Les dix travaux européens d’Emmanuel Macron

Avec sa « feuille de route européenne », Emmanuel Macron a relancé le débat européen. Mais est-ce que ses propositions sont réalistes ?

Nous regardons les propositions européennes d'Emmanuel Macron de plus près, avec Hervé Moritz, président des Jeunes Européens France. Foto: Eurojournalist(e)

(Réd) – Depuis son discours à la Sorbonne, Emmanuel Macron est « Mr. Europe ». Ses propositions sont débattues partout en Europe et on a presque l’impression que toute l’Europe voudrait se mettre « en marche ». Mais est-ce que ces propositions relèvent de la communication politique ou est-ce que l’Europe pourra vraiment se réformer selon cette « feuille de route » ? Hervé Moritz, Président des Jeunes Européens France et notre rédacteur en chef Kai Littmann en ont discuté.

Hervé Moritz, regardons ensemble, point par point, les propositions du président français et essayons de voir si elles sont réalisables et qui ou quoi pourrait s’y opposer. Commençons par la « force commune d’intervention » à l’horizon 2020, donc, l’armée européenne. Réalisable ?

Hervé Moritz : Oui c’est possible et c’est une très bonne chose. C’est une idée très concrète que d’intégrer des soldats étrangers européens à l’armée française. Nous disposons déjà d’exemples qui ont fait leurs preuves avec l’Eurocorps et la brigade franco-allemande. Il suffit de développer ces structures. Donc, oui, il s’agit d’un projet réalisable.

Et cette armée européenne devrait être dotée d’un budget et d’une doctrine d’intervention commune…

HM : Sans budget, il n’y aura pas d’armée européenne. Un tel budget est nécessaire, on ne le verra pas avant 2019. Jusqu’aux prochaines élections européennes, il n’y aura pas d’avancées concrètes, car les marges de manœuvre du cadre budgétaire sont faibles, mais il est possible d’ouvrir ce dossier dès maintenant pour être prêt en 2019. Sa mise en œuvre dépendra aussi des résultats des prochaines élections européennes.

Wolfgang Kubicki du FDP, potentiel membre du prochain gouvernement allemand, traduit les propositions d’Emmanuel Macron comme « Macron propose et l’Allemagne paie »…

HM : Bon, les Allemands ne sont pas exactement connus pour entretenir correctement leur armée… Donc, tout le monde en profiterait, les Allemands les premiers… L’ensemble des États-membre pourrait réaliser des économies de taille, surtout les États d’Europe centrale qui craignent le voisin russe.

Prochaine proposition, la création d’une « Académie Européenne du Renseignement » – allons-nous vers la mise en œuvre d’une sorte de NSA européenne, nécessitant des milliards d’euros, genre « Big Brother is watching you » ?

HM : Pour les Jeunes Européens, cette proposition est intéressante. Le terme « Académie » implique qu’il s’agit d’une formation commune et de la mise en réseau des acteurs pour renforcer à l’avenir les coopérations entre les services de renseignement. Et il ne s’agit pas de créer une « NSA européenne », mais au contraire, de créer un contrepoids à la NSA dont tout le monde connaît les agissements aussi en Europe.

Mais pensez-vous que tous les États-membres pourraient adhérer à une telle Académie ? Pensez-vous que la Hongrie ou la Bulgarie, pour ne citer qu’eux, ouvriraient leurs services secrets aux partenaires européens ?

HM : On parle d’une défense commune européenne, on parle de la lutte contre le terrorisme, et logiquement, il faut s’en donner les moyens. Et là aussi, ce serait aussi et surtout les pays de l’Est de l’Europe qui, considérant leur position géographique à proximité de la Russie et les cyberattaques régulières, auraient intérêt à porter ce projet.

Ce qui nous amène à la proposition d’un « parquet européen contre le terrorisme »…

HM : On en parle depuis longtemps. Techniquement, les traités ne prévoient pas une telle structure dédiée à la lutte contre le terrorisme, mais s’il y a une volonté politique, c’est faisable. Après tout, le terrorisme est un phénomène mondial et il paraît évident que la lutte contre le terrorisme doit être menée au niveau international. Les réseaux terroristes n’ont pas de frontières, n’en n’imposons pas à la police et la justice.

Emmanuel Macron propose également la création d’une « Force européenne de protection civile » pour répondre aux catastrophes naturelles…

HM : Il existe déjà des coopérations à ce niveau, comme par exemple pour combattre les feux de forêt au Portugal, en Grèce ou en France. Étendre cette coopération au niveau européen, ce serait une bonne chose et relativement facile à mettre en œuvre.

Déjà plus compliqué, la proposition d’un « Office européen de l’asile et d’une police européenne des frontières »…

HM : Le principe de la libre circulation nécessite aussi qu’on ait des règles communes en matière d’asile et d’immigration et que ces règles soient appliquées de la même façon par tout le monde.

Mais on voit bien que ces règles ne seront pas appliquées par tout le monde. Déjà les États de Visegrad ne joueront pas le jeu…

HM : Ceux qui ne voudront pas y participer doivent en payer les conséquences. Pour ceux qui veulent des dérogations, on coupe les fonds européens et on les utilise pour financer l’intégration des réfugiés dans les pays volontaires. Il est inconcevable d’encaisser des subventions européennes, tout en refusant d’appliquer la politique européenne…

Vous proposeriez donc de sanctionner ces pays non-solidaires financièrement ?

HM : Oui, tout à fait. L’Europe doit devenir un peu plus révolutionnaire et s’affirmer. Ceux qui ne suivent pas l’Europe sur cette voie, ne devront plus s’attendre à des subventions. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. S’ils ne participent pas, alors leurs fonds serviront à aider les pays véritablement solidaires.

La semaine prochaine, on regardera ensemble les autres propositions d’Emmanuel Macron. Communication politique ? Positionnement politique ? Relance européenne ? On le saura bientôt…

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