puisqu’il est toujours nécessaire que 75% des adhérents d’un syndicat votent en faveur d’une grève pour que celle-ci puisse avoir lieu, la discorde inhérente au conflit entre les syndicats, ne facilitera pas la capacité de réunir 75% des syndiqués pour pouvoir lancer une grève. Ce qui, sans que cela soit dit ouvertement, vise à couper dans le droit à la grève.

Le monde syndicaliste a vivement réagi à cette proposition, annonçant vouloir faire appel à la Cour Consititionnelle. Si Andrea Nahles s’est dépêché de déclarer que sa proposition était parfaitement compatible avec la constitution allemande (le «Grundgesetz»), de hauts représentants de grands syndicats ont déclaré que cette loi était contraire aux jugements précédents – à la Cour Constitutionnelle de se substituer une nouvelle fois à la politique.

Toutefois, celui qui aura déclenché cette crise pour le monde syndicaliste, est le patron du GDL Claus Weselsky qui avait mené son conflit contre l’autre syndicat des Chemins de Fer, l’EVG, par le biais de grèves à répétition. De nombreux observateurs estimaient alors que d’une part, le GDL n’aurait pas comptabilisé les votes des abstentionnistes lors du vote pour la grève, l’invalidant ainsi de toute manière, et que d’autre part, qu’un conflit pour le pouvoir entre deux syndicats ne justifiait pas l’utilisation de l’instrument de la grève prévu pour représenter les intérêts des salariés vis-à-vis du patronat et non pas pour des litiges intra-syndicaux.

Les agissements du GDL et de son patron ne justifient toutefois en aucun cas cet «attentat» commis par une ministre social-démocrate contre de nombreux syndicats traditionnels, spécialisés, compétents et parfaitement considérés par les partenaires sociaux. Cette loi constitue une atteinte inadmissible au mouvement syndicaliste. Le pire – cette loi risque d’être votée par des social-démocrates (et des chrétiens-démocrates), sachant qu’ils condamnent certains syndicats à l’insignifiance et donc, à la disparition. La social-démocratie comme bourreau du mouvement syndicaliste dans sa pluralité ? Incroyable.

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