Le Roi est mou
Alexander Stubb, candidat PPE au poste de président de la Commission
(MC) – L’an prochain , en mai 2019, aura lieu l’élection du président de la Commission Européenne. Un poste qui à première vue, semble d’importance primordiale : le président règne sur plus de 500 millions de citoyens européens. Et cependant, le roi est mou. Un roi mou comme, chez Dali, il existe des montres molles. Dali eût dit la chose ainsi : la Commission européenne est encore moins turgescente que le temps. Reste à construire une vraie Europe, rigoureuse et claire : mais qui le fera, et comment ?
Le président de la Commission de l’Union Européenne, c’est l’un des postes principaux de décision au sein de l’Union Européenne. Le président de cette Commission est élu au suffrage universel par une sorte d’étrange feedback entre ces élections au Parlement et les propositions du Conseil européen qui dispose tout en tenant compte des résultats des élections. Au fond, pourquoi pas, hein.
Ce qui est plus problématique, et même inacceptable pour un Européen démocrate et convaincu, c’est l’absence de transparence au sein de la Commission, dont le citoyen moyen ne sait jamais ce qui s’y passe, quels lobbies sont en train d’oeuvrer benoîtement, etc. Sans doute faudrait-il réformer les structures institutionnelles qui permettent cette opacité très nuisible à l’idée européenne elle-même.
En tout cas, nous avons absolument besoin d’un nouveau roi de la commission, ou plutôt, de remplacer Jean-Claude Juncker, l’actuel monarque mou chancelant – ou si l’on préfère, titubant… Mais au fait, de quels candidats disposons-nous ?
A gauche, nous n’en savons rien encore. Le suspens, bien que supportable, est entier. Trois candidats possibles émergent cependant, qui hélas, ne soulèvent pas un enthousiasme populaire comparable à celui d’un concert des Beatles en 1964. Le Slovaque Maroš Šefčovič est très sympathique, mais un peu inconnu, et il a trop d’accents à son nom. Frans Timmermans le Batave est vénérable, et même un peu trop vénérable. Et Pierre Moscovici à l’agressivité chenue n’est pas exactement soutenu à bout de bras par ses camarades français. En somme, plutôt Le Radeau de la Méduse que La Liberté guidant le peuple.
Que pouvons-nous donc espérer, comme le demandait déjà le grand Emmanuel (le grand, pas le petit) ? Dans le coin droit, tapis dans l’ombre, les populistes grignotent l’ Europe de leurs grandes incisives jaunes. Mais un peu plus à la lumière, deux candidats de la droite se profilent nettement.
Le candidat quasi officiel, c’est Manfred Weber. Weber, député européen depuis 2004, est un homme d’appareil, un technocrate compétent, membre successivement de la Commission des affaires civiles, de la justice et des affaires intérieures et de la Commission des affaires constitutionnelles. Peu charismatique, ce président actuel du PPE est né en 1972 en Niederbayern (« Basse-Bavière »). Eh oui, Weber est membre de la CSU, l’aile bavaroise de la CDU, plus conservatrice, plus à droite et plus anti-migrants que cette dernière. C’est là que le bât blesse l’ânon : récemment, pour des raisons en partie électoralistes, la CSU s’est beaucoup rapprochée du national-populiste hongrois Viktor Orbán ; le ministre-président CSU de Bavière, Horst Seehofer, ne rate pas une occasion de déclarer sa tendre amitié avec Orbán et de lui envoyer de doux baisers…
Et voilà la raison principale pour laquelle un autre candidat potentiel de la droite vient fleureter (avec un fleuret, pas avec une fleurette) contre Manfred Weber. Il s’agit du Finlandais Alexander Stubb (voir notre article du 4 octobre dernier) : 50 ans, député européen, ancien ministre des affaires extérieures et des finances, ancien premier ministre de la Finlande et actuellement vice-président de la BEI (Banque Européenne d’Investissement), Stubb incarne une vision plus centriste et plus inquiète quant à l’avenir d’une Europe possiblement infectée par le national-populisme.
Dans la presse, Alexander Stubb s’exprime d’une manière qui retient l’attention. Pourquoi se présente-t-il au poste ? C’est que, dit-il en substance dans Die Welt la semaine dernière, la démocratie n’est pas un processus d’intronisation, mais la confrontation d’idées différentes. Le slogan de Stubb est : « Une nouvelle génération pour l’Europe ». Oui, bon, Stubb a 50 ans ; mais cet énoncé est pour lui une manière d’appuyer le besoin de transparence à la place des négociations d’antichambres et de coulisse ; nous devons, dit-il, exposer toutes les difficultés et poser les questions les plus délicates au grand jour.
Stubb se pose comme un défenseur des valeurs et des principes de l’Union Européenne. Un défenseur contre les attaques chinoises ou russes, et contre ceux qui minent ces valeurs à l’intérieur même de l’Union : Orbán en Hongrie, le PiS en Pologne, le populisme droite-gauche (droite-gauche !) en Italie. Nous ne pouvons, dit Stubb, laisser passer le régime « illibéral » qu’ Orbán veut mettre en place. L’ancien premier ministre finlandais veut ainsi introduire un vrai débat public avec Orbán. L’interroger sur les points très précis que posent les textes de lois et les principes européens. Si le Fidesz (le parti d’Orbán) les refuse, il faut l’exclure du PPE.
C’est sur la question des migrants que Stubb est le plus critique avec Manfred Weber et avec des partis tels que la CSU, qui pour lui, font le jeu des populistes de droite en reprenant leurs revendications et leurs griefs, de façon toute démagogique. Maintenant, il faut avancer avec pragmatisme, conviction et sincérité, et trouver le moyen d’intégrer les migrants du mieux possible. Il n’existe pas d’autre solution. En Bavière,on a vu que cela ne fonctionnait pas de copier tout bonnement, comme ont essayé de le faire le ministre-président et Horst Seehofer, les slogans des Orbán, Salvini et consorts. La CSU en a payé la facture. Il nous reste donc à tracer le chemin difficile et à avancer vraiment.
On a envie, malgré son étiquette, de souhaiter bonne chance à Alexander Stubb sur ce chemin qui, en effet, s’avère difficile. Très difficile.
Kommentar hinterlassen