Accueillis au nom de Zeus… ou pas ?

Par ces temps de pandémie, mieux vaut être un citoyen grec de plein droit qu'un réfugié aux abois...

Réfugiés irakiens et syriens, arrivant à Lesbos. Foto: Ggia / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Il est indéniable que, par ces temps de pandémie, la population grecque s’en tire bien. Cela autant grâce à l’action précoce du gouvernement Mitsotákis (ND), que par des solidarités et un sens des responsabilités dont la Protection Civile grecque rend compte dans un clip créé pour la circonstance. Vidéo s’achevant par : « Quand tout sera terminé, peut-être qu’on ne s’en souviendra pas seulement comme d’un mauvais moment, mais plutôt comme du jour où on s’est dit : Regarde comme on peut être bons. Et alors, peut-être que tous auront à apprendre sur nous, de nous, les Grecs ».

Mais il est une population en faveur de laquelle le gouvernement conservateur n’a pris de mesures conservatoires : les réfugiés. Ils sont, selon les termes du Père Maurice Joyeux de « Jesuit Refugee Service (JRS) », restés dans l’angle mort de la lutte contre la pandémie. Un angle mort dans lequel s’engouffra à Lesbos une minorité agissante d’insulaires fascisants, provoquant ainsi le départ de nombreuses organisations humanitaires qui y opéraient. Ce que MSF (Médecins sans Frontières), demeurée heureusement sur place, dénonçait dès le mois d’avril. A Moria, le plus grand camp de réfugiés d’Europe, initialement prévu pour accueillir 2.800 demandeurs d’asile, en comptait alors 20.000. Ce qui se traduisait, entre autres, par un WC pour 167 personnes et une douche pour 242 personnes. Pour ce qui est de la couverture sanitaire, les ONG dénombraient début avril deux médecins et trois infirmières pour tout le camp.

Il faut savoir qu’en Juillet 2019, quatre jours après son arrivée à la tête du gouvernement, le premier ministre Kyriákos Mitsotákis a supprimé le numéro d’identification sociale pour les migrants, les privant ainsi de l’accès aux services de santé. Depuis, une loi votée en décembre 2019 et appliquée en avril 2020 instaure un nouveau système ne couvrant que les demandeurs d’asile enregistrés et les personnes l’ayant obtenu. Les arrivants et les pré-enregistrés n’ont alors aucune couverture, déplorait au mois d’avril Apostolos Veizis, directeur de MSF Grèce. Ainsi, autant les mesures prises pour protéger la population grecques ont été particulièrement efficaces, autant celles décidées pour les réfugiés se sont avérées particulièrement discriminatoires.

Le 22 avril, Human Right Watch disait clairement, à propos des réfugiés, que la négligence du gouvernement mettait des vies en danger. Actuellement, 100.000 demandeurs d’asile sont bloqués en Grèce, les îles proches de la Turquie accueillant plus de 36.000 personnes dans des structures prévues pour 6.100. Dans l’Antiquité, l’hospitalité était un rituel par lequel on rendait hommage à Zeus. Il est bien évident qu’aujourd’hui, les Grecs ne peuvent assumer à eux seuls l’accueil des réfugiés arrivant sur leur sol. La solidarité européenne doit s’exercer pleinement, mais avant cela, il serait opportun de ne pas considérer comme des sous-citoyens ces envoyés de Zeus venus en majorité par la mer, à l’instar d’Ulysse et de ses compagnons…

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