Racisme dans la police de Saxe

Dans les entrailles de la bête

Un Stammtisch à Leipzig Foto: André Karwath aka Aka / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 2.5Gen

(MC) – Cela fait un certain temps maintenant que nous éprouvons de sérieuses inquiétudes quant aux dispositions idéologiques de la police du Land de Saxe. L’AfD y est particulièrement puissante, et de nombreuses accusations ont fleuri cette année de sympathie, voire de collusion de la police du Land avec les agissements de ce parti fasciste. L’arrestation d’un manifestant à Chemnitz, qui s’était signalé par son zèle et son enthousiasme, et dont il s’est avéré qu’il s’agissait d’un policier, ne nous a pas étonné outre mesure…

Le jeune Simon Neumeyer, lui, originaire de Cologne, s’est rendu à Leipzig pour y suivre une formation à l’école de police. Simon est animé de l’intention de servir le maintien de l’ordre dans une société moderne et démocratique. D’ être au service des citoyens de la République fédérale, tout simplement.

Tout simplement ? Non… Et ce qu’il a entendu et vécu l’a décidé à démissionner de la police. Ce qu’il a fait en 2017 ; mais il ne s’est décidé à en parler publiquement que la semaine dernière, en dernière extrémité, parce qu’on essayait de l’intimider.

Après son entrée à l’Ecole de Police, très rapidement, Simon entend des propos racistes et fascistes. Il s’aperçoit que ces propos seront l’ordinaire qu’il aura à ingurgiter avant de pouvoir servir… l’ordre. Mais quel ordre ?

Ces propos sont tenus, non seulement par ses petits camarades qui bientôt deviendront souris vertes, mais aussi par les instructeurs eux-mêmes. Ainsi, l’instructeur de tir dit qu’ils doivent nous entraîner au tir parce qu’actuellement, de trop nombreux étrangers migrants arrivent. Le dirigeant remplaçant du Centre, lors d’un cours d’éthique, avance qu’il ne se sent plus bien ni en sécurité dans son pays, parce qu’à la Saint Sylvestre, de trop nombreux étrangers ont fait la fête très bruyamment dans la rue. Lors d’une autre heure de cours, un formateur était censé expliquer comment le policier devait aborder un migrant : il se met à imiter un Turc avec tous les clichés que l’on imagine, et surtout les pires. Etc etc !

Et ses camarades ? Ses camarades chantent des chansons nazies du groupe de rock puant qui s’appelle Stahlgewitter et racontent leurs fréquentations des activités de la NPD, le vieux groupe néo-nazi, sans que les autres y voient à redire. Lorsqu’un jour, un élève s’ exclame qu’il voterait plutôt brun que vert, personne dans l’entourage ne proteste.
Quand Simon s’élève ouvertement contre l’usage très fréquent par l’enseignant d’allemand du mot “nègre”, ses commilitons profèrent des injures, lui crachent à la figure qu’il n’est pas « normal ». Un seul approuve sa protestation, mais s’en dissimule des autres, par crainte.

Simon estime que dans sa classe de 30 élèves, 5 à 10 exprimaient régulièrement des propos racistes. Le reste des élèves se taisait, par peur et par passivité.

Simon a démissionné,début mai 2017, à cause de ce racisme et du fait que par sa résistance et ses protestations, il s’est trouvé de plus en plus mis à l’écart des autres et dit avoir passé de très mauvais moments, sans préciser lesquels exactement.

La semaine dernière seulement, Simon a publié des messages whatsapp d’un groupe d élèves-policiers de son école. Apparaissent des messages racistes datant du 1er janvier, dont le texte d’une chanson de supporters de foot nazis… Pour Simon, ces textes whatsapp traduisent exactement l’état d’esprit de ces futurs policiers du Land de Saxe. Ce sont eux qui régleront l’ordre… et ce sont leurs instructeurs fascistes qui le règlent actuellement. Voilà qui donne froid dans le dos et inspire de réelles inquiétudes quant à l’avenir tout proche de l’Allemagne… et de l’Europe.

Mais pourquoi ce long délai d’un an et demi entre la démission de Simon Neumeyer et la publication de ces messages ? En réalité, le jeune homme en a parlé avec des personnalités de la TV et une députée de gauche, Martina Renner. Mais ils tardaient beaucoup trop à évoquer publiquement le problème, à son goût. Il s’est donc décidé à prendre la parole tout seul.

Bien sûr, beaucoup de réactions violentes ont fusé contre lui : salisseur de nid, traître,… pédé ! Mais aussi des remerciements et des messages de soutien, malgré tout.

Simon Neumeyer veut mettre ses déjections sous le nez du chien, si l’on ose dire (on ose). La Saxe est malade, et elle risque de le devenir encore bien davantage si personne ne réagit. Nous réagissons. La police d’un pays qui se veut démocratique a une responsabilité particulière. Elle doit se rendre capable de l’assumer, si elle ne l’est pas encore – ou plus. Simon a tiré les conséquences qui s’imposaient, avec un grande acuité.

Nous appelons les hommes dans ce même genre de situations à montrer la même fermeté d’esprit que lui.

(Une interview de Simon Neumeyer est à lire dans le média allemand bento)

 

 

 

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