#FreeFariba : Achoura, gloire et larmes

C’est la quatrième fête d’Achoura que la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah passe en captivité depuis son arrestation début juin 2019 à Téhéran.

Les pleurs versés à cette occasion lors de différents rituels, ne sont pas des larmes de crocodiles. Foto: Payam Moein / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Cette année, la fête d’Achoura, célébrée différemment chez les chiites et les sunnites, eut lieu il y a huit jours. Son nom venant de l’arabe « achara » qui signifie dix, renvoie au dixième jour de « muharram », premier mois du calendrier musulman.

Pour les sunnites, c’est un jour de jeûne se référant à la sortie d’Égypte du peuple d’Israël, sur lequel se sont greffés de nombreux événements et rituels dans la tradition prophétique. Pour les chiites, Achoura commémore le massacre par le calife omayyade Yazîd 1er de Husayn, fils dʿAli et petit-fils du Prophète Muhammad, de certains membres de sa famille ainsi que de ses partisans. Événement douloureux se déroulant dans la plaine de Kerbala où coule l’Euphrate, le 10 Muharram de l’an 61 de l’Hégire, c’est à dire le 10 Octobre 680 de notre ère.

Précédemment, en 657, eut lieu la Bataille de Siffin, également près de l’Euphrate, qui opposa à l’Omeyyade Muʿâwiya 1er et Ali le cousin, gendre du Prophète et 4ème Calife de l’Islam. De l’arbitrage mettant fin au conflit, naquirent le sunnisme reconnaissant le califat Omeyyade, le chiisme réunissant les partisans d’Ali et le kharijisme regroupant ceux n’ayant pas reconnu l’idée de l’arbitrage. Ces derniers formant un groupe dissident à forte tendance puritaine, est aujourd’hui représentés majoritairement par les ibadites concentrés sur le Sultanat d’Oman.

Suite à l’assassinat dʿAli en 661, les chiites firent allégeance à ses fils Hasan, puis Husayn. Vivant à Médine, pour éviter de faire allégeance aux Omeyyade, ce dernier se réfugia à La Mecque, asile inviolable. Il noua des contacts secrets avec l’opposition anti-omeyyade à Kûfa. Ville du Sud de l’Iraq où il fut invité en 680, ce en quoi le calife omeyade Yazîd ibn Muʿâwiya vit une tentative de coup d’État qu’il réprima en ordonnant à ses troupes d’assassiner Husayn, certains de ses proches et ses partisans, isolés en plein désert près de Kerbala.

En Iran, Irak, Azerbaïdjan, mais aussi dans des pays où comme au Liban, au Pakistan, en Turquie et en Ouzbékistan où les chiites sont minoritaires, différentes manifestations ont lieu pour commémorer et rejouer le martyre d’Al Husayn, des membres de sa famille et de ses partisans lors du siège de Kerbala. Processions, mortifications, représentations théâtrales rejouant le drame, tout est fait en grand, notamment le « taz’iyeh » retraçant l’épopée de la famille du Prophète, le martyre de l’imam Husayn à Kerbala et l’exil de sa famille à Damas.

La bataille de Kerbala a commencé par un siège, coupant l’accès à l’eau de l’Euphrate et la route de Kûfa à Husayn qui s’y rendait sans intention guerrière suite à l’appel de la population de la ville tyrannisée par le calife Yazîd ibn Muʿâwiya. Parti avec des membres de sa famille et une escorte minimaliste, le but de Husayn était de négocier, mais il s’en suivit le massacre qui scella ce jour là, la destinée d’une partie des musulmans et permet de comprendre aujourd’hui la rivalité entre chiites et sunnites.

Symbole de la résistance déterminée face à l’oppresseur, culte de l’opprimé et du martyre, Achoura constitue avec notamment la reconstitution des événements tragiques du 10 Muharram de l’an 61 de l’Hégire, un élément clef de l’identité tant spécifiquement iranienne que plus généralement chiite. Les pleurs versés à cette occasion lors de différents rituels, ne sont pas des larmes de crocodiles, car elles témoignent d’une réelle souffrance que le défilement des siècles n’a pas apaisé.

Comme le rappellerait très certainement Fariba Adelkhah, toujours privée de liberté pour des motifs fallacieux, si les chiites sont à l’origine de la création de la République Islamique d’Iran en 1979, les attentats du 11 Septembre 2001, Al-Qaïda, l’État Islamique, le wahabisme, le salafisme, sont des émanations du sunnisme. Ainsi convient-t’il de raison garder afin d’éviter de sombrer dans la stigmatisation et la condamnation tous azimuts.

La grande majorité des chiites et des sunnites, pour ne citer qu’eux, n’a pas d’autre ambition que de vivre paisiblement, mais l’instrumentalisation de la croyance à des fins politiques, conduit aux pires exactions, comme l’Histoire n’a jamais cessé de le démontrer. La grandeur du pouvoir de l’esprit, est trop souvent défaite par les manigances du pouvoir sur les esprits…

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