Une impasse à péage…

Franck Dautel revient sur la manifestation contre le Grand Contournement Ouest (GCO) – la résistance se forme. Et ce n’est pas toujours évident…

Les villages concernés par le GCO - sont contre. Car les "effets secondaires" sont trop néfastes. Foto: Franck Dautel

(Par Franck Dautel) – Samedi 15 octobre plusieurs milliers de manifestants se sont retrouvés à Strasbourg aux côtés d’une centaine d’agriculteurs venus avec leurs tracteurs pour rappeler leur opposition forte à la construction d’une autoroute à péage contournant Strasbourg par l’Ouest.

Ils viennent pour beaucoup des villages du Kochersberg et de la plaine de la Bruche qui se situent justement à l’Ouest, aux portes de l’Eurométropole de Strasbourg. Ils sont habitants, éleveurs ou cultivateurs dans les 24 villages où le GCO qui serait l’A355 (Grand Contournement Ouest) passera non loin de leurs habitations défigurant au passage le paysage sur 24 km, détruisant 280 hectares de terres agricoles parmi les plus fertiles d’Europe et 10 hectares de forêt. Pollution atmosphérique et sonore allant de paire… Une telle infrastructure aussi inutile que coûteuse (600 millions d’euros) intéresse bien évidemment la grande finance qui voit là une aubaine à saisir. Vinci, l’entreprise de BTP en est comme à Notre Dame Des Landes, le constructeur et le concessionnaire du projet. Soutenu localement par le lobbying de la CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin et depuis 2014 par la majorité municipale de Strasbourg, qui était contre jusque là, l’occasion de s’enrichir est trop belle avec un chantier de taille même s’il ne servira à rien ou à pas grand-chose.

Mais pourquoi donc manifester à Strasbourg ? - Le GCO est censé désengorger la section urbaine de l’autoroute A35 strasbourgeoise qui subit quotidiennement des bouchons importants, notamment aux heures de pointe. A ces horaires, de très nombreux automobilistes particuliers, camions de marchandises et camionnettes d’artisans transitent du Nord au Sud de la ville. Au même moment, un cisaillement considérable se produit entre ces véhicules et des milliers d’autres qui tentent d’entrer ou sortir de Strasbourg pour aller au travail, conduire les enfants à l’école, faire des emplettes au centre ville, aller en consultation chez un médecin ou dans les hôpitaux de la ville…

Perte de temps considérable pour tout le monde, pollution importante aux portes de l’agglomération, le GCO qui sera à péage, ne produira qu’un report d’à peine 4% du trafic routier autour de la ville. A une époque où l’on parle de consommer des produits locaux cultivés et produits aux portes des grandes citées pour éviter au possible de longs trajets en camion à travers l’Europe. A l’époque où la pollution atmosphérique tue prématurément 524 000 européens chaque année, alors que les modes de déplacement communs et doux sont connus pour être la seule alternative réaliste pour endiguer ce fléau, on ressort un projet qui date des années 70 et qui ne correspond plus du tout aux réalités ni aux besoins d’aujourd’hui.

La plaine d’Alsace est empruntée quotidiennement et gratuitement par des milliers de poids lourds qui évitent de passer côté allemand sur l’A5 où depuis 2005 est instaurée une redevance camions, la LKW MAUT (4 milliards d’euros rapportés chaque année au niveau national). La simple mise en place de l’écotaxe française ou pourquoi pas, qu’alsacienne, rééquilibrerait ce trafic et ferait automatiquement baisser au moins en partie les problèmes de circulation et de pollution autour de Strasbourg.

… et des dommages collatéraux ! – L’autoroute A35 autrement nommée l’autoroute « des Cigognes » qui file vers le Nord de l’Alsace et l’Allemagne se transforme dès la Lauter franchie, côté allemand, en une simple nationale « Am Bienwald », sur plus de 10 km en pleine forêt. Elle conduit jusqu’à Kandel où elle rejoint l’autoroute 65 qui vient tout droit de Ludwigshafen. Le GCO pour sa part démarrerait au Nord-Ouest de Strasbourg, à Vendenheim, là même où débouche l’A35 et cela n’est pas dû au hasard quand on connait Vinci… Vinci qui est bien installé en Allemagne où il vient tout juste, dans le land voisin du Bade-Wurtemberg, de finir d’élargir l’A5 de 4 à 6 voies, un chantier colossal mené depuis trois ans. Cette entrée « toute prête » dans le GCO à Vendenheim permettrait d’après le « Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland » une puissante association environnementale allemande, que cette nationale soit transformée en autoroute afin d’aspirer une partie du trafic venant du Nord Ouest de l’Allemagne. Un massacre là encore, sur une bonne dizaine de kilomètres, soit à la louche plus de 35 hectares de forêt sans compter qu’alors, les calculs de prévision du trafic à venir autour de Strasbourg seraient totalement faussés.

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