Espoirs et soucis pour l’économie alsacienne

Au seuil de l’été, Alain Howiller analyse le comportement de l’économie alsacienne.

Pour les uns, les chiffres montrent vers le haut, d'autres sont plus dubitatifs. Foto: EnergieAgentur NRW / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Par Alain Howiller) – Allons bon, voilà autre chose : alors que selon les derniers sondages(1) 9 Français sur 10 ne croient pas à une inversion de la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année, François Rebsamen, le Ministre du Travail, après avoir estimé que les dernières statistiques sur l’emploi qui marquent une nouvelle progression du chômage (+5% en un an) étaient «non interprétables»(!), a tout de même estimé que le nombre des demandeurs d’emplois diminuerait d’ici à la fin de l’année ! Depuis des mois, de François Hollande à Michel Sapin, le Ministre de l’Economie et des Finances en passant par le Premier Ministre ou le Ministre du Travail, on annonce l’inversion -sans cesse déçue- de la courbe du chômage. La tradition a été respectée au seuil de l’été, mais les Français se déclarent de plus en plus sceptiques s’interrogeant sur des perspectives dont l’horizon tarde à s’éclairer.

Pourtant les statistiques mettent en relief une certaine reprise dans l’économie française (+1,2%) que souligne, notamment, une progression des investissements dans les entreprises, la progression de l’intérim, la relance des achats dans l’immobilier : mais cette reprise reste inférieure à celle relevée dans la zone euro à un moment où, de son côté, l’Organisation de Coopération et de développement (OCDE) estime, après avoir annoncé une reprise franche et forte, que la relance de l’économie occidentale reste modeste et que les perspectives d’amélioration restent limitées et fragiles !

Pas de quoi pavoiser ! – Pas de quoi pavoiser même si l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) ne s’attend qu’à une stabilisation du chômage cette année et que l’UNEDIC («Union Nationale Interprofessionnelle pour l’emploi dans l’Industrie et le Commerce», l’organisme paritaire syndicats-employeurs chargé avec Pôle Emploi de l’a gestion de l’assurance chômage) espère une légère baisse cette année, les deux organismes comptant sur une diminution en… 2016 ! Comme dirait le dicton allemand, dans un contexte, il est vrai différent : «Morgen, morgen, nur nicht heute!…»

L’inconnu reste prégnant sur le marché du travail où ne se créeront de nouveaux emplois que si le taux de croissance, compte tenu de l’évolution démographique, dépassera 1,6% : cela reste un pari difficile même si le gouvernement, constatant le premiers effets d’une progression du pouvoir d’achat des Français (+1,9% en 2015), n’exclut plus que cette hypothèse se concrétise au dernier trimestre de cette année ! Mais peut on faire l’impasse sur un contexte international qui risque de secouer… l’Union Européenne ?

Une Alsace en «restructuration» ! – Pour l’Alsace, confrontée depuis 2008 à une restructuration industrielle, qui s’était en fait amorcée -discrètement ! – dès l’an 2000, la dernière note de conjoncture établie par la Direction régionale de Strasbourg de l’INSEE a relevé : «La production industrielle progresse faiblement en Mai. Le marché domestique reste sans consistance, l’export apparaît un peu plus dynamique !» Dans une région où l’industrie a gardé des places fortes (20% des emplois) et où tant la coopération transfrontalière (8% environ de travailleurs frontaliers) que l’exportation (53% du PIB de l’Alsace, soit plus que le double de la moyenne nationale !) sont déterminants, l’approche de l’INSEE paraît déterminante.

En effet, les «marchés exports» sont particulièrement significatif dans les secteurs dits des «équipements électriques, électroniques, informatiques et autres machines» (plus de 26% des effectifs de l’industrie), où la perspective des fermetures estivales font espérer des hausses de production, l’industrie automobile (y compris équipementiers), l’agroalimentaire, la chimie, la métallurgie et la fabrication de produits métalliques (où malgré un léger fléchissement à l’export, on s’attend à une reprise dans les semaines qui viennent). Dans les services marchands, l’hébergement s’attend à une reprise, de même que les transports, l’informatique et les services d’information. Tassements, par contre, dans le travail du bois, le textile, l’industrie du papier, l’imprimerie, les produits en caoutchouc et en plastique, l’ingénierie technique.

Le «Rhin Supérieur» : une porte de sortie ? – L’enjeu désormais relève singulièrement de cette question : les incertitudes régionales -et nationales- pourraient-elles être contrebalancées par les possibilités offertes par la «Région du Rhin Supérieur» sur le plan de l’emploi comme sur celui des commandes ? L’Alsace d’aujourd’hui -comme la «Méga Région» qui, à partir du premier janvier, fusionnera l’Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine- sont (et seront) fortement tributaires de leur environnement transfrontalier.

Sur le plan des investissements d’abord, même si on a pu enregistrer un tassement des capitaux allemands en Alsace et en Lorraine. En effet, l’attractivité des territoires reste forte : les projets d’investissements étrangers ont progressé en 2014 et l’Alsace se place au 6ème rang des régions françaises pour le nombre de ce type de projets : elle est devancée par l’Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, PACA et Nord-Pas-de-Calais. Les investissements allemands, venus pour la plupart des régions proches (y compris la Bavière), restent déterminants tant pour la création que pour l’extension d’entreprises (on sait que 43 à 45% des emplois industriels relèvent de firmes d’Outre Rhin). Dans cette comptabilité, les travailleurs frontaliers se rendant en Allemagne ou en Suisse pèsent, également, de tout leur poids.

Des atouts malgré tout ! – D’autant que les régions qui bordent l‘Alsace au delà du Rhin, continuent de connaître une situation économique favorable que traduisent les statistiques concernant le marché du travail. En Allemagne où le taux de chômage se retrouve à 6,3% (mais 9,1% dans l’Est du pays), le Bade-Wurtemberg affiche un taux de 3,8% (3,3% dans l’Ortenau), de 3,5% en Bavière et de 5,1% en Rhénanie-Palatinat. En Suisse, le taux est de 3,2% avec 3,7% à Bâle-Ville et 2,7% à Bâle-Campagne !

Des chiffres qui font rêver en Alsace où le taux, en progrès de 5% environ sur un an, n’est pas loin de 10% (avec des taux encore plus préoccupants à Strasbourg et Mulhouse), mais qui font également rêver dans les composantes de la future région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (baptisée selon ACAL ou ALCA) où Champagne-Ardenne affiche un taux moyen de 10,9% de chômeurs et la Lorraine qui en compte 10,6% !

Dans ce futur ensemble qui pose questions en l’état actuel des choses (voir eurojournalist.eu du 24 Juin), le fait que l’Alsace avait créée 13% d’emplois depuis 1989 et que la métropole strasbourgeoise reste l’un des atouts de la région et ouvre des perspectives sans rassurer tout à fait !

(1) Sondage Viavoice pour le groupe BPCE (Banque Populaire et Caisse d’Epargne), le Monde et France-Info.

1 Kommentar zu Espoirs et soucis pour l’économie alsacienne

  1. Clair et précis, comme d’habitude.

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