La fabrique des abrutis – Sus aux bouquinistes sis sur les quais de Seine !

La Préfecture de Police de Paris et la Mairie de la ville s’accordent pour, du moins temporairement, faire quitter les quais de Seine aux bouquinistes, en vue de la cérémonie d’ouverture des JO 2024.

Les bouquinistes font partie de l’âme des quais de Seine, qui sans eux, pourraient s’assimiler à la Place du Tertre vidée de ses artistes peintres. Foto: JMClaus /CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Parce qu’il faut aseptiser la dite Ville Lumière, en vue des jeux olympiques devant s’y tenir en l’an 2024, dont nous ne savons à cette heure s’il sera de grâce ou de disgrâce pour la prétendue Fille Aînée de l’Église, la Préfecture de Police de Paris estime indispensable pour la sécurité publique, l’enlèvement des boites vertes des bouquinistes, sises sur les quais de Seine. La Mairie, qui n’est pas en manque d’idées, propose de prendre à sa charge la dépose, la repose et si nécessaire la rénovation des boites abîmées lors de ces opérations, ainsi que la création d’un Village des Bouquinistes, dans un quartier proche.

Cette opération, si elle se réalise, concernerait l’enlèvement de 59% des boites existantes, avec pour autre promesse de la Mairie, le soutien de la candidature des bouquinistes des quais de Seine à leur inscription au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Unesco, à l’issue de quatre siècles et demi de présence dans la capitale. Ce qui est tout de même bien tardif, en comparaison de la baguette de pain, création boulangère du XXe siècle, inscrite le 30 novembre 2022 à ce précieux inventaire. Mais dans l’immédiat, les boites vertes sont considérées comme de potentielles menaces lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques se tenant sur la Seine.

Il est vrai que ce mobilier urbain pourrait servir à la dissimulation d’engins explosifs. D’où l’inquiétude légitime de la Préfecture de Police de Paris, en charge de la sécurisation du lieu où se tiendra cet événement exposé à un risque d’acte terroriste. Mais les bouquinistes concernés, exploitant 570 boites soit 59% de la totalité existant, ne l’entendent pas de cette oreille. D’autant plus que, selon Jérôme Calais, représentant de l’Association Culturelle des Bouquinistes de Paris, interrogé par l’Agence France Presse (AFP), il a été clairement expliqué le 10 juillet dernier, lors d’une réunion avec l’adjoint à la Seine, que ces boites vont gêner la vue lors de la cérémonie.

Alors pourquoi ne pas imaginer le million d’euros que coûterait dépose-repose et réfection des dites boîtes vertes, consacré à l’indemnisation des bouquinistes alors tenus de les laisser fermées durant la journée du 24 juillet 2024 ainsi que la veille ? Ce qui ferait la coquette somme de près de 900€ par journée de perte d’exploitation pour chaque boite. En matière de sécurité, on peut aisément imaginer qu’il y aura assez de forces de l’ordre et de moyens déployés sur place, pour s’assurer que ces éléments de mobilier urbain ne contiennent ni explosifs, ni djihadistes prêts au sacrifice ultime.

Autant la création provisoire d’un Village des Bouquiniste peut-elle s’avérer intéressante, autant savons-nous par expérience que dans de nombreux cas, le provisoire a ceci d’étonnant qu’il devient rapidement définitif, alors même que ce n’était pas sa vocation initiale, du moins officiellement. Les bouquinistes font partie de l’âme des quais de Seine, qui sans eux, pourraient s’assimiler à la Place du Tertre vidée de ses artistes peintres. A ceci près que la cérémonie d’ouverture des JO n’aura pas lieu sur la Butte Montmartre, diront les aigris et les tenant du tout sécuritaire. Dans ce cas, qu’ils n’y aillent pas, car en bien d’autres endroits des sites olympiques, la perpétration d’un acte immonde restera malheureusement possible.

L’organisation de cet événement festif hors d’un stade, contrairement à la coutume, ne manque pas d’inconvénients et en période de menace terroriste, augmente considérablement les facteurs de risque. Ce dont il fallait parler et penser en amont, car la dite menace ne date pas d’hier. Sacrifier ce qui fait le charme et la renommée des quais de Seine, alors que Paris verra à cette occasion s’accroître le nombre de ses visiteurs, ne contribue pas au rayonnement mondial de la ville. Renoncer à la culture générale au profit de la généralisation de la culture de la sécurité, est un mauvais pari sur l’avenir, mais un excellent moyen d’abrutissement général des masses.

Par ailleurs, les bouquinistes n’ont pas attendu d’avoir le soutien de la Mairie de Paris, pour se mobiliser en vue de leur inscription au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Unesco, car ils sont engagés dans cette démarche de reconnaissance depuis 2018. Inscrits depuis 2019 au Patrimoine Culturel Immatériel en France, ils exercent leur activité sur les rives parisiennes de la Seine, elles-mêmes inscrites au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 1991. Ce qui fait au total, beaucoup de patrimoine à bouleverser jusqu’à le mettre en péril, pour une manifestation festive éphémère, si belle soit-elle.

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