La lente mise à mort de Julian Assange

Old Bailey avait jugé une extradition de Julian Assange impossible. La Cour d’Appel de Londres vient d’invalider ce jugement. L’extradition d’Assange se dessine de plus en plus.

Le silence européen face à la torture de Julian Assange est insupportable. Foto: New Media Days / Peter Erichsen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(KL) – La Grande Bretagne ne fait plus partie de l’Union Européenne et ce n’est pas plus mal. Car un état-membre qui torture et qui coopère avec les Etats-Unis dans le but de mettre en garde tous ceux qui dénoncent les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par les Etats-Unis, ça ne colle pas vraiment avec les « valeurs européennes ». Mais les autres états européens, ainsi que les institutions européennes, ne se comportent en rien mieux que les Etats-Unis – l’Europe ferme les yeux devant le crime que les Britanniques s’apprêtent à commettre. Mais une extradition d’Assange ne pourra pas rester sans conséquences – il faudra sanctionner la Grande Bretagne comme la Biélorussie ou la Russie, lorsque ces pays commettent des infractions.

Il ne reste plus qu’une seule instance juridique pour que les soutiens de Julian Assange puissent faire appel contre cette procédure qui n’est autre qu’une farce. Accusé d’un viol qui n’a jamais eu lieu, incarcéré pour des accusations ridicules concernant son droit de séjour en Grande Bretagne (il est vrai qu’Assange n’a pas pu prolonger son titre de séjour, puisqu’il était une sorte d’otage à l’ambassade de l’Equateur à Londres) et aujourd’hui, Julian Assange est devenu une monnaie d’échange, car la Grande Bretagne a tellement besoin de nouveaux amis (de préférence pour conclure des traités de libres échanges) qu’Assange constitue la « dote » pour un nouveau traité entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis.

Que les Américains se comportent en criminel, ce n’est pas nouveau. Que les Britanniques se comportent comme des traitres, ce n’est malheureusement pas nouveau non plus. Mais le silence des gouvernements européens et surtout, des institutions européennes, est de plus en plus lourd. S’autocélébrant pour avoir passé de nouvelles lois pour « protéger les lanceurs d’alerte », les protagonistes politiques se taisent lorsqu’il s’agit de Julian Assange. Car au fond, la lente mise à mort de Julian Assange constitue effectivement un avertissement pour tous ceux qui seraient tentés de publier des informations sur les puissants de ce monde. Et qui sait s’il n’y a pas un « autre Assange » qui détient des informations sur nos gouvernements européens ?

La Cour d’Appel à Londres a réussi la quadrature du cercle. Elle estime que les « garanties » donnés par les Etats-Unis concernant un « traitement juste » d’Assange, soient suffisantes. En même temps, il a été prouvé au cours du procès, que la CIA avait déjà préparé des plans pour soit, enlever Assange en Grande Bretagne ou, mieux, l’assassiner sur place. Donc, lorsqu’un assassin donne une « garantie » de traiter sa victime « correctement », cela suffit à une Cour d’Appel britannique pour faire confiance à cet assassin. Incroyable, mais malheureusement la réalité.

Et la Grande Bretagne a également quitté la voie d’un état de droit. Car la dernière décision dépendra maintenant du ministère de l’intérieur, un mélange incroyable entre la judicative et l’exécutive. De quel droit critiquons-nous la Pologne, en fermant les yeux devant les transgressions britanniques des « valeurs européennes » ?

La Grande Bretagne et les Etats-Unis doivent faire l’objet de lourdes sanctions en cas d’extradition de Julian Assange. Mais vous allez voir, une fois Julian Assange dans l’avion, sur le chemin vers ses bourreaux, les politiques européens se réveilleront, en exprimant leur « inquiétude », en sommant les Américains de traiter Assange « correctement », en se montrant « indignés ». Mais à ce moment-là, ils seront tous solidairement coupables du sort de Julian Assange.

Emmanuel Macron veut marquer la présidence française de l’Union de son empreinte ? La nouvelle ministre des affaires étrangères allemandes, Annalena Baerbock veut se démarquer de ses prédécesseurs ? Alors, qu’ils se dépêchent en proposant l’asile politique à Julian Assange et en mettant les Britanniques sous pression, coûte que coûte, pour qu’Assange soit transféré en Europe et non pas aux Etats-Unis. S’ils continuent à commenter l’affaire Assange par un silence qui veut tout dire, il faudra s’en souvenir lors des prochaines échéances électorales. Voter pour des candidats qui soutiennent des états qui pratiquent la torture (selon le rapport Assange du chargé spécial de l’ONU Nils Meltzer), c’est comme voter pour des candidats ayant soutenu les Kadhafi, Saddam Hussein et consorts. Car dans le fond, les Johnson, Biden & Cie. ne sont en rien meilleurs que ces dictateurs déchus.

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