Un livre vraiment important

Rencontre avec Michel Weckel, pasteur et auteur du livre « Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler ». Un livre ayant suscité beaucoup de réactions, un auteur d'une intelligence pétillante.

Le livre écrit par Michel Weckel compte parmi les livres importants... Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY 2.0

(KL) – Son livre « Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler » était une grande surprise, même pour ceux qui s’occupent du travail de la mémoire de l’époque de l’occupation nazie en Alsace. Car sous l’angle de l’église luthérienne, Michel Weckel a non seulement retracé le soutien de nombreux pasteurs alsaciens à Hitler et l’occupant nazi, mais dans ce livre, il parle aussi de réseaux pan-germaniques qui existent en partie jusqu’à nos jours. Un livre historique d’une grande valeur à recommander sans modération. Interview.

Michel Weckel, l’année dernière, trois livres différents ont été publiés sur l’époque de l’occupation nazie. Il y a eu le livre de Claude Mislin « La face cachée de Pierre Pflimlin », celui de Bertrand Merle « 50 mots » sur la Résistance en Alsace et le votre, « Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler ». Les deux autres auteurs sont d’anciens journalistes, vous êtes pasteur – qu’est-ce qu’il vous a motivé à écrire ce livre ?

Michel Weckel : J’ai toujours senti un malaise au sein de l’église luthérienne concernant ce sujet et je me suis souvent posé la question pourquoi on ne parlait jamais de cette époque en Alsace. Il y a 40 ans, jeune prêtre de 27 ans à Bischheim, j’ai assisté aux premiers succès du Front National et à la remontée d’idées racistes. Je me suis alors posé la question comment il était possible que ces idées reviennent. Ensuite, je travaillais à la CIMADE et j’ai découvert le livre de Pierre Boulay et Léon Strauss sur la Hunebourg, haut-lieu du nazisme dans le nord de l’Alsace, sur des photos de Heinrich Himmler et Friedrich Spiser là-bas et c’était comme un déclic. La lecture d’un autre livre, « La demeure du silence » de Gérard Janus, et mes questionnements sur les succès du Front National dans le nord de l’Alsace et en Alsace Bossue, m’ont finalement décidés. Pendant les récentes périodes du confinement, j’ai trouvé le temps pour faire des recherches, pour approfondir, pour parler avec quelques interlocuteurs qui voulaient bien me parler de cette époque et j’avais aussi accès aux Archives du Département qui avaient rendu les documents se référant à cette époque accessibles en 2015. Et puisque personne n’avait jamais traité cette époque sous l’angle de l’église protestante, je me suis lancé.

En lisant votre livre, on constate que certains réseaux de l’époque existent encore aujourd’hui. Est-ce que cela veut dire que cette époque n’est toujours pas révolue ?

MW : Vous savez, il y a des dynasties pastorales et ce, pas seulement dans les villages, mais aussi dans les villes. Ainsi, les pasteurs se passent le flambeau de père en fils, on reste dans un cercle assez fermé. Personnellement, je n’était pas concerné par ce phénomène, puisque mon père était catholique…

Donc, certaines idées ont survécu ?

MW : Oui, chez les ultra-orthodoxes, les idées d’un luthéranisme allemand ont survécu, avec une sorte de pangermanisme qui rejette autant la République que la démocratie.

Votre collègue Claude Mislin a essuyé des réactions agressives et déplaisantes après la parution de son livre. C’était aussi le cas pour vous ?

MW : J’avoue, avant la parution du livre, j’ai passé quelques nuits blanches en craignant les réactions… Mais après, j’ai eu des centaines de lettres pour me remercier, autant par des gens simples que par des intellectuels. Finalement, j’étais presque déçu de ne recevoir que deux réactions négatives. Après, ceux qui n’ont pas apprécié mon livre, ne font pas nécessairement partie de ceux qui s’expriment et certainement pas publiquement. Mais je note aussi que seules 4 paroisses alsaciennes m’ont invité pour débattre de mon livre et à Bouxwiller, le maire avait même dépêché une voiture de police à ma conférence de peur qu’il puisse y avoir des incidents. Mais il n’y en avait pas…

Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui, 80 ans plus tard, le travail de mémoire et de historien soit toujours aussi difficile en Alsace ?

MW : Il s’agit d’une histoire brûlante et d’un conflit à l’intérieur de l’église protestante dont on n’aime pas parler. Il y avait à l’époque autant de pasteurs dans la résistance que ceux qui acclamaient Hitler. Ce conflit entre protestants pro-français et pro-allemands créait des tensions et après la guerre, il y avait un souci d’apaisement. On voulait mettre le sujet de côté pour en reparler plus tard, mais malheureusement, cela n’a pas été fait. La question était trop embarrassante, les acteurs se connaissaient, il y avait des tensions familiales et finalement, le sujet a disparu des écrans.

Jusqu’à ce que vous publiez votre excellent livre… merci pour cet entretien, Michel Weckel !

Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler
Editions La Nuée Bleue
194 pages, 22 €
ISBN 978-2-7165-0918-3

Après avoir présenté « La face cachée de Pierre Pflimlin » de Claude Mislin et « Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler » de Michel Weckel, nous vous présenterons « 50 mots » de Bertrand Merle début Décembre.

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