La mémoire courte

Il y a quelques jours à peine, nous applaudissions les infirmières, les soignants, le corps médical. Et on s'était promis de traiter ces métiers difficiles avec plus de respect. Cela n'aura pas duré longtemps.

Quand ils sauvaient des vies, nous avons applaudi. Et aujourd'hui ? Foto: ScS EJ

(KL) – Ils étaient nos héros et héroïnes. Ils tenaient le pays à bout de bras. On s’était tous promis de réévaluer le statut des infirmières et infirmiers, des aides-soignant.e.s, du personnel qui travaille dans les hôpitaux, du corps médical. Ils ont sauvé beaucoup de vies et on les applaudissait le soir à 20h. Tous les soirs. L’admiration que nous portions à ces métiers des soins aura été de courte durée.

Barbara D. (nom changé par la rédaction) est une de ces héroïnes. Travaillant dans un service d’un hôpital public à Strasbourg, elle a enduré ce que tout le personnel soignant a dû endurer pendant de longues semaines. La pénurie de masques et de gel, le choc émotionnel de voir les services débordés qui comptaient les morts, l’angoisse de voir les collègu.e.s tomber malades du Covid-19. Pourtant, elle est allée à chaque service, tout en craignant de s’infecter et de contaminer son mari.

Aujourd’hui, Barbara D. a besoin de repos. Physiquement, car ces derniers deux mois à l’hôpital étaient d’une densité extrême pour l’ensemble du personnel, mais aussi de repos psychologique, pour pouvoir chasser les cauchemars, pour gérer les images qui se sont gravées dans sa tête.

La médaille qu’on promet aux soignants, elle s’en fiche. Ce n’est pas un pins en métal qui lui rendra sa sérénité. La prime annoncée, ils sont de moins en moins nombreux à y croire ; et après tout, c’est quoi une prime ? Pins et prime, ce n’est pas la revalorisation de ces métiers, c’est un bonbon pour faire avaler le maintien de l’état des choses dans leurs métiers.

Barbara D. voulait souffler un peu cet été. En début du mois de février, elle avait posé ses congés pour le mois de juin. Avec son mari, ils avaient déjà fait des plans pour un dépaysement plus que nécessaire. Personne ne pouvait prévoir à ce moment qu’au mois de juin, il ne serait pas possible de partir. Car entretemps, la corona-crise a frappé violemment dans les hôpitaux.

Mais au moins l’administration des hôpitaux est restée intacte pendant la corona-crise. Pour ceux qui avaient posé leurs congés pour le mois de juin, rien ne pourra changer. Tant pis pour eux. C’est le cas de nombreux soignant.e.s qui voulaient profiter d’une période touristique relativement calme.

Mais au mois de juin, soyons sérieux, il n’y aura pas grand monde qui partira en vacances. Le périmètre de 100 km, déjà tronqué en Alsace à cause de la proximité de la frontière avec l’Allemagne, c’est tout ce qui reste. En plus, on ne sait même pas comment la situation se présentera en cas d’une deuxième vague du virus ou d’autres incidents.

Est-ce cela, la reconnaissance promise à nos héros et héroïnes ? Le mépris de leurs efforts extraordinaires, de leur abnégation ? Une semaine seulement après le débuts d’un déconfinement timide, nos héros et héroïnes sont priés de regagner leur rang. La reconnaissance et le respect, ce sera pour une autre fois.

Des gens comme Barbara D. ont pris des risques pour leur vie pour sauver celle des autres. Et maintenant, ils ne méritent pas un peu de repos, ailleurs qu’à la maison où ils étaient confinés pendant leurs jours de congé, exposés en plus au regard méfiant de certains voisins qui auraient bien aimé les voir quitter le voisinage ?

La seule solution correcte à la question du calendrier des vacances aurait été de le revoir en fonction des besoins des uns et des autres. D’en discuter avec les personnes concernées et de déterminer ensemble les dates de leurs congés. De leur témoigner le respect que nous leurs devons. Mais le respect pour ces héros et héroïnes ne figure donc pas sur le calendrier. Une honte.

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