Corruption : l’Allemagne – un pays de tricheurs ?

Siemens, Volkswagen, DFB – peu à peu, les allemands découvrent que leur pays est assez mal placé pour donner des leçons aux autres...

L'Allemagne se noie actuellement dans des scandales de corruption. Une sérieuse remise en question a commencé... Foto: Rainer Sturm / www.pixelio.de

(KL) – L’Allemagne titube d’un scandale à l’autre. Et les allemands découvrent avec stupeur que quelque chose est pourrie au royaume du romantisme rhénan, avec son image disciplinée, correcte et irréprochable. Mais est-ce un problème de la «mentalité allemande» ? Tout en pays se gratte la tête et cherche des réponses.

Cette phrase du président de la fédération allemande de football (DFB), Wolfgang Niersbach, devant les caméras de la chaîne nationale ZDF, n’a pas été oubliée – «Je vous assure qu’avant l’attribution de la Coupe du Monde 2006 à l’Allemagne, il n’y avait pas de caisse noire…», comprendre : on nous a attribué cette Coupe du Monde parce que notre dossier était le meilleur et nous n’avions pas besoin de corrompre des membres du comité exécutif de la FIFA pour pouvoir organiser le «Sommermärchen 2006» («conte de fée estival 2006»). Mais depuis la fin de la semaine dernière, on sait que ce n’était pas vrai.

Le DFB, fédération richissime, avait emprunté en l’an 2000 la somme de 6,7 millions d’euros à Robert Louis-Dreyfus, à l’époque patron d’Adidas, une somme qui ne passait pas par les livres de la fédération. On imagine pourquoi, surtout dans la mesure où cette fédération n’avait certainement pas besoin d’emprunter de l’argent à des «privés». La somme a été remboursée en 2005, toujours sans passer par les livres, comme l’a dévoilé DER SPIEGEL, en indiquant même les comptes bancaires par lesquels cette somme est passée. Lorsque de l’argent est transféré en dehors des livres d’une organisation, cela s’appelle une «caisse noire». A regarder comment l’attribution de la Coupe du Monde 2006 à l’Allemagne s’est déroulé, on comprend encore mieux : au troisième tour de vote des 24 membres du comité exécutif de la FIFA, deux candidats étaient encore en lice, l’Afrique du Sud et l’Allemagne. A la surprise général, le membre néo-zélandais Charles Dempsey (décédé en 2008) s’était abstenu du dernier tour de vote, permettant à l’Allemagne de remporter le vote à 12 contre 11. Cherchez l’erreur.

Cela ressemble au scandale de Siemens – en 2008, la direction de Siemens avait avoué d’avoir corrompu des prescripteurs publics un peu partout dans le monde pour décrocher de grands marchés et bien entendu, on pense aussi à Volkswagen qui avait également triché pour pouvoir mieux vendre ses voitures. L’Allemagne, un pays de tricheurs ?

Pas plus et pas moins que d’autres pays – la corruption ne fait pas partie du quotidien du citoyen allemand, mais elle fait bel et bien partie de tous les domaines où beaucoup d’argent est en jeu. En Allemagne comme ailleurs. Il ne s’agit pas d’un problème particulièrement allemand, mais d’un phénomène qui concerne AUSSI l’Allemagne. Ce qui est embêtant pour un pays qui se plaît dans le rôle de «Monsieur Propre»…

Ces événements gênent les allemands peut être plus que d’autres peuples, car nous autres allemands avons la fâcheuse habitude de toujours vouloir être les meilleurs, les premiers et puisque nous pensons pouvoir y arriver, nous aimons donner des leçons aux autres. La Grèce, le Portugal et bien d’autres ont du l’apprendre récemment de manière très désagréable. Mais si on veut donner des leçons, il faut que l’on soit irréprochable. Or, l’Allemagne ne l’est pas, au contraire.

Toutefois, il ne faut pas se tromper – cette attitude allemande ne vient pas d’un complexe de supériorité, comme on pourrait le penser, mais au contraire, la base en est un complexe d’infériorité qui est du aux événements des 150 dernières années. L’Allemagne avait déclenché trois guerres, avait semé l’horreur absolue dans le monde entier et depuis 1945, les allemands cherchent à tout prix à convaincre le monde que nous avons changés. Que nous avons compris et que désormais, nous faisons notre possible pour rester sur le droit chemin.

Mais il faut que nous nous rendions compte que notre pays est un pays comme les autres, que l’Allemagne n’a pas de leçons à donner, que «le modèle allemand» dont nous aimons parler, n’existe pas. Et puisqu’il n’existe pas, inutile de vouloir l’imposer aux autres pays – et le jour où l’Allemagne comprendra cela, elle pourra s’ouvrir et également apprendre des autres pays qu’elle regarde toujours de manière un peu hautaine.

Si l’Allemagne toute entière est actuellement choquée par les Siemens, Volkswagen et même le football (vous aurez remarqué qu’il s’agit là des trois domaines qui sont les plus chers aux allemands : l’ingénierie, l’automobile et le football…), ces scandales constituent en même temps une occasion pour l’Allemagne d’arriver, enfin, sur un pied d’égalité avec les autres pays. Tout le monde pourrait profiter d’une telle évolution. L’Allemagne la première.

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