Football Leaks : Pinto extradé
Ou comment neutraliser un lanceur d’alerte
(Marc Chaudeur) – Hier, on a appris que la Hongrie allait extrader sous peu le lanceur d’alerte Rui Pinto, âgé de 30 ans, malgré la demande d’appel que le ressortissant portugais avait émise. Pinto est à l’origine des Football Leaks, une révélation retentissante des agissements corrompus dans les mieux les plus pique-sous du football. Nous lui en sommes reconnaissants.
La Cour d’Appel de Budapest a donc confirmé la décision du 5 mars dernier : le lanceur d’alerte Rui Pinto, arrêté le 16 janvier dernier, va retrouver son cher pays, le Portugal, et ses chers juges. Il habitait en Hongrie depuis plusieurs années par crainte de la justice de son pays. Depuis qu’il défrayait la chronique, à partir de 2016, et que les foutebaleux les plus fortunés, dans de nombreux pays, n’osaient plus sortir de leurs 25 pièces sans porter une cagoule ou être déguisés en Gilbert Montagné. C’est grâce à lui qu’on bénéficie de confirmations très concrètes, obscènes, de la rapacité de certains et de la disproportion entre ce que gagne un Ronaldo et ce que gagne le ramasseur de feuilles mortes sur les pelouses de nos villes crottées.
Avant d’être extradé, Pinto doit être entendu par la justice belge : celle-ci espère en apprendre encore beaucoup de lui : des faits de corruption, de fraude fiscale et peut-être, d’escroqueries. Une fois au Portugal, ce sont les juges français qui désireront l’entendre ; Pinto collabore d’ailleurs avec la justice française depuis la fin de 2018. Il semblerait que le Parquet National Français ait récolté une douzaine de millions de documents des Football Leaks ! Il a proposé de les partager avec la justice des autres pays européens concernés par les méfaits en question.
Mais les autorités portugaises n’ont pas encore donné leur accord. Espérons qu’ elles le donneront, puisque grâce à Pinto, on en a déjà appris de belles : fichage ethnique au PSG, corruption, évasion fiscale, fraudes… Et plus précisément, les problèmes de Ronaldo, les complaisances de l’UEFA à l’égard des comportements étranges du PSG et du Manchester City, etc etc. Pinto a été donc été arrêté à la mi-janvier à Budapest. Il a déclaré un peu plus tard qu’une grande partie des informations qu’il a engrangées n’a pas encore été rendue publique.
Mais au fait, pourquoi l’a-t-on arrêté ? Parce qu’il savait trop de choses ? Drôle de justice, non ? Tous les documents dénichés nous informent sur une quantité hallucinante de méfaits commis dans le foute international et par les « grands » joueurs. Ce que lui reproche la police portugaise ? A notre connaissance, parmi d’autres chefs, l’appropriation indue et la publication d’informations, ainsi que des faits de chantage.
La justice portugaise voudrait faire disparaître les montagnes immenses de données qu’a collectées Pinto qu’elle ne s’y prendrait pas autrement, et c’est ce que remarque l’informaticien qui refuse d’être considéré comme un hacker. Ce qui importe sans doute aux autorités portugaises, c’est surtout ce qu’on appelle Infolecks : à savoir ces données transmises sur des blogs et sur la chaîne TV du FC Porto : elles indiqueraient que le trésorier du Benfica Lisbonne aurait acheté des arbitres et des parties. Etonnant ? Euh… En tout cas, très concret !
Enfin, que recouvre cette accusation de « chantage »? La justice portugaise accuse Pinto d’avoir essayé de monnayer certaines informations au fonds d’investissement maltais Doyen, concerné de près par des histoires de transferts louches… Pinto répond pour le moment qu’en effet, il a contacté Doyen en novembre ou décembre 2015, mais sans nulle intention de chantage.
En tout cas, Pinto est bien l’un des lanceurs d’alerte les plus performants et les plus utiles à l’assainissement (éventuel) de nos mœurs post-capitalistes. Il doit donc être protégé au maximum, et ne pas servir de bouc émissaire à cette justice que par euphémisme, on pourrait qualifier de complexe… Reste à exploiter la masse gigantesque des informations. Ce qui s’avérera passionnant, sans nul doute !
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