Fernando Simón : l’homme à abattre !

Sur le pont depuis bien avant l'arrivée de la pandémie de Covid-19 en Espagne, le Dr Simón devient pour certains, l'homme à abattre...

Chercheur et pédagogue, le Docteur Simón ne ménage pas sa peine pour expliquer et prévenir. Foto: Ministerio de Sanidad de España / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – En cette période de pandémie virale suscitant la résurgence de peurs ancestrales, la libération d’une parole sans filtre particulièrement meurtrière semble être le pendant de l’obligation imposée aux citoyens de porter des masques. Quand certains médecins font leurs shows médiatiques, tels Didier Raoult en France et Anders Tegnell en Suède, d’autres se voient exposés à la vindicte populaire, tels Christian Drosten comparé en Allemagne au nazi Josef Mengele et en Espagne Fernando Simón, qui est depuis début juillet la cible d’une campagne de dénigrement particulièrement acharnée.

Apparaissant régulièrement aux côtés du Ministre de la Santé  Salvador Illia (PSC) lors de ses conférences de presses, le docteur Simón a d’abord été vilipendé sur les réseaux sociaux au motif que dans un article d’El País Semanal, il apparaissait sur la moto avec laquelle il se rend quotidiennement à son travail. Un économiste suivi par suivi par 117.000 abonnés sur Twitter le qualifiait de Mengele et prétendait que le célèbre journal se livrait à une opération de ripolinage envers celui qu’il estimait incapable d’avoir évité des milliers de morts. Javier Negre, le journaliste préféré de Vox, le parti d’extrême droite, s’en est alors donné à cœur joie, mais pas que lui.

Fin juillet, alors que les foyers infectieux reprennent de plus belle c’est la « Mesa del Turismo », association représentant un nombre très important de professionnels, qui demande la démission immédiate du docteur Simón au motif qu’il aurait « célébré » la ruine d’un secteur représentant plus de 12,5% du PIB et 13% des emplois du pays. Tout cela parce qu’il a estimé que les touristes belges auxquels leur gouvernement demande de ne pas aller en Espagne, feront bien en restant chez eux. Idem pour les touristes anglais auxquels, lorsqu’ils ont séjourné en Espagne, il est imposé une quatorzaine avant de rentrer au pays. Vincente Vallés, présentateur d’Antena 3 Noticias, en a immédiatement remis une couche disant que les propos de Fernando Simón vont exactement à l’encontre des efforts des Ministres des Affaires Étrangères et du Tourisme.

Il semblerait qu’en Espagne, certains pensent qu’en brisant le  thermomètre, ils feront retomber la fièvre. Des comportements observés également outre-Atlantique chez deux présidents de deux très grands pays. Ici, le thermomètre est un épidémiologiste qui s’est distingué sous le Gouvernement Rajoy (PP) lors de la Crise Ebola en 2014. Le changement de majorité en 2018 ne lui a pas coûté son poste de directeur du Centro de Coordinación de Emergencias y Alertas Sanitarias (CCAES) qu’il occupe depuis 2012.

Sa carrière d’épidémiologiste, le docteur Simón ne l’a pas faite dans les cabinets des ministères, mais sur le terrain, en Afrique et en Amérique Latine. D’où sa présentation non conventionnelle quant à la vêture, la coupe de cheveux et l’attitude. Mais on ne peut en aucun cas lui reprocher l’arrogance et la suffisance observées chez d’autres scientifiques lors de la crise Covid-19. Victime lui-même du virus fin mars, et confiné durant deux semaines, il a aussi connu la maladie en tant que patient.

S’attendant à des pandémies depuis le début du 21eme siècle, Fernando Simón et ses collaborateurs du CCAES ont fait face avec succès à l’arrivée d’Ebola sur la Péninsule Ibérique en 2014. Il y eut des contagions, mais pas de morts. Rien de comparable avec la Covid-19. Ainsi, lorsqu’il affirme « Nous savons qu’il y a des gens qui montent dans les avions pour arriver en Espagne avec une symptomatologie », et à propos de décisions des gouvernements britannique et belge : « D’un point de vue sanitaire, ces décisions nous aident, et c’est un risque qu’elles nous épargnent », c’est le médecin qui parle.

Fernando Simón n’est pas un politique, mais il devient la cible d’un procès médiatico-politique au cours duquel la droite et l’extrême droite, relayés par les réseaux sociaux et certains médias, se plairaient à faire tomber le gouvernement de coalition de gauche dirigé par Pedro Sánchez. Quid des citoyens et des malades pris en otages par cette stratégie particulièrement odieuse ? En Espagne, comme en France et dans d’autres pays, certains politiques n’ont pas d’autres buts que leurs ambitions personnelles, fût-ce au prix de cadavres…

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste