Chanson et corrida

Une controverse à propos de la corrida, surgie d’un télé-crochet de la Télévision Espagnole (TVE), a provoqué une importante polémique en 2020.

Unité mobile de la TVE devant les locaux de la RTVE à Barcelone. Foto: Adriens / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Au nombre des dix plus importantes controverses de l’année 2020 sélectionnées par « Vertele », la publication du quotidien « El Diario » consacrée à la télévision, figure en première position celle survenue dans « Operación Triunfo ». Ce télé-crochet de la RTVE inspiré de la « Star Academy », très suivi en Espagne lors de sa création en 2001, a depuis considérablement perdu de l’audience, passant de près de 7 millions de téléspectateurs à 1,6 million.

Sa onzième saison, à défaut de susciter un intérêt débordant pour son casting, fit couler beaucoup d’encre suite à la liberté prise lors d’un gala, par la chanteuse de flamenco Estrella Morente Carbonell. Lors d’un duo avec une candidate, elle ajouta dès les premières mesures de la chanson « Volver » de Carlos Gardel, un couplet pro-tauromachie de son cru. Les liens de la vedette avec ce milieu sont connus de tous, notamment de par son mariage avec le matador Javier Conde.

Le but de cette prestation inattendue était de répondre à Maialen, une concurrente qui avait tenu quelques jours plus tôt, des propos anti-corrida. La jeune femme avait alors qualifié les toreros de « connards » et de « psychopathes », ajoutant le qualificatif « nazi » pour lier la gerbe. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres, non seulement en Espagne, mais également dans l’ensemble de l’Europe Tauromachique, réduite fort heureusement à un espace très limité.

Les réseaux sociaux faisant le reste, pro et anti-corrida se sont livrés des batailles dignes de l’Affaire Dreyfus. L’occasion d’agiter la muleta était vraiment trop belle ! Il est cependant intéressant de noter que la TVE s’est diplomatiquement distanciée des opinions de Maialen, tout en défendant le droit à la liberté d’expression, précisant parallèlement que la chaîne ne cautionne pas l’usage d’expressions insultantes. Une façon adroite de tenter de dépassionner le débat, en pratiquant l’en-même-temps très tendance dans certains milieux de l’autre côté des Pyrénéens.

Nia, la candidate que Maialen a complètement prise au dépourvu lors de ce duo, n’a pas craint de critiquer le comportement de l’artiste. Ayant d’abord pensé à une simple facétie, elle a très vite compris que cela n’avait rien de drôle. Victime collatérale de ce rapport de force inégal, elle s’est clairement affirmée « anti-taurina ». De cette confrontation dont, Albert Donech, journaliste à « La Vangardia », a fait une analyse se voulant équilibrée en donnant tort aux deux parties, mais il ressort tout de même la manifestation d’un conflit intergénérationnel.

Les arènes espagnoles connaissent depuis 2010 une chute de  fréquentation, et les confinements causés par la pandémie de Covid-19 ont mis les toreros sur la paille en 2020. Au point qu’ils manifestèrent en juin, notamment à Séville et Salamanque, pour réclamer des aides spécifiques. Manifestations très largement promues par les réseaux sociaux et le parti d’extrême-droite Vox.

Cependant, les anti-corrida au nombre desquels figurent beaucoup de jeunes, gagnent du terrain et de la crédibilité. Il a été demandé en 2015 à Felipe VI, via une pétition signée par 30.000 personnes, de se montrer aussi exemplaire que son épouse Letizia qui depuis 2004, n’assiste plus à des spectacles tauromachiques. La bulle pontificale de Pie V, remontant à 1567, est par certains mise en avant car elle décrète sans ambiguïté, l’excommunication de ceux pratiquant lâchers de taureaux et corrida.

Ainsi le Royaume d’Espagne, cultivant ardemment ses liens historiques avec le catholicisme, ferait-il bien à ce sujet de ne pas… coincer la bulle. Il en va de même pour la France, « Fille aînée de l’Église » qui dans sa moitié Sud, s’autorise à pratiquer la torture au nom de la culture. Culture de mort, disait dans une fameuse et polémique encyclique, un autre pape plus contemporain…

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