Jean Zay, le vrai plus jeune ministre de L’Éducation Nationale

Présenté par certains médias comme le plus jeune ministre de l’Éducation Nationale, Gabriel Attal a eu par le passé, un prédécesseur bien plus remarquable, qui exerça cette fonction âgé de deux années de moins que lui.

Jean Zay (1904-1944), Ministre de l’Éducation Nationale et des Beaux Arts, en compagnie de Marc Rucart (1893-1964), Ministre de la Santé Publique, photographiés en 1937. Foto: Agence de Presse Meurice / Wikimedia Commons / PD anon 70 EU

(Jean-Marc Claus) – Depuis sa nomination le 20 juillet dernier, cet habitué des gouvernements Philippe, Castex et Borne qu’est le jeune loup Gabriel Attal, millionnaire à 34 ans, mais n’arborant pas de Rolex pour autant, est par la presse mainstream présenté comme le plus jeune Ministre de l’Éducation qu’a connu la France depuis l’avènement de la République. Il est vrai qu’après avoir encensé Emmanuel Macron, en le comparant à tort lors de son premier mandat, à John Fitzgerald Kennedy, les laudateurs du macronisme ont besoin d’alimenter un narratif à bout de souffle, quitte à faire feu de tout bois.

Non, Gabriel Attal n’est pas le plus jeune Ministre de l’Éducation Nationale qu’a connu le pays, car avant lui, il y eut au temps du Front Populaire Jean Zay, à qui Léon Blum confia l’éducation et les beaux-arts. Un militant radical socialiste qui, pour devenir avocat, finança ses études de droit en travaillant comme clerc d’avoué et secrétaire de la rédaction du Progrès du Loiret, journal dirigé par son père Léon Zay. Qu’a-t’il de commun avec Gabriel Attal ? Bien peu de choses, si ce n’est qu’il a participé à plusieurs gouvernements, et que sa mère était originaire d’Odratzheim, donc alsacienne comme la célèbre école privée par laquelle est passé en son temps le jeune Gabriel.

Libre penseur à plusieurs sens du terme, qualité incompatible avec le macronisme du temps présent, Jean Élie Paul Zay a tracé sa voie avec détermination. A l’origine des musées d’Art Moderne, des Arts et Traditions Populaires, de l’Homme et du Festival International de Cannes en réponse à la Mostra de Venise se fascisant, il contribua efficacement à la création du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS). C’est sous sa gouvernance de 1936 à 1939, que l’université commença à devenir accessible au plus grand nombre, la scolarité obligatoire passa de 13 à 14 ans, les activités sportives et travaux manuels furent intégrés aux programmes scolaires.

En 1937, il créa les classes vertes et les classes de mer, les sorties scolaires pour se rendre au musée et au théâtre. Comme il l’écrivait en 1937 dans l’avant-propos d’un ouvrage dédié aux classes d’orientation, « l’éducation doit faire part au corps comme à l’esprit, à la vie pratique comme à la curiosité, au passé comme au présent, au social comme à l’individuel ». Il n’était pas un gestionnaire à la petite semaine, comme les actuels ministres macronistes, mais un visionnaire qui avait une ambition pour la jeunesse de son pays. Malheureusement, la IIe Guerre Mondiale mit fin non seulement à sa carrière, mais aussi à sa vie, puisqu’il fut exécuté en 1944 par un milicien vichyssois.

Cette même milice fascisante et nazie-compatible de laquelle l’actuelle extrême-droite française tire quelques embarrassantes racines. Auteur d’un poème de jeunesse intitulé « Le Drapeau » qui lui valait la haine d’un large panel réactionnaire dont l’immonde Philippe Henriot, il ne manqua jamais de courage, et victime d’un remake de l’affaire Dreyfus, alors que voulant rejoindre la France Libre, il fut refoulé de Casablanca en métropole en 1940. Il supporta alors internements et humiliations, jusqu’à son assassinat par le milicien Charles Develle, finalement débusqué à Naples après quatre années de cavale, alors qu’il tentait de s’embarquer pour l’Amérique du Sud avec, toute honte bue, un faux passeport de ressortissant russe.

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