La torture en Russie

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(MC) – La torture est très répandue en Russie. Dans les prisons, les officiers appellent cela « œuvre éducative ». Cette semaine à Strasbourg, des Russes ont fait un barouf d’enfer à la limite de l’obscénité pour protester de leur droit à entrer dans l’Union Européenne. Sans doute n’ont-ils pas lu assez attentivement les textes constitutifs de l’Union.

Le pays du Tsar Poutine est impliqué dans plus de la moitié des affaires jugées par la Cour Européenne des Droits de l’Homme et concernant la torture, les traitements inhumains… et l’absence d’enquêtes sur ces crimes. Le journal d’investigation Novaja Gazeta a analysé les données de tels cas. Toutes les sentences ne sont pas accessibles ; mais la NG a comptabilisé 4500 jugements de ce type. Il en ressort que beaucoup de ces criminels voyaient leurs sentences suspendues, et retrouvaient leurs fonctions officielles après quelques années seulement. Les victimes – ou leurs familles – reçoivent en général une part infime des compensations demandées. Aucun officier du FSB, le service de renseignement, n’ jamais été condamné à quoi que ce soit.

En juillet dernier, Novaja Gazeta a publié une vidéo d’une dizaine de minutes où l’on voit des hommes lier un accusé sur une table, les membres écartés, et le battre longuement avec des bâtons ; la victime crie et demande pitié. Les hommes, en tenue de camouflage, sont très nombreux : une quinzaine. De temps à autre, ils jettent des seaux d’eau à la figure du détenu. Cette scène se passe dans une colonie de prisonniers, près de Jaroslavl, en Russie centrale. Elle a été vue ensuite par de très nombreuses personnes. Par la suite, 12 personnes de l’administration pénitentiaire (FSIN) ont été condamnées pour abus d’autorité avec usage de la violence. La vidéo est disponible sur youtube.

Le gouvernement russe a avancé devant le Comité contre la Torture qu’il s’agissait d’un cas exceptionnel, un cas de provocation des gardiens par ce détenu. Mais un mois plus tard, NG a publié une seconde vidéo qui montre des gardiens de la FSIN en train de forcer des détenus à courir le long d’un corridor tandis qu’ils les frappaient de leurs mains nues et à coups de bâtons. Puis on voit les détenus se rendre dans une pièce à l’écart, suivis par un troupeau de garde-chiourmes. L’intérieur n’est pas filmé. L’un des détenus tient en main un drap : un peu plus tôt, un tel drap avait servi à étouffer les cris de prisonniers frappés et malmenés.

Des exceptions ? Nullement ! Les organisations humanitaires rapportent, dans les 6 derniers mois, plus de 50 cas de torture. Ces pratiques conduisent cependant rarement à des procès.

Pour clarifier la situation, le journal Novaja Gazeta a comptabilisé les procès – la partie émergée d’un iceberg sinistre, insondable.

Il appert que 3266 procès ont été intentés à des militaires, et 992 à des fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur. Contre des employés de la FSIN, on en compte 58. En tout, quelque 3500 procès, donc. Ce qui est énorme, au vu du fonctionnement de la Justice en Russie… Il faut préciser qu’aucun texte de loi ne définit ni ne condamne spécifiquement la torture ; les accusés le sont (Art.286 du Code pénal russe) pour ” exercice impropre de l’autorité avec utilisation de la violence ou d’armes ou avec blessures “.

Cet usage très fréquent de la torture pose problème, bien évidemment. La société russe est brutale ; brutalisée par 60 ans de « communisme » ? L’usage du corps dans la société d’une part, celui des femmes, des enfants, des personnes désavantagées surtout, et d’autre part, le traitement du corps et les abus commis sur lui par l’État, sont un symptôme particulièrement grave de l’absence de démocratie réelle dans le pays, et pire, d’une insensibilité très répandue aux droits de l’Homme et à la notion même d’humanité. Nous devons rester très attentifs à cela.

 

 

 

 

Fréquence particulière dans l’armée (3299). Ensuite, M Intérieur, plus de 900 cas en 7 ans.