De l’ultraviolence de certains adolescents

Expliquer, n’est pas déjà vouloir un peu excuser, et seulement condamner, n’est pas en soi une réponse pleinement suffisante.

Les scènes de crime impliquant des mineurs, qui tendent à se multiplier dangereusement, ne sont pas un phénomène de mode. Foto: Kate Wilcox / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Si la relation de faits divers en tant que tels, n’entre pas dans la ligne éditoriale d’Eurojournalist(e), la réflexion quant à leurs tenants et aboutissants fait partie intégrante de son ADN journalistique. Ainsi, les derniers événements publics d’une grande violence, ayant, en divers lieux tant en France qu’en Allemagne, impliqué des mineurs et/ou des jeunes majeurs, sont particulièrement préoccupants.

La violence poussée à l’extrême et l’effet de meute, semblent caractériser les derniers épisodes tragiques, ayant pour conséquence la mort de leurs victimes. Des scènes de lynchage et d’agressions mortelles de jeunes par des jeunes, qui induisent dans leur classe d’âge, effroi sur le moment et peur continuelle. Quant aux autres strates de la pyramide des âges, rien ne permet à ce jour d’évaluer l’impact de tels actes de barbarie, mais il n’est évidemment pas sans effets.

En 2008, le psychiatre et psychanalyste Jacques Miermont énumérait huit paramètres pouvant contribuer à la survenue chez l’adolescent, de violence dirigée contre lui-même ou contre autrui. Seize ans plus tard, il n’en est pas un qui malheureusement, ne soit plus d’actualité. Le premier, relatif à la nécessité pour le jeune, de subvenir à ses propres besoins, questionne encore plus aujourd’hui qu’à l’époque, car les conditions favorables à cette prise d’autonomie sont, de par les multiples crises traversées, encore moins effectives.

Il est un autre paramètre pointé par Jacques Miermont qui, au risque de faire grincer les dents longues de certains, ou à d’autres pousser des cris d’orfraies et verser des larmes de crocodiles, met en évidence la défaillance des processus éducatifs durant l’enfance, reliée à l’éclatement de la relation avec l’autorité et la fragilisation du lien social, ainsi que l’acculturation dans une société en pleine mutation culturelle. Une analyse qui, isolée de son ensemble, serait propre à faire les choux gras de l’extrême-droite pétainiste, et que l’extrême-gauche hamas-compatible va évidemment rejeter !

Deux officines populistes, qu’il convient urgemment de renvoyer dos à dos, l’une n’ayant pas d’autres projets plus constructifs que celui « de pendre les curés avec les tripes des patrons », et l’autre « d’étouffer les journalistes avec les viscères des scientifiques ». Or, le résultat de l’analyse du scientifique Jacques Miermont, qui se positionne toujours en chercheur, n’a pas à être instrumentalisé à des fins bassement politiques, si l’on veut qu’il contribue à tirer la société vers le haut.

Ce qui, lorsqu’on met en perspectives les derniers événements d’ultra-violence, change terriblement par rapport à 2008, est que le risque de se faire tuer ou de se tuer, devient au moins égal, sinon plus important, dans la sphère publique que privée. Terriblement en ce sens que, si toute agression violente et tout homicide doivent être condamnés sans réserves, la survenue de ces faits dans le domaine public, dit quelque chose de l’état d’esprit de certains jeunes, et génère des angoisses supplémentaires chez les autres.

La personnalité de l’être humain, construite dans la crainte continuelle et les traumatismes violents, en est impactée à vie. Même si des thérapies peuvent, fort heureusement, aider à dépasser à titre individuel ces vécus destructeurs, la société en reste globalement malade. Une société qui, selon Jacques Miermont, a depuis les années soixante-dix, privilégié dans l’éducation des enfants l’autoréférence à l’hétéroréférence. Ce qui, du reste, n’a rien à voir avec le prétendu « esprit de jouissance » détruisant ce que le supposé « esprit de sacrifice » aurait édifié, selon le très pétainiste discours du 25 juin 1940.

L’autoréférence dont parle Jacques Miermont, renvoie à l’idée d’éduquer des enfants et donc à construire des adultes, en leur laissant croire qu’étant le nombril de leurs propres mondes, ils sont de facto le nombril du monde. Une escroquerie monumentale, à laquelle participe la technologie via le web en open bar et les réseaux prétendus sociaux. Des outils qui deviennent, pour les enfants de parents démissionnaires et/ou inconscients, les nourrices que furent une génération plus tôt, la télévision et le lecteur de cassettes VHS.

Jean-Marie Vilain, le maire de Viry-Chatillon, très affecté par le décès du jeune Shamseddine suite à un tabassage, disait avant-hier qu’il faut apprendre aux enfants quand ils sont jeunes, qu’il y a le bien et le mal, que le mal, on n’a pas et le droit de le faire et que le mal, quand on le fait, on est puni (sic). Des propos, tout comme l’analyse de Jacques Miermont, instrumentalisables à des fins de basse politique, évitant subséquemment de questionner, tant ceux à la base (les parents et figures parentales) que ceux au sommet (les autorités et figues d’autorité) de la fabrique des citoyens, tendant malheureusement à devenir la fabrique des abrutis…

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