Hongrie : le peuple parle

A Budapest, le froid et l’obstination vaincront

Budapest : un meeting de Parbeszed, parti écologiste de gauche, avec Timea SZABO, la co-présidente.

(MC) – Les populistes aiment-ils le peuple ? Le peuple n’aime plus beaucoup Orbán, en tout cas. Suivront les autres dirigeants européens similaires, quand les problèmes sociaux iront en s’accumulant. Ce qu’ils ne manqueront pas de faire.

En Hongrie, chaque jour apporte son lot de nouveautés, à la fois inquiétantes et prometteuses : le peuple ne se laisse plus faire. Le pays connaît une vague de protestation sans précédent – ou presque : la dernière fois, c’était au début du règne de Viktor Orbán, en 2014 : le premier ministre prétendait alors introduire une taxe sur l’usage d’internet. Il a dû faire machine arrière.

Depuis mercredi dernier, la mobilisation ne faiblit pas ; au contraire, elle gagne en intensité à Budapest, et elle s’étend à toutes les villes importantes du pays : Pécs, Györ, … Et elle rassemble tout l’éventail politique, de la gauche écologiste de Párbeszéd (Dialogue) à l’extrême-droite de Jobbik.

Les causes, sinon les occasions, en sont le vote au Parlement de deux lois scandaleuses. L’une, que les manifestants appellent « loi esclavagiste », porte le nombre d’heures supplémentaires possibles à 250 à 400. Une manière de compenser le manque de main d’œuvre, assez inquiétant en Hongrie – d’autant plus que ces 8 dernières années, on estime que presque 600 000 personnes sont parties s’installer à l’étranger ; des personnes plutôt instruites et bien formées… Cette mesure s’accompagne d’un étalement des heures de travail, ce qui permet aux employeurs d’en délayer aussi… la rétribution.

Autre texte très inquiétant voté par le Parlement de Budapest mercredi dernier : les tribunaux administratifs sont mis sous la tutelle du ministère de la Justice. On craint, bien sûr, que ces nouveaux tribunaux aient à s’occuper de toutes les affaires dont le gouvernement souhaiterait un règlement précis… Les organisations défendant le droit considèrent qu’il s’agit là d’un nouveau coup porté à l’indépendance de la justice.

Depuis mercredi, les manifestations n’ont pas cessé dans les rues de la capitale, malgré la température qui avoisine les -5 degrés. Avant-hier dimanche, 10 000 manifestants au moins se sont regroupés sur les places principales de Budapest et dans les rues affluentes. Une partie d’entre eux a fini par se diriger, dans la soirée, vers le siège de MTVA, le groupe d’audiovisuel public : il s’agit en effet du principal organe de la propagande gouvernementale. Hier lundi, des députés ont essayé de s’y exprimer à l’antenne au nom des manifestants. Il s’agit d’une pétition en 5 points qui énumère les revendications essentielles des manifestants. Mais les députés (écologistes de gauche) Bernadett Szél et Ákos Hadházy ont été expulsés manu militari par des vigiles, sous les yeux chassieux des policiers ; le second a été quelque peu malmené.

Au programme de la chaîne gouvernementale M1, pendant ce temps : les joies de l’hiver, l’attentat à Strasbourg et les horribles dangers qui attendent les gens qui vivent en France, et un reportage sur un marché aux cochons dont curieusement, Orbán était absent. Pas un mot sur les manifestations qui ont eu lieu dans toute la Hongrie – exactement comme en 2012 et 2014. L liberté d’expression n’existe d’ailleurs plus vraiment : très souvent, les journalistes reçoivent des consignes, ou tout simplement des articles à reproduire dans leurs canards plus ou moins propres.

La nuit de dimanche à lundi a donc été à la fois glacée et brûlante pour un millier de manifestants qui, après la démonstration de masse qui s’est arrêtée au pont Marguerite, a décidé d’accompagner le parti libéral Momentum sur les 7 kilomètres qui séparent le centre ville des bâtiments de MTVA, rue Kundigundda. Ils sont arrivés vers 22 heures. Une dizaine de personnes a réussi à entrer, mais en vain : on leur a refusé la parole. Ils sont ressortis vers 23 heures, et beaucoup sont restés sur place et ont passé la nuit là.

C’est tôt le lundi matin que les deux députés d’opposition ont été expulsés. Un autre député, László Varju, de la Coalition démocratique (DK, de gauche) semble avoir été brutalisé ; les manifestants ont organisé ensuite un sit-in à MTVA pour protester contre ces manières de soudards. Le FIDESZ, le parti d’ Orbán, a rejeté la responsabilité de la protestation sur « le réseau immigrationniste bien connu de Soros ».Et le président du Parlement, László Köver, a annoncé que les salaires des députés d’opposition allaient subir des retenues !

Un moment extraordinaire dans l’histoire contemporaine de la Hongrie. Mais de telles manifestations vont certainement se dérouler bientôt dans tous les pays européens où les dirigeants populistes oint montré clairement les limites de leur démagogie et l’impuissance de leur cynisme. Les nationaux- populistes n’aiment pas le peuple.

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