Écrire la psychiatrie

Retour sur des interventions en fil rouge, lors du Colloque Soignant 2023 intitulé « Adoulescents en crise », tenu à l’EPSAN les 7 et 8 novembre 2023.

Lecture de la vignette clinique « Je suis bipolaire ! », avec au second plan de gauche à droite Ingrid Ullmann, membre du CROC et modératrice du colloque, Brice Mendes et Floriane Bischoff de l’association l’Étage. Foto: Marine Zimmermann, Chargée de communication / EPSAN

(Jean-Marc Claus) – Lors du Colloque Soignant qui s’est tenu à l’EPSAN (Établissement Public de Santé Alsace Nord) les 7 et 8 novembre derniers, j’ai été, par le Comité de Ressources et d’Organisation de Colloques (CROC), invité à intervenir en fil rouge, pour y lire des vignettes cliniques issues de la série publiée sur mon compte LinkedIn, sous le titre «  Psyché & Déclic  ». Une très belle expérience que je ne suis pas près d’oublier, permettant notamment d’accroître la visibilité de cette démarche démarrée le 18 juin 2020 et qui devrait se conclure lors de mon départ à la retraite à l’automne 2024.

Devrait, car le seul invariant en psychiatrie est que, tant dans la réalisation du soin que dans sa conceptualisation, il n’y a jamais d’absolue certitude. Ceci n’étant en rien un motif pour renoncer à entreprendre quoi que ce soit, mais pouvant justement s’avérer un puissant stimulant, incitant alors à relever des défis. Sorte de testament professionnel, cette série de textes publiés chaque jeudi cinquante semaines par an, a aussi pour vocation de souligner l’importance de la chose écrite, dans la transmission et l’acquisition des connaissances.

Comme pour la bicyclette, le soin psychiatrique s’apprend en le pratiquant, mais ce qui permet de le conceptualiser, s’acquiert par la lecture, non par l’écoute de podcasts ou le visionnage de vidéos. Ceci n’excluant pas le recours à ces supports, en complément d’une démarche devant prioritairement passer par la confrontation à la chose écrite, même si la lecture de textes rédigés parfois par des vieilles barbes universitaires ou non, s’avère infiniment moins affriolante qu’un film ou un enregistrement sonore.

Depuis le temps des aliénistes aux XVIIIe et XIXe siècles, jusqu’à notre époque où la multiplication des courants de pensée émergée au XXe siècle, tend à se faire laminer par les tenants du DSM, la connaissance en psychiatrique s’est essentiellement transmise par écrit. Il est à plus d’un titre souhaitable que cela ne change pas, notamment car rien ne peut mieux que ce rapport singulier à la pensée d’un auteur, conduire le lecteur à la réflexion. Puisque c’est bien de cela dont il est question  : acquérir et renouveler un corpus de connaissances, afin d’alimenter et d’affiner une réflexion personnelle.

Le texte imprimé sur le papier, ou diffusé via un support numérique, impose premièrement le silence indispensable à sa pleine découverte. Recelant le plus souvent plusieurs niveaux de lecture et de compréhension, il nécessite alors des relectures. Celles-ci ne sont jamais des pertes de temps, car c’est là que s’engage une sorte de dialogue, entre la pensée de l’auteur et celle du lecteur, avec pour conséquence systématique, l’enrichissement de ce dernier. Il ne s’agit pas tant d’être totalement d’accord avec l’auteur, acte militant pouvant alors devenir imbécile, que de développer sa propre pensée, par la confrontation à celle d’un tiers.

Le tiers, élément reconnu comme indispensable pour trianguler la relation, afin qu’elle ne s’enferme pas dans une dualité mortifère, est aussi nécessaire dans la conceptualisation du soin. La chose écrite renseigne, enseigne, suggère, arbitre et en somme, assure ce rôle de garde-fou terriblement nécessaire dans les relations humaines. A plus forte raison lorsqu’il s’agit de soigner, car s’engager sans connaissances ni réflexion, sur le terrain par nature instable des troubles psychiques, conduit à des errances aboutissant invariablement au chaos.

Opter pour la démarche hasardeuse consistant à soigner, en s’économisant l’acquisition et le renouvellement d’un corpus théorique, revient à faire avec le patient du parachutisme en tandem… sans parachute. C’est pourquoi il incombe aux praticiens du soin d’écrire la psychiatrie afin de participer tant à la transmission des savoirs aux professionnels, qu’à la déstigmatisation des troubles psychiques auprès du grand public. Les colloques tels que ceux organisés par le CROC à l’EPSAN, sont de très bons moyens d’arriver à ces fins. Je remercie leur comité de pilotage de m’y avoir invité cette année, et ne peux que souligner leur absolue nécessité.

Comité de Pilotage du CROC de l’EPSAN :

Aurélie Bernhard et Morgane Gast : Adjointes administratives
Kathia Frech : Directrice des soins
Pierre Gapp et David Martin : Cadres de santé
Inès Moussaoui : Cadre de santé faisant fonction
Gilles Haar, Sylvie Reymund et Ingrid Ullmann : Cadres supérieurs de santé
Christelle Risch : Praticien hospitalier
Marine Zimmermann : Chargée de communication
Juliane Kasprzak : Infirmière en pratique avancée

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