Transfrontalier : mobilité professionnelle et emploi dans le Rhin Supérieur

La FEFA et différents partenaires ont présenté une étude du chercheur mulhousien Vincent Goulet.

Vincent Goulet lors de la présentation de son étude sur la mobilité professionnelle des jeunes Haut-Rhinois. Foto: Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – Ce n’est sans doute pas la première fois (ni d’ailleurs la dernière) que la «Fondation Entente Franco-Allemande – FEFA» de Strasbourg et que «l’Institut Franco-Allemand – DFI» de Ludwigsburg se retrouvent autour d’un projet commun : les deux structures, le Président Jean Georges Mandon en tête pour la FEFA et Stefan Seidendorf, directeur-adjoint du DFI, se sont retrouvés, lundi, à Strasbourg, pour présenter l’étude de Vincent Goulet (1) sur «Les jeunes du Sud de l’Alsace face à la mobilité professionnelle transfrontalière». La présentation a été d’autant plus intéressante qu’elle a permis un dialogue entre l’auteur de l’étude et Stefan Seidendorf qui avait, lui-même, mené en 2013, une enquête sur le thème «Formation professionnelle et emploi transfrontaliers des jeunes adultes dans le Rhin Supérieur»(2).

Les deux études se complètent et permettent d’avoir une vue d’ensemble des possibilités, mais aussi des freins qui accompagnent, en quelque sorte, les perspectives de l’emploi transfrontalier, celui des jeunes en particulier. Le phénomène du travail transfrontalier interpelle d’autant plus que le chômage -notamment des jeunes- s’étend côté français alors que ce n’est le cas ni en Bade-Wurtemberg ni dans les cantons du Nord de la Suisse alors que, paradoxalement, le nombre des travailleurs frontaliers ne cesse de diminuer depuis l’an 2000 (9.000 en 1960, 70.000 en 2.000 et 60.000 en 2012). Cette régression est d’autant plus regrettable que de nombreux postes restent inoccupés côté suisse ou allemand.

Une expérience au… bout du pont ! – Si les deux études mettent l’accent sur les obstacles bien connus freinant le développement du travail transfrontalier (différences de législations, connaissances linguistiques, formations inadaptées, qualifications, méconnaissance des marchés du travail et des besoins réels des entreprises, difficultés de transport), mais elles mettent en question les stéréotypes et les idées reçues qui règnent en la matière. La prise en compte de cette approche est d’autant plus nécessaire que la perspective d’une bonne rémunération (surtout en Suisse), le chômage voire le «ressenti» d’une situation de «blocage professionnel et social en France» se conjuguent pour nourrir une mobilité professionnelle vers les marchés du travail au delà du Rhin.

La démarche, pourtant, combinerait à faible risque, un souci de rémunération, une ouverture vers une expérience internationale, la découverte (au «bout du pont», pour ainsi dire !) d’un nouvel environnement sans rupture avec sa région d’origine, d’autres horizons, d’autres modes de vie, un travail plus qualifié (encore que les frontaliers en Suisse occupent surtout des emplois peu qualifiés).

Pour que les jeunes fassent le saut d’un travail en Pays de Bade ou dans les cantons bâlois, il faut qu’ils se débarrassent d’un certain nombre d’idées reçues : il existe au delà du Rhin des emplois susceptibles de leur convenir dans des régions qu’ils connaissent déjà par le shopping, les loisirs ou le tourisme, leurs connaissances linguistiques malgré leur peur d’une langue allemande qui leur paraît trop difficile, constituent des bases exploitables.

Au delà des idées reçues et des stéréotypes ! – Il est nécessaire qu’ils franchissent un certain nombre de barrières psychologiques vis à vis de l’image de l’entreprise allemande ou suisse qui leur semble hors de leur portée sur les plans technologiques, ambiance, encadrement. Cet aspect des «obstacles psychologiques ressentis» par les jeunes en quête d’un emploi constitue une originalité du travail de Vincent Goulet, une originalité que Stefan Seidendorf avait déjà évoquée dans son analyse. Bien sûr, ces aspects ne peuvent cacher une réalité évidente : la méconnaissance des besoins réels des entreprises allemandes ou suisses, l’insuffisante connaissance du marché du travail de l’autre côté du Rhin, des conditions de travail, des possibilités d’accompagnement (formation professionnelle, financements possibles de la formation transfrontalière pour les apprentis).

Ils ne peuvent pas non plus ignorer la méconnaissance dont font preuve les entreprises allemandes ou suisses : elles ignorent -et donc ne reconnaissent pas- la qualité de la formation assurée en France, elles ont tendance à accueillir les frontaliers comme n’importe quel travailleur étranger, hésitent à financer la formation transfrontalière des apprentis, sont persuadées de la supériorité de la formation dans leur pays. Bref, tant du côté des salariés que du côté des employeurs, on ignore beaucoup -si ce n’est tout- du pays voisin : d’où l’idée de promouvoir une «culture rhénane de l’emploi». Devant le peu d’intérêt manifesté pour les voisins rhénans par les médias existants (notamment écrits), un projet «Interreg» est en cours de montage qui communiquerait sur l’emploi et les postes disponibles dans le cadre du Rhin Supérieur. Sa concrétisation apportera-t-elle enfin l’outil qui permettra de communiquer et d’échanger, au delà des cercles institutionnels, en temps réel et surtout entre populations concernées ? Il serait plus que temps !

(1) Vincent Goulet, chercheur-enseignant «SAGE-Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe», CNRS et Université de Strasbourg – unistra, étude consultable chez vgoulet@unistra.fr ou téléchargeable sur www.fefa.fr

(2) A obtenir chez seidendorf@dfi.de

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