Le congé menstruel commence à se frayer un chemin en France

De plus en plus d’entreprises, comme à Strasbourg, proposent un congé menstruel aux salariées souffrant de règles douloureuses, un sujet encore tabou qui suscite néanmoins l’intérêt du Parlement. Des propositions de loi ont été déposées dans ce sens ces dernières semaines.

La menstruation est très douloureuses pour beaucoup de femmes. Foto: Vulvani / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Emma Kuhn) – Ce sont les socialistes qui se sont tout d’abord emparés de l’idée du congé menstruel. Deux textes ont été déposés le 10 mai : le premier au Sénat, le deuxième à l’Assemblée nationale. Vendredi 26 mai, les députés écologistes Sébastien Peytavie, Sandrine Rousseau et Marie-Charlotte Garin ont, à leur tour, déposé une proposition de loi. Ces trois initiatives s’accordent notamment sur un point principal : l’autorisation pour les salariées et les agentes de la fonction publique de s’absenter du travail 13 jours maximum par an dans le cadre de ce congé menstruel, et ce, sans perte de salaire. Cet arrêt maladie sera intégralement remboursé par la Sécurité sociale, en contrepartie de la présentation d’un certificat médical délivré par un professionnel de santé, valable un an. Malgré les quelques différences entre les textes socialistes et écologistes, Sandrine Rousseau a « bon espoir » qu’une proposition soit adoptée « de manière transpartisane ».

Les élus français à l’origine des textes comptent bien reproduire le modèle ibérique : le 16 février, les députés espagnols ont définitivement adopté une loi relative au congé menstruel. Celle-ci permet aux femmes de se mettre en arrêt de travail en cas de menstruations incapacitantes. Il s’agit d’une première en Europe. A l’image de l’Espagne, certaines entreprises en France imitent déjà cette façon de faire. A Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, la mairie propose un congé menstruel à ses employées depuis le 27 mars.

De manière encore plus précoce, une agence web strasbourgeoise a également mis ce congé en place dès le 1er janvier : la société Blackbird Agency. Ses salariées peuvent ainsi prendre un jour de congé supplémentaire (et rémunéré) par mois. Une mesure prise par la direction (composée de trois hommes) et saluée par les six femmes concernées (bientôt sept). « J’ai déjà pris ce congé à plusieurs reprises, je trouve que c’est une chance, parce que quand on a ses règles et qu’on en souffre, on n’arrive pas forcément à aussi bien se concentrer et on doit se bourrer de médicaments pour pouvoir travailler, alors qu’on n’est pas en état », explique Marion Oberlé, apprentie web designer. Louise Dalvai, culture manager, affirme que cela représente « une belle avancée », malgré le fait que « les règles ne durent pas qu’un jour ». « Ça ne va pas suffire à celles qui souffrent pendant une semaine, mais c’est déjà un premier pas vers la bonne direction », acquiesce Marion Oberlé.

Léo Claude, chargé de communication, dont l’« opinion n’a pas forcément une grande importance car au final, cela ne va pas me concerner », pense que « si c’était un problème qui affectait les hommes, cela ferait un moment qu’on aurait mis des choses en place ». Au même titre que ses collègues, il redoute néanmoins qu’un tel congé, généralisé à toute la France, pourrait accroître les discriminations dont les femmes font déjà l’objet, notamment au stade de l’embauche. « Certains vont préférer recruter des hommes parce qu’ils auront moins de congés à poser. C’est la même question que la grossesse et le congé maternité », déplore Léo Claude. Un risque également pointé par différentes associations féministes telles qu’Osez le Féminisme !. « À première vue, on peut se dire que c’est bien, que cela prend en compte la douleur des femmes », admet Violaine de Filippis, porte-parole de l’association. « Mais à compétences équivalentes, un employeur peut préférer choisir un homme », ajoute-t-elle.

Selon une enquête menée par l’Ifop en septembre 2022 et publiée le 11 octobre, 82% des salariées en France craignent que le congé menstruel puisse être un frein à l’embauche ou à l’évolution des femmes.

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