Le TAFTA est mort ? Ne vous réjouissez pas trop tôt…

Les échéances électorales en France et en Allemagne approchent. Et si des politiques dans les deux pays ont déclaré « la fin du TAFTA », les négociations se poursuivent quand même.

Il ne suffit pas de s'opposer au TAFTA, il faudra également empêcher le CETA. Foto: Bernd Schwabe, Hannover / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – L’info a fait la « Une » un peu partout – la France et l’Allemagne ne veulent plus du TAFTA, ce traité sur les libres échanges rejeté par la majorité des citoyens français et allemands, rejeté du moins dans les sondages. Toutefois, il convient de lire entre les lignes. Ce ne sont pas François Hollande et Angela Merkel qui ont déclaré que le TAFTA n’allait pas être conclu, ce sont le secrétaire d’état au commerce extérieur français Matthias Fekl et le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel qui l’ont dit. Surprenant – il n’y a que peu de temps, Sigmar Gabriel avait menacé son parti, le SPD, de son refus d’être candidat aux élections législatives si le SPD refusait le TAFTA. Et maintenant ?

Maintenant, rien n’est joué, sauf que le PS en France et le SPD en Allemagne aient passé un message à l’électorat – « on vous a entendu ». Mais c’est déjà tout. Du moins, c’est le message qui est arrivé aux Etats-Unis où les responsables ont déclaré qu’ils étaient impatients de poursuivre les négociations. Que feront alors la France et l’Allemagne ? Il semble clair qu’un tel accord qui changerait le paysage économique, légal et social en Europe, ne pourra pas se faire sans l’aval de Paris et Berlin. Est-ce que Matthias Fekl et Sigmar Gabriel se sont exprimés au nom de leurs gouvernements ? Du moins en ce qui concerne Sigmar Gabriel, ce n’est pas le cas et le chef du « partenaire junior » de la grande coalition CDU/SPD au pouvoir à Berlin, ne s’est certainement pas exprimé au nom de sa patronne Angela Merkel. Donc, pour conclure que le « TAFTA est mort », il est beaucoup trop tôt.

Car il y a encore le CETA, le traité sur les libres échanges avec le Canada. Sachant que ce traité n’allait pas trouver l’unanimité requise dans l’ensemble des états-membres, la Commission Européenne souhaite maintenant le signer en contournant les parlements nationaux des états-membres, arguant qu’il s’agit d’un « traité européen » qui ne nécessite pas la ratification par les parlements nationaux. Et le CETA, c’est le petit frère du TAFTA qui contient également les clauses qui sont considérées comme anti-démocratiques par la plupart des Européens. Comme les organismes d’arbitrage privés qui décideront en cas de litige entre une entreprise et un état européen et ce, en dehors du circuit juridique habituel, il y a des clauses comme celle qui autorise aux entreprises de prendre en charge des services jusqu’alors du ressort public, il y a la question du droit de travail et d’autres acquis sociaux.

Il est difficile de comprendre pourquoi l’Union Européenne est prête à contourner ses propres règles pour conclure un traité qui, dans le meilleur des cas, pourrait apporter une croissance de 0,03 % et qui ne concerne que 1300 produits et services. Annoncer publiquement de laisser tomber le TAFTA, tout en signant le CETA, c’est se moquer des Européens et Européennes. Rien n’est plus facile pour une entreprise américaine évoluant dans l’espace NAFTA (North American Free Trade Agreement, traité sur les libres échanges entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada) que de transférer leurs activités européennes vers une filiale installée au Canada et de contourner ainsi l’absence d’un traité direct entre l’Europe et les Etats-Unis.

Et si les déclarations de Matthias Fekl et de Sigmar Gabriel n’étaient que de la « communication politique » ? Une communication destinée à se positionner positivement vis-à-vis des électeurs, tout en acceptant la mise en œuvre du CETA qui, pour les entreprises américaines, pourrait facilement remplacer le TAFTA ? Est-ce que, à quelques jours de grandes manifestations contre ces traités en Allemagne, la politique veut seulement calmer le jeu ?

Il convient de rester attentif et mobilisé. Les deux traités en questions ont le potentiel de transférer le pouvoir économique et législatif entre les mains des entreprises américaines. Avant que ces négociations ne soient pas officiellement arrêtées, elles continuent. Et à Bruxelles, on se fiche pas mal de ce qu’un Matthias Fekl ou un Sigmar Gabriel disent.

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