Catalogne – qui sème le vent, récolte le tsunami…

Suite à la condamnation de 12 séparatistes catalans (dont 9 à des peines de prison allant jusqu'à 13 ans!), la Catalogne sera difficile à apaiser. Un nouveau mouvement a fait son apparition : le « Tsunami démocratique ».

Extrait du "Tryptichon catalan" de Matthias Laurenz Gräff. Foto: Matthias Laurenz Gräff / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – La tentative de la justice madrilène d’étouffer le mouvement indépendantiste catalan en condamnant neuf des douze accusés du procès politique concernant l’organisation du référendum sur l’indépendance catalane du 1er octobre 2017 à des peines de prison ferme comprises entre 9 et 13 ans (!), est vouée à l’échec. L’Histoire nous enseigne qu’il est impossible de tuer un mouvement indépendantiste en éliminant ses leaders. Avec ces condamnations, Madrid a versé de l’huile sur le feu de la colère d’une grande partie de la population catalane ; et les émeutes déclenchée à Barcelone montrent que le conflit entre l’Espagne et la Catalogne risque de se radicaliser.

La question n’est pas de savoir si on adhère à l’idée d’indépendance de la Catalogne. La question n’est pas non plus de savoir si l’Espagne a raison de considérer ce référendum du 1er octobre 2017 comme une rébellion. De son point de vue, chacune des deux parties a raison. On peut autant comprendre le désir d’indépendance de la Catalogne que la position espagnole qui insiste sur le fait que l’indivision du territoire espagnol est inscrite dans la Constitution. Cette question ne peut être résolue qu’autour d’une table, dans la discussion, dans les concessions des uns et des autres. Mais le procès politique madrilène n’aura fait que créer des martyrs de la cause catalane.

De centaines de blessés lors des manifestations à Barcelone, comme à l’aéroport, de dizaines de milliers de manifestants qui scandent « Dehors, les forces de l’occupation » à l’adresse des forces de l’ordre anti-émeutes, qui utilisent, comme leurs collègues parisiens, des LDB, des lanceurs de balles de défense. Avec les condamnations d’une lourdeur extraordinaire et les nouveaux affrontements, Madrid coupe l’herbe sous les pieds des Catalans qui avaient, après ce référendum, prôné les négociations entre Barcelone et Madrid. Madrid ne veut pas négocier, Madrid veut supprimer ce que le gouvernement considère comme une « rébellion ». Mais cette attitude autoritaire constitue un anachronisme dangereux qui risque de déclencher un retour vers l’époque du séparatisme violent.

Le mouvement indépendantiste catalan s’est distingué ces dernières années par sa non-violence, même sous la charge des policiers espagnols pendant les importantes manifestations à Barcelone. Mais l’évolution et le comportement de la justice madrilène créent le fondement de nouveaux groupes violents qui continueront leur lutte pour leur cause dans la clandestinité et la violence. Ainsi, un groupe nommé « Tsunami démocratique », qui a fait ses premières apparitions autour de la  fête nationale catalane le 11 septembre, est en train de s’organiser sur les réseaux sociaux.

On peut craindre le pire. Tous les mouvements indépendantistes des dernières décennies se sont radicalisés dès lors que leurs leaders étaient emprisonnés. On se souvient de l’ETA qui, pendant des décennies, a semé la terreur au Pays Basque, et on doit désormais craindre que les indépendantistes catalans, du moins certains, quitteront la voie de la non-violence.

En lançant une nouvelle spirale de violence, l’Espagne a commis une grande erreur. Ce procès politique servira comme justification pour de nouveaux groupes violents et surtout, il rend toute autre négociation impossible. Hormis le fait que l’Espagne n’a pas la moindre envie de négocier, aucun responsable politique catalan ne pourra chercher le dialogue avec Madrid tant que des prisonniers politiques seront incarcérés dans des prisons espagnoles, sans être considéré comme un traître à la cause catalane.

Il ne faut pas sous-estimer ce qui est en train de se préparer à Barcelone. Le groupe « Tsunami démocratique » compte déjà 300 000 followers sur la plate-forme « Telegram » et les manifestations, et donc les affrontements avec la police espagnole, s’intensifieront. Comment empêcher le sentiment catalan d’être « occupé » par l’Espagne et totalement impuissant face à un gouvernement sourd au dialogue ? Et que font des gens qui se sentent occupés par une force adverse ? Ils se battent pour leur liberté, par tous les moyen, y compris des moyens violents.

Est-ce que Madrid, après un si long conflit, pense réellement qu’il suffit d’incarcérer des leaders politiques et d’envoyer des forces de l’ordre anti-émeutes à Barcelone pour que le dossier de l’indépendance catalane tombe dans les oubliettes ? Plus Madrid se comportera de manière autoritaire en Catalogne, plus la résistance catalane deviendra violente. Et plus les actions des indépendantistes seront violentes, plus Madrid enverra des forces de l’ordre et agira de manière encore plus autoritaire. Et cela peut continuer jusqu’à atteindre la guerre civile.

La seule issue serait un appel et la levée des condamnations – communiqué comme signe de bonne volonté de rouvrir un dialogue. L’Espagne se dirige vers un conflit qui ressemblera à celui qui l’a opposée aux indépendantistes basques, qui avait duré 59 ans et causé presque 1000 victimes d’attentats. Même la création, en 1979, de la Communauté Autonome Basque, disposant de nombreuses compétences, ne pouvait arrêter la vague de violence. Est-ce que Madrid cherche vraiment à créer une situation comparable ?

Détenir des prisonniers politiques en l’an 2019 en Europe, ce n’est pas possible. Les condamnés ne sont ni des terroristes, ni des criminels de droit commun. Il s’agit de responsables politiques et militants pour une cause que l’on peut discuter, mais pour pouvoir en discuter, il faudrait que ces personnes soient libres. L’Espagne peut s’opposer à l’idée de l’indépendance catalane, elle peut discuter, négocier et essayer de trouver une solution acceptable pour tout le monde. Mais en ce moment, Madrid fait exactement le contraire.

Comme « signe de bonne volonté », Madrid a renouvelé son mandat d’arrêt à l’encontre de Carles Puigdemont. Espérons, dans l’intérêt de l’Espagne et de Carles Puigdemont, que les autorités espagnoles n’arriveront pas à lui mettre la main dessus. Si jamais, outre les prisonniers catalans actuels, Puigdemont devait être incarcéré avec Oriol Junqueras et les autres, il faudrait s’attendre à l’explosion de la violence. Et dire que cela ne se passe pas en 1939, mais en 2019…

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