Rhin Supérieur : 6 millions d’habitants, des chances et des problèmes !

Une région unie et pourtant, très diversifié et ce, à tous les niveaux. Mais l’avenir du Rhin Supérieur passe par des perspectives communes.

Le Rhin (comme ici à Breisach) n'est plus une "frontière" naturelle, mais l'élément de jonction entre les sous-régions du Rhin Superieur. Foto: Norbert Blau Luftfahrer / Wikimedia Commons / GFDL

(Par Alain Howiller) – Il m’arrive souvent de penser à cette phrase qu’on prête à Benjamin Disraeli, Premier Ministre britannique de l’ère victorienne ! «Il y a le mensonge, le sacré mensonge et la… statistique !» Un propos bien de son temps, alors que nous avons connu, surtout ces dernières décennies, une évolution spectaculaire de l’outil statitsique dont -c’est banal de le dire aujourd’hui- on ne pourrait plus se passer. La dernière parution (N° 50) de «Chiffres pour l’Alsace», publication de la Direction Régionale de l’INSEE (Institut National de la statistique et des Etudes Economiques-1) nous en apporte une preuve de plus : elle a consacré une étude à l’espace du «Rhin Supérieur», cette «Eurorégion» qui regroupe le Pays de Bade, l’Alsace, la Suisse du Nord-Ouest et le Palatinat du Sud, soient 6 millions d’habitants ! Est-il utile de rappeler ici que c’est un espace nourri par le Rhin et sa généreuse nappe phréatique, cerné par les Vosges à l’Ouest, la Forêt Noire à l’Est et une partie du Jura au Sud ? Une région géographiquement cohérente, à personnalité forte, mais qui cultive de fortes disparités notamment sur les plans démographique et économique.

Le plus peuplé des territoires est le Pays de Bade (2,4 millions d’habitants, soit 41% de l’ensemble), suivi de l’Alsace (1,85 millions d’habitants soit 31% du total), de la Suisse du Nord-Ouest (1,4 million d’habitants, soit 23%) et le Palatinat du Sud (300.000 habitants, soit 5% de la population de l’Eurorégion). Si la densité du nombre d’habitants au kilomètre carré est en moyenne de 279, elle comporte d’importantes disparités entre la partie suisse (389 habitants au km2), le Pays de Bade (301 habitants au km2), l’Alsace (225 au km2) et le Palatinat du Sud (199 au km2).

Risques démographiques et vieillissement au Pays de Bade – L’Alsace et la Suisse du Nord-Ouest sont les plus dynamiques sur le plan de la croissance démographique, mais le vieillissement de la population du Rhin Supérieur est général, même s’il montre, là encore, des disparités : en vingt ans, le nombre de personnes agées de 65 ans et plus a passé de 731.400 à 1.071.300, ce vieillissement marquant davantage le Pays de Bade et le Palatinat que l’Alsace ou la Suisse du Nord-Ouest. D’ici à 2030, la part de la population des 65 ans et plus sera de 28,1% au Palatinat du Sud, de 26,8% au Pays de Bade, de 23,7% en Suisse du Nord-Ouest et de 23% en Alsace.

Toujours sur le plan démographique, on constate que l’Alsace, qui affiche le taux le plus bas de population âgée mais qui emploie aussi le taux le plus bas pour l’occupation des seniors, enregistre -comme la Suisse du Nord-Ouest- un excédent conséquent de naissances sur les décès, alors que le Pays de Bade, frappé par un repli significatif des naissances, ne peut compter que sur l’immigration (ou l’apport des travailleurs frontaliers) pour nourrir son développement économique. C’est vrai, du reste, aussi pour la Suisse du Nord-Ouest qui peut compter sur un développement jusqu’ici très élevé, mais combiné, en plus, à un solde largement positif du nombre des naissances ! Au Palatinat du Sud, c’est un solde migratoire, lié davantage à des mouvements résidentiels (notamment retraités) qu’à un souci de réponse aux besoins de l’économie, qui compense une croissance démographique déficitaire !

La Suisse a besoin d’immigrés ! – Sans vouloir continuer à publier des séries de chiffres rébarbatifs, l’observateur peut tirer quelques constats des données publiées par l’INSEE. Les conclusions ne pêcheront sans doute pas par un excès d’originalité, mais elles mettront l’accent sur des tendances à prendre en compte. D’abord, il est important de constater, dans le prolongement de la récente votation populaire tendant à limiter l’immigration, que la Suisse du Nord-Ouest, malgré un croît naturel favorable, a eu besoin des immigrés pour nourrir sa croissance économique ! Elle a utilisé l’immigration «permanente», mais aussi «ponctuelle» sous la forme d’un recours au travail des frontaliers.

Ce recours pose d’ailleurs un certain nombre de difficultés aux régions-partenaires dans l’Eurorégion : au Pays de Bade, l’évolution régulière du nombre de travailleurs allemands (34.600 en 2013) se rendant en Suisse, contribue à tendre la situation de manque de main d’oeuvre ressentie par le marché de l’emploi !

Quel avenir en Alsace ? – En Alsace, par contre, la régression du nombre de frontaliers se rendant en Suisse (où ils étaient 30.320 en 2013) ou en Allemagne (25.500, soit 10.650 de moins qu’en 1999) pose un certain nombre de problèmes, alors que la montée du chômage (taux de chômage de près de 10% et -1,3% entre 2002 et 2012 de l’emploi des salariés entre 15 et 64 ans) pèse sur la région. Celle-ci doit faire face à une population jeune, à un taux d’emploi des seniors (55 ans et plus) le plus bas de l’Eurorégion.

Une relance de la croissance dont on perçoit enfin quelques signes en Alsace conjuguée, et une relance du mouvement des travailleurs frontaliers sont indispensables pour provoquer un rebond du marché du travail sur les bords du Rhin. A l’heure où la Région Alsace a engagé un travail de réflexion sur son avenir à l’horizon 2030, on n’évitera pas un questionnement sur ces points. Avec, en arrière-plan, cette interrogation émergeant des «groupes de réflexion Alsace 2030» : l’Alsace peut-elle limiter ses ambitions à être un réservoir de main d’oeuvre pour les autres parties de l’Eurorégion ? La question est bonne, mais quelle réponse y apportera-t-on?

(1) Les publications de l’INSEE sont consultables sur le site www.insee.fr/alsace !

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste