2019 sera pour le Grand Est… le Grand Test ?

Alain Howiller analyse l'ambiance concernant la région « Grand Est » et les contestations autour de ce sujet.

Déjà Germain Muller le savait - la nouvelle année sera compliquée. Statistiquement prouvé... Foto: © Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Qu’on me pardonne de céder, une fois de plus, à mon plaisir favori -mais pas forcément partagé : sortir une citation ballottée sur la mer du passé pour en faire un… commentaire d’actualité. J’ai choisi, cette fois, une citation de l’humoriste Germain Muller, « cabarettiste », auteur et comédien, élu politique « grand manitou » de ce qu’on a souvent appelé le « malaise alsacien » s’appuyant sur l’incompréhension cultivée sur les deux rives du Rhin à l’égard de l’histoire et du destin d’une région longtemps ballottée entre la France et l’Allemagne. Décédé en 1994, l’ancien Adjoint au Maire de Strasbourg, Vice-Président du Conseil Régional d’Alsace, écrivait, en dialecte alsacien, dans l’une de ses pièces : « D’Gelehrte sin sich jetzt d’accord, alle statistike bewiese’s !… » (Die Letschte, les Derniers -1963). En paraphrasant le propos, on peut le traduire par « Tous les intellectuels sont maintenant d’accord entre eux et d’ailleurs les statistiques le soulignent… » : 2019 sera une année difficile au cours de laquelle la croissance aura de la peine à s’affirmer. Je l’écrivais ici même le 2 Janvier, tout en étant conscient que selon la formule consacrée, le pire n’est jamais certain ! Ce pourraient être les conclusions du… Forum Economique de Davos qui se réunit dans la localité suisse du 22 a 25 Janvier.

Angela Merkel et le changement : de l’humour enfin ?! – Année d’élections européennes, l’année dans laquelle nous venons d’entrer aura aussi valeur de test pour une Union Européenne dont on espère un sursaut salvateur ! Affaiblis politiquement, Emmanuel Macron et Angela Merkel n’y joueront peut-être pas le rôle dont ils rêvaient, quoi qu’ils en disent (ou qu’ils en rêvent). Il est vrai que si le premier se veut volontiers visionnaire européen, la seconde, les yeux rivés sur les sondages, n’a jamais incarné autre chose qu’un réalisme au ras des pâquerettes. Cela a longtemps été sa force, mais comme, non sans sans ironie même subliminale, elle le disait dans ses vœux de nouvel an : « La démocratie se nourrit du changement ! » Car des changements s’annoncent, certes, alors que de la Mer Noire à la Mer de Chine, le bruit des bottes s’amplifie, les budgets de la défense se développent et que les peuples s’interrogent sur leur mode de vie, la croissance et les risques de chômage. Etrange année en vérité que celle dans laquelle nous venons de nous engager, où des pays comme la France ou l’Allemagne dissertent sur la démocratie en oubliant que la violence ne devrait pas être au programme !

En France en particulier, les vaccins peinent à traiter une fièvre jaune tenace que les extrêmes chauffent dans le fol espoir qu’elle leur fournisse les éléments de remède qu’ils n’ont pas été fichus de trouver par eux-mêmes ! Et en Allemagne, on redoute qu’un sentiment national retrouvé ne réveille les mânes d’un passé qu’on a voulu oublier… Mais le pire n’est jamais certain, et comme le disait Winston Churchill, en Novembre 1947, deux ans après avoir perdu les élections législatives au profit des… travaillistes : « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes ! » N’en déplaise à tous ceux qui gèrent les institutions au rythme de sondages qu’ils commentent toujours en précisant non sans hypocrisie : « un sondage n’est pas une élection ! » avec cette dernière – et toute nouvelle- interprétation façon gilets jaunes « Une élection n’est pas un… sondage ! »

Sondages et élections ! – Et pourtant, les sondages apparaissent de plus en plus comme les juges arbitres de l’opinion : d’autant que chacun y cherche (et y trouve généralement) ce qui l’arrange ou plaide, sans nuances, pour ses convictions. Le fameux sondage réalisé par l’IFOP en février 2018, sur l’opinion alsacienne face à la fusion de l’Alsace dans le Grand Est soulignait, certes, que 79% des Alsaciens consultés se sentaient « alsaciens » et que 67% d’entre eux souhaitaient que leur région quitte le Grand Est ! Pourtant, certains aspects auraient mérité de retenir l’attention : 55% des consultés estimaient que la fusion était une mauvaise chose pour l’Alsace et que l’attachement à l’Alsace, le sentiment d’être « alsacien », régressait au fur et à mesure qu’on interrogeait les moins de 35 ans !

Cela n’obère évidemment en rien la légitimité d’un « désir d’Alsace » qui doit se concrétiser, d’ici au 1er Janvier 2021, au sein du Grand Est, par la création d’une « Collectivité Européenne d’Alsace » voulue désormais par les pouvoirs publics et, notamment, les conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Que sera cette « collectivité » qui sera la première application du « droit à la différenciation », prévue par la réforme constitutionnelle dont la discussion au parlement a été repoussée de quelques mois en raison de la « crise des gilets jaunes » ?  2019 sera marquée par d’intenses négociations entre collectivités (régions, départements, élus, parlement) pour définir la répartition des rôles entre notamment le « Grand Est » et la nouvelle entité. Ce sera la première étape d’un « grand test » pour le « Grand Est » ! Ce sera aussi un test pour la capacité des partenaires alsaciens à s’entendre enfin entre eux. Et le fait que le président du Grand Est soit un Alsacien, ancien Maire de Mulhouse, qui joue son avenir politique sur ce dossier, ne facilitera pas forcément les choses !

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