Dernières nouvelles de Fessenheim ?

Va-t-on enfin passer d'un risque de contamination d'une bonne partie du bassin rhénan à un réel projet d'avenir, une fois la centrale nucléaire de Fessenheim enfin fermée ?

Quelqu'un aurait une idée où et comment stocker les déchets nucléaires pour environ 25000 ans ? Foto: Pixabay.com

(Par Franck Dautel) – Le Ministre de la trahison écologique déborde d’idées pour gâter les habitants de la Communauté de communes « Pays Rhin-Brisach » dont Fessenheim, qui rapporte encore une sacrée manne (cinquante millions d’euros d’impôts et de taxes locales, d’après EDF) : création d’emplois tous azimuts pour compenser les emplois perdus, nouveau pont sur le Rhin et train entre Colmar et Freiburg, parc d’activités franco-allemand champion de l’économie circulaire et « d’écologie industrielle territoriale », gros projet de développement du solaire (tiens donc !) et des modes de transports d’avenir, bref, un vrai paradis après l’enfer !

Mais le diable, les Allemands le savent bien, se cache dans les détails…

Cette projection idyllique présentée par le gouvernement laisse croire, à qui veut bien l’entendre, qu’une fois la centrale fermée, la vie reprendra de plus belle dans une verte prairie débarrassée des dangers de la radioactivité. Les choses risquent de ne pas être aussi simples ni aussi jolies que cela. Il faudra bien, pour commencer, garder le combustible usagé hautement radioactif dans les piscines de désactivation pour une période de 3 à 6 ans.

Puis on passera au démantèlement à « proprement » parler. Un exemple pour bien comprendre les délais en jeu : le réacteur de Chooz A dans les Ardennes, 5 fois moins puissant que les 2 réacteurs de Fessenheim réunis, sert d’exemple et même de modèle de démantèlement pour la vielle usine atomique alsacienne. Il est toujours en cours de démontage ; l’opération devrait s’achever « vers 2025 », d’après EDF, soit une durée prévue de 24 ans. On sait qu’en matière de nucléaire, les délais et les coûts sont incroyablement expansifs. Des coûts que par ailleurs, EDF refuse de communiquer. Un chantier mené par… des Américains, bonjour l’expertise française !

Donc, si l’on se projette un peu dans le temps, ce n’est pas demain la veille que la centrale de Fessenheim cessera de représenter un risque d’accident nucléaire majeur.

Les autorités françaises à la botte du lobby nucléaire ont donc sorti leur super idée ! – Le sinistre ministre François De Rugy (anti-nucléaire notoire depuis 1991, il a retourné sa veste 26 ans plus tard, il le fallait bien, pour rejoindre le Président Macron en 2017…) a susurré non loin de Fessenheim, le 1er février dernier, qu’il y aura un démantèlement exemplaire de la centrale nucléaire, autour d’un « technocentre ». Un technocentre nucléaire, il va sans dire.

Le démantèlement n’a jamais fait partie de la conception des centrales nucléaires, ça se saurait ; et il se passera quelques décennies avant que l’on ne vienne à bout de la vielle usine. Il faudra venir à bout des milliers de tonnes de poutres métalliques, de tuyaux, de ferraille, de pièces des réacteurs et de béton tous plus ou moins radioactifs. Des volumes énormes seront à traiter avec beaucoup de prudence. Le technocentre se spécialiserait, entre autres, dans le traitement des déchets les moins dangereux, en transférant à grands coups d’acides et d’autres composants chimiques toxiques pour l’environnement leur radioactivité sur des pièces plus petites, plus faciles à transporter et à enfouir sous terre ou en surface dans des bunkers… ou encore à réutiliser ?

On envisage de démanteler bien d’autres réacteurs français dans les années à venir. La sacro-sainte règle hexagonale consistant à refuser l’utilisation de ces déchets dans l’industrie ou le BTP pourrait être remis en question concernant les fameux « déchets de très faible activité ». Cela représente à terme plusieurs millions de mètres cubes de matériaux contaminés (500 000 mètres cubes environ aujourd’hui) !

La France est pour l’heure encore le seul pays au monde à ne pas accepter de seuil en-dessous duquel elle libérerait les déchets dans des filières de recyclage. Et pourtant, la tentation est grande, car les volumes vont augmenter lourdement d’année en année.

Quelles garanties aurons-nous alors de ne pas retrouver ces résidus du nucléaire dans nos logements, dans les objets de notre quotidien, nos lieux de travail, nos modes de transports ? Ces déchets recyclés pourront être vendus à l’étranger et nous revenir sous d’autres formes, par exemple. La traçabilité n’est en effet pas toujours bien assurée. Il y a dix ans, la société Otis, justement, avait dû retirer les boutons de 600 ascenseurs en France. Leur ferraille en provenance d’Inde était contaminée par un résidu de déchet nucléaire, le Cobalt 60. Le risque sanitaire était évidemment faible pour les usagers des ascenseurs, mais plus problématique pour le personnel de la société qui fabriquait ces boutons. Autre exemple : Isover, dans les années 90, entendait recycler des déchets « légèrement » radioactifs dans la laine de verre. Au Mexique, encore, on a retrouvé de la radioactivité dans des pieds de table…

Toute dose radioactive, même très faible, présente des risques pour la santé humaine ; à plus forte raison si l’on est exposé en permanence aux rayonnements. Devant les volumes gigantesques de déchets nucléaires à venir, l’Etat français entend donc proposer le recyclage de certains déchets faiblement radioactifs lors d’une consultation publique menée en mars prochain.

Voilà ce que nous promet ce « technocentre nucléaire » de Fessenheim. Des milliers de tonnes d’éléments radioactifs provenant de la centrale alsacienne, mais également des autres réacteurs français démantelés. Un technocentre situé toujours 8,5 m en contrebas de la digue du Grand Canal d’Alsace et a quelques petits mètres de la nappe phréatique la plus vaste d’Europe sur une zone qui demeure bien entendu, sismique…

Concernant la digue, il est bon de rappeler que la vague qui résulterait d’une explosion d’ammonitrate à la Coopérative Agricole Céréalière d’Ottmarsheim, voire la dérive d’une péniche, mettrait en danger la centrale. Le président de l’association Stop Fessenheim, André Hatz, s’est lui aussi penché sur la question : « Il faut savoir que, juste en limite du canal, il y a les deux piscines de décontamination de la centrale nucléaire, lesquelles ne répondent à aucune norme, car si la partie inférieure est en béton, la partie supérieure est un simple bardage métallique. Si le combustible nucléaire qui est contenu dans les alvéoles se met à vibrer et si l’une des alvéoles vient à céder, on risquerait d’atteindre la marge critique, qui conduirait à un accident nucléaire majeur. » Pour André Hatz, « C’est le pire scénario possible, et [l’inspecteur des risques industriels chez Groupama Grand Est ] l’a démontré. »

Si l’ambition de l’Etat est d’ériger ce territoire en vitrine avec des transports de demain, cela risque encore d’être en grande partie des transports de déchets nucléaires…

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