Une histoire européenne – quand la France laissait partir la Sarre…

Vendredi, la Sarre fêtait les 60 ans du référendum suite auquel elle était intégrée à la République Fédérale d'Allemagne. Il y avait du beau monde pour cette fête européenne et franco-allemande.

Il y avait du beau monde vendredi à Sarrebruck pour fêter les 60 ans du référendum sarrois qui scellait le rattachement de la Sarre à l'Allemagne Fédérale. Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – Le 23 octobre 1955, les Sarrois auraient pu écrire une page d’histoire européenne. Car le référendum qui leur était proposé, ne portait pas sur la question si le petit Land voulait faire partie de la France ou de l’Allemagne, mais les Sarrois avaient le choix entre un «territoire européen» rattaché économiquement à la France ou le rattachement à l’Allemagne. Dix ans après la guerre, il était probablement trop tôt pour que cette idée d’un «territoire européen» puisse être majoritaire et le résultat était conséquent – deux tiers des Sarrois s’exprimaient alors pour l’intégration avec l’Allemagne Fédérale. Mais ce qui aurait pu être une occasion historique ratée, se transforme aujourd’hui en exemple pour l’intégration franco-allemande, vécue de manière plus intense entre la Sarre et la Lorraine qu’ailleurs.

Vendredi, la chancelière Angela Merkel était venu, tout comme le premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel – côté français, on s’était limité à envoyer l’ancien premier ministre, le député Jean-Marc Ayrault, ce qui démontre l’importance que l’on attache dans les deux pays à ce jubilé. Pourtant, la France s’était montré très généreuse en 1955, en acceptant pleinement le vote des Sarrois, ce qui constituait, comme le soulignait la ministre-présidente de la Sarre, Annegret Kramp-Karrenbauer, «pas une évidence».

La chancelière, visiblement fatigué par le plus difficile combat de sa carrière politique qu’elle mène actuellement en Allemagne et en Europe, tenait un discours plutôt européen en indiquant que les problèmes que rencontre l’Europe actuellement, ne pourraient être résolus qu’en commun. Les applaudissements étaient faible, mais polis, le premier ministre luxembourgeois ne faisait aucun signe d’approbation.

Que serait devenu la Sarre si elle avait voté pour cette option d’un «territoire européen» ? Probablement, elle accueillerait aujourd’hui les institutions européennes, à l’instar du «District of Columbia», et la Sarre serait sans doute le centre de la politique européenne. Mais cela ne semble pas correspondre à la mentalité des Sarrois qui préfèrent une vie tranquille, les échanges très directs avec la France voisine et si la Sarre nourrit l’ambition de devenir le modèle du «franco-allemand», elle n’a jamais voulu être ce centre européen qu’elle aurait pu devenir en 1955.

Personne en Sarre ne regrette le choix fait en 1955. La fête populaire qui avait lieu directement après la célébration au Staatstheater de Sarrebruck, montrait la fierté des Sarrois. Sous le slogan «les grandes choses commencent toujours à un petit niveau», on y fêtait ces 60 ans d’une décision à large portée pour le petit Land qui devait connaître un déclin économique dramatique après son rattachement à l’Allemagne – l’industrie de l’acier s’écroulait et la Sarre se trouve toujours dans unhe phase de reconversion qui est loin d’être consommée.

Mais si la Sarre a loupé une occasion de devenir le centre de l’Europe, elle s’organise aujourd’hui de manière plus européenne et franco-allemande que jamais avant. La ministre-présidente Annegret Kramp-Karrenbauer a lancé sa «Stratégie France», un projet d’intégration franco-allemande très ambitieux qui prévoit, entre autres, que le Français devienne la deuxième langue officielle en Sarre – ce qui constitue une petite révolution culturelle en ouvrant la porte vers une véritable intégration franco-allemande. Cette «Stratégie France» lancée par la Sarre, devrait servir comme exemple aux autres régions frontalières, notamment entre l’Alsace et le Pays de Bade où l’intégration franco-allemande n’existe souvent que sur le papier.

Peut être les Sarrois avaient raison de laisser le temps au temps. En refusant en 1955 de devenir un «territoire européen», un peu sous la pression de l’Histoire, ils peuvent aujourd’hui se comporter de manière plus franco-allemande et plus européenne que d’autres régions. Maintenant, il reste à concrétiser – la «Stratégie France» est très ambitieuse à l’horizon 2043 et beaucoup de choses pourraient arriver d’ici là pour remettre en cause cette intégration profonde et européenne qui a commencé entre la Sarre et la Lorraine. Aux autres régions du Grand Est de se joindre aux efforts fournis par la Sarre – qui se matérialisent déjà par une amélioration spectaculaire de la ministre-présidente dans le maniement de la langue de Molière. Les progrès qu’elle a fait en une seule année démontrent bien qu’elle est sérieuse dans ses plans d’une intégration franco-allemande – en donnant ainsi un exemple à ses concitoyen, elle apporte une grande crédibilité à la démarche.

En 2045, lorsque l’on fêtera les 90 ans de ce référendum du 23 octobre 1955, la langue française sera la deuxième langue officielle en Sarre depuis deux ans. C’est à ce moment là qu’on verra si les Sarrois avaient raison de voter comme ils avaient voté en 1955.

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