Ana Sofia raconte Cesária

Une réalisatrice portugaise issue du journalisme, rapporte sans rien en flouter, le parcours de l’immense chanteuse cap-verdienne.

Plus que jamais présente au Cap-Vert, Cesária Évora est ici représentée à Mindelo sur l’île de São Vicente, par le peintre et graffeur portugais Vhils. Foto: Alliance Française / Formaloi / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – La sortie du film « Cesária Évora, la diva aux pieds nus », mercredi dernier 29 novembre, a été largement commentée dans la presse et sur la toile. Un documentaire ayant entre autres mérites, celui de rappeler que la chanteuse cap-verdienne a connu la célébrité, seulement arrivée à la cinquantaine. En filigrane, de cette œuvre, lorsqu’on lit les diverses prises de parole de la réalisatrice Ana Sofia Fonseca, il y a l’histoire d’une rencontre et d’un projet qui mit du temps à aboutir. S’inscrire dans la durée, une démarche propre à chacune de ces deux femmes, allant à l’encontre de l’esprit d’un siècle où la superficialité le dispute à la célérité, l’empressement à l’empêchement.

Ana Sofia Fonseca qui a débuté sa vie professionnelle dans le journalisme, est passée à la réalisation de longs métrages en 2018. Elle possède au Cap-Vert, une maison non loin de celle de Cesária Évora qu’elle aimerait voir devenir un musée. La chanteuse fait partie de sa vie, depuis les années quatre-vingt-dix, mais elle ne se souvient plus du moment précis où elle l’a entendu pour la première fois. Par contre, Ana Sofia Fonseca rapporte avec certitude, que c’est en décembre 2011, peu de temps après la mort de la reine de la morna, qu’elle a pensé à la nécessité de réaliser un film documentaire sur sa vie.

Après « Setembro a vida inteira » tourné en 2017, un documentaire consacré au monde du vin au Portugal, qui remporta en 2018 un grand succès dans le monde lusophone mais ne sortit pas en France, Ana Sofia Fonseca a réalisé cette année avec « Cesária Évora, la diva aux pieds nus », un documentaire plus intimiste pour lequel elle a collecté de nombreux témoignages de proches et des documents jusqu’ici non rendus publics. Éclectique car curieuse de tout, faisant des va-et-vient entre le Portugal et le Mozambique, elle travaille actuellement sur le thème de la guerre coloniale. Un documentaire qu’il serait plus que souhaitable de voir sortir en version française.

Entrant dans les coulisses de l’existence de Cesária Évora, Ana Sofia Fonseca n’en a rien voulu flouter, car comme elle le précise avec beaucoup de finesse, la voix de la chanteuse ayant été façonnée par sa vie, il faut comprendre la femme pour comprendre sa voix et sa musique. Addiction à l‘alcool, dépression, les zones d’ombre de l’existence de l’artiste sont autant explorées que celles de lumière, et c’est tout à l’honneur tant de la chanteuse que de la réalisatrice. Pour la première, car elle nous parle d’une femme ordinaire au destin extraordinaire ; pour la seconde, car elle réalise une fois de plus un véritable travail journalistique de qualité, qui n’a rien de commun tant avec la presse people que celle à scandale.

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