Quand les Français se remettent à… consommer !

Le nouveau mot d’ordre – consommez ! Alain Howiller pose les questions qu’il convient de poser dans une telle situation…

L'écureuil a beau se cacher - cette année, li laissera des plumes, euh, des poils... Foto: Sebleouf / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Alain Howiller) – Dans le déferlement des informations générées par la crise sanitaire et ses multiples développements, il est un élément qui a échappé à la plupart des médias : pour la première fois depuis octobre 2019(!), les Français ont puisé dans leur épargne : ils ont prélevé 1 milliard d’euros sur leur « Livret A » de leur Caisse d’Epargne et 80 millions d’euros sur leur « Livret de Développement Durable et Solidaire-(LDDS) ». Est-ce enfin un début de réponse aux propos de Bruno aux Le Maire, le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, qui disait : « Ce n’est pas d’épargne dont nous avons besoin aujourd’hui pour notre économie, mais d’investissement ». Tandis que François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, précisait « Le défi de l’après crise sera de donner confiance aux Français pour transformer l’épargne en consommation… »(1).

Certes, nous sommes loin de l’après-crise : il suffit de prendre quotidiennement le pouls d’une économie en perfusion où se concrétisent d’incessantes menaces de licenciements, les retraits sur des livrets d’épargne populaires, mais tout de même peu rémunérateurs (intérêts annuels 0,50%, libres d’impôts), mais où l’argent déposé est disponibles à tout moment, en cas de besoin. Mais les retraits pourraient bien marquer un tournant, alors que jusqu’ici, en un an, les épargnants du « Livret A » avaient doublé leurs dépôts.

La « valse » des milliards – En 9 mois, l’épargne des Français avait, globalement, progressé de +90 milliards, les « Livrets A » et « LDDS » engrangeant à eux deux, près de 59 milliards. Au-delà des retraits, un autre signe de tournant a été relevé : le rythme des dépôts a retrouvé une fréquence normale. Ce n’est pas pour autant que les Français seraient plus confiants dans l’avenir : n’avaient-ils pas constitué une « épargne de précaution », pour le cas où ils se retrouveraient au chômage ou tomberaient malades ? Selon l’INSEE, 65% d’entre eux (contre 46% en Septembre) s’attendent même à une dégradation de leur niveau de vie !

Mais le confinement a pesé sur beaucoup d’achats reportés et la proximité de Noël pousse à la consommation, les résultats de la toute nouvelle réouverture des commerces peuvent en témoigner. Dès la rentrée, la consommation des ménages a augmenté (+17,9% en neuf mois) et d’après un sondage de l’IFOP pour Finfrog, 54% des Français veulent dépenser davantage cette année par rapport à ce qu’ils avaient dépensé à Noël 2019 ! Ils veulent, en moyenne, consacrer entre 600 et 650 euros pour les cadeaux, seuls 12% (dont 14% de femmes et 9% d’hommes !) veulent dépenser moins qu’il y a un an, 13% vont dépenser entre 650 et 700 euros. Le sondage souligne (sans malice…) que dans l’ensemble, les hommes…. sont plus généreux que les femmes !

Quand les épargnants achètent à… crédit ! – Mais si les épargnants (ils sont 59% à le faire) prélèvent de l’argent sur leur épargne, ce n’est pas pour vider leurs livrets ! Directeur marketing de Cofidis, grand financeur des ventes à crédit (groupe Crédit Mutuel), Mathieu Escarpit constate à ce propos : « Les gens veulent consommer tout en conservant leur épargne… Près de la moitié des Français préfèrent souscrire à un crédit à la consommation plutôt que de puiser dans leur épargne. »

Malgré le faible niveau des intérêts versés, pour M. Escarpit : « Vous avez d’un côté des Français aisés qui, par stratégie financière, vont plutôt profiter des taux bas et laisser leur épargne fructifier… Et l’autre partie des Français qui vont souscrire à des crédits… mais plutôt pour de petits montants et sur une courte période pour pallier à la baisse du pouvoir d’achat ».

Apprendre à vivre avec le virus ? – Du coup, la consommation chutera sans doute moins, cette année, qu’on ne le redoutait : mais si elle se rapproche d’une consommation normale telle qu’on la connaissait avant la crise sanitaire, elle devrait néanmoins être inférieur de 1,3% par rapport à 2019. Qui peut s’en contenter, alors que l’emploi se dégrade et que le risque de chômage se concrétise ? Rien d’étonnant que le moral connaît un creux important.

D’autant que, selon plusieurs sondages de l’IFOP, seuls 11% des Français (contre 24% en 2019) pensent partir en congés à l’occasion des fêtes, que 10% (contre 4% en 2019) se retrouveront seuls à Noël, qu’ils réuniront 5 convives (hors enfants) à table contre 9 en moyenne l’année dernière, et que 44% des sondés ne verront pas, cette année, de personnes âgées ! Au-delà des chiffres des drames humains s’esquissent : 52% des Français souffrent plus que d’habitude d’un sentiment de tristesse en raison du confinement. Il faut apprendre à vivre avec le virus, dit-on !(2)

(1) Voir eurojournalist.eu du 28.095.2020.

(2) Sondages IFOP réalisés pour les sociétés « Odero » et « Consolab ».

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste