Voitures-radar privées… de quoi ?

Les voitures-radar privées arrivent dans le Grand Est, mais se faire verbaliser n'est pas une fatalité.

Le respect du Code de la Route relève du sens des responsabilités et non du conformisme. Foto: J.J. Roussau 1930 / Propre Travail / Wikimedia Commons / PD Mark

(Jean-Marc Claus) – C’est sur les rails, ou plus exactement en route depuis 2018. Nous savons maintenant qu’à l’horizon 2021, le Grand-Est y aura droit : les voitures-radar privées arrivent ! Plusieurs quotidiens régionaux ont relayé l’info fin Octobre ; nous n’y échapperons donc pas. Mais pourquoi partir d’un présupposé si négatif ? Sommes nous vraiment tous, conducteurs d’engins motorisés, appelés à subir d’inévitables verbalisations ? Peut-être que non, si tant est que chacun d’entre nous fasse preuve d’une certaine finesse.

Il importe de premièrement revenir aux fondamentaux. La puissance publique donne en sous-traitance à des sociétés privées, une partie de ses missions régaliennes. Pas toutes, fort heureusement, mais pas les moindres, même si elles peuvent le paraître, car comptant au nombre des prérogatives mineures des États. Pourtant, si dresser un procès verbal pour stationnement non réglementaire, ou excès de vitesse, semble infiniment moins important que de rendre la justice dans une affaire criminelle, ou d’organiser une opération d’exfiltration d’un pays tiers, la question du « Qui fait quoi, pourquoi et comment ? » n’est pas insignifiante.

La privatisation des amendes de stationnement a déjà démontré son caractère lucratif pour les sociétés privées auxquelles elle est déléguée. A Paris comme à Strasbourg, le marché est porteur. Quand l’impératif de faire du chiffre n’est plus confié à des fonctionnaires jouissant de la sécurité de l’emploi, mais à des salariés de droit privé jouissant en fait de très peu de droits, la rentabilité revêt pour ces derniers un caractère vital. Peut-on les en blâmer ? Certes non, mais participer au déclin et même à la disparition des sociétés qui les emploie, oui. Mais alors, n’est-ce pas là mettre leurs emplois en péril ?

Biais cognitif basique dont usent et abusent ultra- et néolibéraux, pour qui le chantage à l’emploi n’a plus aucun secret, la disparition de sociétés privées sous-traitant des missions régaliennes des États ne signifie pas chômage, mais recrutement. Recrutement au sein des services publics pour assurer ces mêmes missions et d’une façon souvent bien plus juste. D’où accroissement de la dépense publique, crieront alors ces tartufes capitalistes pour qui la dite dépense publique est une manne céleste à laquelle ils sont habitués depuis tant d’années.

Des infractions au code de la route, il y en aura toujours et des verbalisations aussi. Mais, si dès à présent, une majorité d’usagers de la route se comporte de manière exemplaire, les entreprises privées escomptant des retours sur investissement en croissance exponentielle, vont être mortellement touchées. En l’espèce, à la violente inhumanité du capitalisme, opposons la capacité humaine à se faire violence pour respecter des lois n’ayant rien d’éthiquement contestables.

Tout est d’abord question de prise de conscience individuelle et de volonté collective. Inutile d’aller faire tous les samedis le barouf en gilets fluos. En empêchant tout simplement et très pacifiquement, une société privée à vocation punitive d’engranger suffisamment de bénéfices pour assurer sa survie, nous pouvons mettre en échec l’une des multiples ramifications des puissances d’argent. Les populations du Grand Est peuvent le démontrer, par un comportement majoritairement exemplaire sur la route, associant civisme et intelligence. Quand les voitures-radar privées ne seront plus rentables, elles disparaîtront tout simplement.

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