Cuba : tous vaccinés d’ici fin 2021 !

La recherche vaccinale progresse à Cuba et les premières vaccinations sont en cours.

Les cinq vaccins cubains, dont deux sont actuellement en phase III des essais cliniques. Foto: Courtesy Leyde Ernesto Rodríguez Hernández

(Jean-Marc Claus) – La culture vaccinale est profondément ancrée dans l’esprit de la population cubaine. Héritage direct de la Révolution qui, en 1959, après deux ans de guérilla, fit accéder cette quasi colonie étasunienne à la souveraineté, la généralisation de la vaccination a permis d’éradiquer de nombreuses maladies infectieuses dont beaucoup déciment encore aujourd’hui, les populations des pays d’Amérique Latine.

Comme le dit Leyde Ernesto Rodríguez Hernández lors d’un entretien réalisé pour Eurojournalist(e) : « La bataille de la Covid-19, n’est pas la première menée par Cuba contre une maladie infectieuse. Les carnets de vaccination sont régulièrement mis à jour, et comptent autant que les papiers d’identité. ». L’intérêt général prévaut ici sur le chacun pour soi. Donc, accès aux soins pour tous, mais par ailleurs, hors de question que des individus, arguant de leur libre arbitre, contaminent leurs concitoyens.

Toujours selon notre contact, la recherche vaccinale est l’un des fers de lance de la médecine cubaine : « A Cuba, nous développons depuis très longtemps, les outils permettant la recherche et la production de vaccins. Vaccins que nous mettons à disposition de notre population, mais que nous apportons aussi à des pays pauvres. Les centres de recherche et les unités de production sont opérationnels. Nous sommes en mesure de produire localement 60 à 70% des médicaments dont nous avons besoin. ».

Face au récent durcissement du blocus étasunien, dont le pays est victime depuis 1962, les Cubains doivent d’abord et avant tout compter sur eux-mêmes, ainsi que sur leurs propres ressources. Cet embargo, encore plus honteux en période de pandémie, ne leur a pas facilité la tâche : « Le développement rapide et la production de ces nouveaux vaccins, ont nécessité beaucoup de sacrifices, notamment pour obtenir certaines matières premières, mais c’est une priorité pour les autorités en charge de la santé. ».

Actuellement, à Cuba, toute personne testée positive est orientée vers un centre de santé, et mise en observation durant une quatorzaine obligatoire. Les individus présentant des symptômes sont, selon leur niveau de gravité, dirigés vers le système hospitalier. La jeunesse est dans son ensemble mobilisée pour participer à des actions de prévention et de soutien : « A l’ISRI, où j’enseigne, des étudiants se portent régulièrement volontaires pour des missions auprès de la population et dans les centres de santé. Cela fait partie de leur formation de citoyens, et nous les y aidons. ».

Actuellement, les chercheurs du Finlay Vaccine Institute (FVI) travaillent sur les vaccins « Soberana » se déclinant en versions 01, 02 et Plus. Le « Soberana Plus », premier au monde de ce type, sera réservé aux personnes ayant déjà contracté la Covid-19, mais ne possédant pas, après cet épisode infectieux, suffisamment d’anticorps. Le Centre d’Ingénierie Génétique et de Biotechnologie (CIGB) développe les vaccins « Abdala » et « Mambisa », ce dernier ayant la particularité de s’administrer aussi en pulvérisation via la muqueuse nasale. Il sera réservé aux enfants et aux personnes fragilisées par l’âge ou des pathologies très invalidantes.

Ces quatre vaccins fonctionnent sur un schéma similaire. Ils se basent sur le « Receptor Bindig Domain » (RBD), partie de la protéine Spike assurant la liaison du virus avec les cellules cibles. C’est le contact avec une protéine du RBD introduite dans un vaccin, qui génère la plus grande quantité d’anticorps neutralisants.

Le « Soberana 02 » est un vaccin conjugué, associant le RBD à l’anatoxine tétanique, afin de renforcer la réponse immunitaire. Les vaccins « Abdala » et « Mambisa » insèrent des informations génétiques dans la levure « Pichia Pastoris ». Ils s’appuient sur les excellents résultats obtenus par le CIGB, avec ses vaccins contre l’hépatite B, utilisés à Cuba depuis 25 ans.

Le « Mambisa » contient également une partie de protéine du virus de l’hépatite B, afin de stimuler d’autant plus le système immunitaire. Par ailleurs, tous ces vaccins ont l’avantage de se conserver entre 2°C et 8°C. Le 5 avril dernier, « Soberana 02 » et « Abdala » en phase III des essais cliniques (évaluation efficacité et bénéfices/risques), sont passés à l’étape de l’injection de la seconde dose.

Pour Leyde Ernesto Rodríguez Hernández, le processus est en bonne voie : « A La Havane, 150.000 agents de santé de première ligne et 1,7 million d’habitants achèvent actuellement leur parcours vaccinal sans incidents. Nous comptons d’ici août, atteindre les 6 millions de Cubains vaccinés, et pour décembre 11 millions, soit la quasi-totalité de la population. ». A titre de comparaison avec les pays européens, Cuba et le Portugal ont quelques similarités en termes de superficie, de nombre d’habitants et de culture vaccinale.

En 2020 l’économie du tourisme a été fortement impactée par la pandémie. Seulement un million de voyageurs est arrivé sur l’île, soit 22% du nombre attendu pour l’année. L’extension de la pandémie aux Amériques a aussi provoqué confinement et ralentissement de l’économie à Cuba. En janvier et février 2021, les arrivées de touristes ont chuté de 95,5%, par rapport à l’année précédente. S’il importe aussi au gouvernement cubain de relancer cette locomotive de l’économie, la protection de la population passe néanmoins au premier plan, ainsi que la mise à disposition des vaccins cubains à des pays pauvres, sans spéculation sur leurs coûts.

Selon notre contact, les chercheurs cubains du CIGB travaillent aussi avec des instituts chinois, sur un vaccin appelé « Pan-Corona », conçu pour être efficace contre différentes souches du coronavirus. Utilisant des parties du virus non exposées à des mutations, il devra être en mesure de combattre tous les variants. Anticipant sur la possible installation du SARS-CoV-2 et de ses déclinaisons dans le paysage épidémiologique mondial, ces recherches sont conjointement menées afin de disposer à terme, d’une sorte de « vaccin couteau suisse ».

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