Trump versus Merkel

Donald Trump est un vilain jaloux

Nord Stream en pièces détachées... Foto: Assenmacher / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(MC) – Bruxelles, sommet de l’OTAN, le 11 juillet : Donald Trump reproche très crûment à Angela Merkel de consacrer une somme minime à la défense – dépendant donc en cette mesure des Etats-Unis – au lieu des 2 % du budget national promis naguère. Et contradictoirement à cela, de dépendre par son énergie de la Russie, de laquelle elle importerait une proportion déraisonnable de son gaz. Trump a dit à Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN : « L’Allemagne, apparemment, est captive de la Russie : elle achète énormément d’énergie à la Russie ! Nous sommes censés protéger l’Allemagne, mais elle va chercher son énergie en Russie ! Qu’on m’explique ! On ne peut pas justifier cela, vous savez ! » 

De deux choses l’une, dit donc Trump en substance ce mercredi 11 juillet : ou bien vous, Allemands, voulez qu’on vous protège, et alors, vous devez jouer le jeu ; ou alors, vous vous tournez du côté de Poutine, et dans ce cas, il faut en assumer les conséquences.

Mais les choses ne se présentent pas ainsi. Du moins, pas exactement. Trump, à son habitude, avance comme un soudard du Wisconsin, le colt entre ses dents pour garder les mains libres, prêtes à étrangler le sauvage sur son chemin. Rencontre au sommet entre le redneck et son redskin – en l’occurrence, Angela Merkel, coupable de trop d’européanité.

En réalité, c’est le gazoduc Nord Stream 2 que Trump a dans sa visière.

Nord Stream 1 est en service depuis 2011 : c’est largement une construction de Gerhard Schröder, chancelier SPD et cigare aux lèvres jusqu‘en 2005, reconverti un peu scandaleusement dans les affaires ensuite, à la tête du projet avancé par Gazprom avec l’aide de son ami Vladimir Poutine et de Matthias Warnig, directeur de Gazprom… un ancien de la Stasi. Entre 2005 et 2011, on a beaucoup avancé l’argument de la bonne entente pacifique entre Allemagne (et donc, Europe) et Russie. L’autre argument, sans doute de plus de poids, c’est le prix, relativement modique, du gaz russe.

En somme, c’est à cette époque que naissent les rumeurs de l’influence considérable qu’exercerait Moscou sur la politique allemande. Rumeurs que Trump s’empresse d’exaspérer aujourd’hui, au moment où on parle beaucoup de Nord Stream 2, qui doit doubler Nord Stream 1. Le gigantesque pipeline doit passer, s’il se réalise, de la Sibérie à Greifswald, la ville du peintre Friedrich, sur la Baltique. Il fera ainsi passer 55 milliards de mètres cubes de gaz par an en Europe. S’il se réalise : car la Pologne et deux des pays baltes y sont opposés – alors même que le gaz russe constitue 80 % des importations polonaises de gaz…

N’oublions pas que depuis l’annexion de la Crimée par la Russie, l’Europe et les Etats-Unis ont imposé des sanctions à la Russie de Poutine : comment pourrait-on concilier sanctions et coopération renforcée, qui plus est dans un domaine aussi essentiel que celui de l’approvisionnement énergétique ? Et ces pays, pour des raisons très compréhensibles, se méfient grandement de leur voisin. Ils savent bien à quel point la politique et l’économie sont liées – mais cela vaut tout autant pour Trump, qui a bien du mal à distinguer les deux domaines, n’ayant pas été élevé chez les Jésuites. Il y a peu de Jésuites en Oklahoma.

En sens inverse, on avance que l’ancien réseau d’approvisionnement, qui transitait naguère par l’Ukraine, est quelque peu délabré, et qu’il faut absolument le moderniser. C’est la perspective que défend Angela Merkel qui, elle, fait mine de réduire ces problèmes essentiels et récurrents à leurs aspects pragmatiques. Le problème étant que la chancelière persiste dans sa critique radicale contre Poutine après l’annexion de l’Ukraine et tous ses dommages plus ou moins collatéraux. Les Allemands s’apprêtent donc à signer un accord avec Kiev pour atténuer les effets délétères de cette politique en apparence anti-russe sur l’Ukraine.

Pour ce qui est du problème de la « dépendance » de Berlin par rapport à Moscou, on peut se contenter de préciser que sur l’ensemble de l’énergie que consomment les Allemands, le gaz n’en représente qu’ à peine un quart (23%), transition énergétique oblige ; et que par ailleurs, les importations provenant de la Russie ne représentent que 30 % de la consommation…

Moscou pourrait-il, un jour de migraine poutinienne, arrêter tout approvisionnement de l’Allemagne ? Les spécialistes affirment que Berlin tiendrait plus de trois mois sans le gaz russe, sans avoir besoin de réduire le feu de la cuisinière sous le plat de choucroute. Et il est assez évident qu’en sens inverse, un tel comportement amoindrirait fortement les ressources de Moscou…

Les paroles de Trump sont assurément celles d’un voyou du Far West : jamais à l’époque de l’URSS, même dans les pires moments, l’approvisionnement de gaz pour l’Europe n’était empêché…

En définitive, le comportement de spadassin de Trump semble assez facile à interpréter. Lundi, le président américain et Poutine vont se rencontrer à Moscou : Trump désire sans doute faire monter la tension d’un cran pour apparaître en position de force. Et par ailleurs, mais lié à cela, le président américain insiste sur les risques réels ou supposés d’une entente, même pragmatique, avec Poutine, afin de contourner l’argument principal dont disposent les Russes : la modicité du prix du gaz face à celui du gaz américain. Dans la concurrence économique, on fait ce qu’on peut.

 

 

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