Trois ans après : ces communes qui croient encore au «Père Noël» !

Des villes et communes allemandes contestent les résultats du dernier recensement qui avait lieu en 2011. Il s'agit de gros sous et pour certaines villes, de la survie économique.

Les recensements ont, de nos jours, même des jolis logos. Il y a 2000 ans, ce n'était pas pareil... Foto: Bayerisches Landesamt für Statistik und Datenverarbeitung, München / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Les recensements ménagent bien des surprises : celui mené en Allemagne, en 2011 continue, trois ans après, de provoquer des contestations, des protestations sur la réalité de chiffres dont l’importance n’échappera à personne. Compter plus ou moins d’habitants peut faire changer une commune de catégorie, peut peser, dès lors, sur le montant des subventions auxquelles elle a droit, sur celui des sommes à verser au fond de péréquation des communes, sur le mode de calcul de certaines catégories de personnel (le maire par exemple). Le recensement de 2011 avait constaté que, par rapport aux chiffres réputés exacts, la population allemande avait baissé, passant de 81,8 millions d’habitants à 80,2 millions !

Et certaines grandes villes avaient enregistré des pertes de population non négligeables : Berlin avait perdu 180.000 habitants, Hambourg 83.000 habitants, Stuttgart 23.000 habitants. Du coup, Hambourg, par exemple, a vu sa contribution au fonds de péréquation en baisse de près de 74 millions d’euros et Berlin a vu diminuer de 470 millions d’euros le montant des subventions que la ville recevait du fonds de péréquation !

Le Bade-Wurtemberg au coeur de la contestation ! – Ce n’est pas une fine allusion, en cette période de Noël, à un recensement qui, il y a plus de 2.000 ans, a conduit un couple à enfanter dans une étable près de Nazareth, qui me conduit à traiter, aujourd’hui, du recensement de 2011, mais bien deux faits d’actualité qui concernent, d’une part, une ville du Land de Brême et d’autre part, la capitale allemande elle même, qui vient de se doter d’un nouveau maire, Michaël Müller (SPD), ancien propriétaire -avec son père- d’une imprimerie. Bremerhaven, la ville du Land de Brême dont il s’agit ici, est l’une des quelques 350 communes qui ont attaqué en justice le recensement.

Les communes du Land de Bade-Wurtemberg sont, du reste, en tête du mouvement de contestation, puisque près de 150 communes -(sauf… Stuttgart !)- ont saisi la juridiction administrative compétente (en Rhénanie du Nord – Westphalie, ce sont près de 70 communes qui plaident, tandis qu’elles sont un peu plus d’une cinquantaine en Bavière).

Au Bade-Wurtemberg, c’est Heilbronn qui a mené, en quelque sorte, la «danse» de la contestation dès le mois de mars. La ville, après avoir essayé de faire aboutir un recours auprès de l’administration chargée des statistiques, a engagé une action en justice avec 5 autres villes dont Mannheim, Emmendingen, Metzingen (et plus récemment Rastatt).

Attaques contre les résultats et la méthode employée ! – Les communes contestent à la fois les résultats et la méthode utilisée pour le décompte des habitants. La méthode alliait un décompte plus précis avec interviews dans les communes de moins de 10.000 habitants et une projection selon un système de quotas représentatifs dans les cités plus importantes. Les plaignants, qui ont saisi la justice ou ont, plus simplement, engagé des recours administratifs contre les organismes établissant les statistiques, contestent les chiffres et la méthode qui aurait violé la règle constitutionnelle d’égalité de traitement des citoyens.

Le tribunal administratif de Brême vient de débouter la ville de Bremerhaven de son recours:et sa décision risque fort de faire jurisprudence ! Car le tribunal non seulement vient de confirmer que la manière dont le recensement avait été mené à bien, s’inscrivait en conformité avec la constitution, mais que le résultat lui-même ne comportait pas d’erreur statistique susceptible d’altérer la réalité des chiffres. Finalement, tant les résultats (Bremerhaven avait été -à 108.000 habitants- «gratifiée» d’une perte de population de 5.000 âmes !) que la méthode utilisée ont été validés par le tribunal qui jugeait en première instance : un appel est donc possible. Compte tenu de la décision tombée à Brême, compte tenu aussi des attendus très argumentés du jugement, il est possible que certaines communes -on cite déjà Nordhausen, ville de Thuringe d’un peu plus de 42.000 hahitants «créditée» d’une perte d’un peu plus de 1.700 personnes- renonceront à engager une procédure.

Endettée, Berlin conteste à Karlsruhe ! – Il est possible aussi -et c’est le deuxième élément d’actualité annoncé plus haut- que des communes, devant l’ampleur des enjeux, s’adressent à la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe. C’est ce que vient de décider le Sénat de Berlin qui revient sur la méthode utilisée. Celle-ci désavantage notamment les grandes villes, a argumenté le nouveau maire de la ville. Ce denier, se souvenant sans doute des critiques que le précédent recensement -en 1987- avait déjà subi, affirme que ce qui lui importe, en l’occurrence c’est moins l’aspect financier (… encore que dans une ville aussi endettée que Berlin !… ) que le souci de mettre en place des méthodes qui mettront à l’abri de la critique le prochain recensement prévu en… 2021 !

Ceux qui montent au créneau de la contestation, ne peuvent qu’adhérer à cette déclaration, tout en réclamant plus d’ouverture de la part des offices statistiques chargés du recensement, moins de secret et plus de rigueur notamment dans la conservation des éléments fondant les résultats proclamés : beaucoup de données recueillies auraient, en effet, déjà été effacées des ordinateurs ! Pour l’heure, les recours engagés témoignent du fait qu’elles ne sont pas rares ces villes qui entendent ne pas se laisser faire : certes, les observateurs qui pensent que le combat est perdu d’avance, ne sont pas rares et ils sont nombreux ceux qui pensent qu’engager cette lutte du pot de terre contre le pot de fer est une nouvelle utopie pour personnes qui croient encore au… «Père Noël» !… Mais, en conclusion, il y a aussi ceux qui estiment que les seuls combats perdus d’avance sont ceux…. qu’on n’engage jamais !

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