Harmonie du hasard et du bien

Harmonie au pré, dans les Hauts-de-France. Foto: Jennifer.

(Jean-Marc Claus) – Dans un contexte rendu par certains criminels particulièrement anxiogène pour le monde du cheval, Jennifer, rencontrée dans les Hauts-de-France, confie à une famille d’accueil Harmonie, une arabo-boulonaise âgée de trois ans. Une jument dont la beauté et l’histoire particulière nous renvoient, pour paraphraser la philosophe Simone Weil, à l’harmonie du hasard et du bien… Entretien.

Vous avez tout juste 18 ans, et vous parlez des chevaux comme une pro. D’où cette passion vous vient-elle ?

Jennifer : Mon intérêt pour l’équitation a débuté comme pour la plupart des gens, en lisant des livres et en faisant des visites dans des fermes et des centres équestres. Mais je considère que ma passion pour le cheval, et non pour seulement l’équitation, a commencé quand je me suis posée la question du bien-être animal vers mes 13-14 ans, soit quelques temps après mes débuts en centre équestre.

Quelles sont les circonstances particulières de votre rencontre avec Harmonie ?

Jennifer : Elle est née dans un élevage à viande, et à seulement 6 mois avait déjà un charme fou. En une photo, j’ai été conquise ! Notre première rencontre avait tout d’idyllique. Harmonie était tellement facile et adorable. Sur tout le troupeau, c’est la première à être venue me voir et la dernière à être restée jusqu’à mon départ. Son regard était tellement doux, je ne comprenais pas pourquoi personne ne l’avait déjà adoptée. C’est comme ça que j’en suis carrément « tombée amoureuse », et j’ai alors réuni les fonds nécessaires pour en faire l’acquisition.

Dans quel contexte lui avez-vous sauvé la vie une seconde fois ?

Jennifer : Après sa sortie de l’élevage à viande, l’année de ses 2 ans, elle est tombée gravement malade. Enchaînant piroplasmose et anaplasmose, les lourds traitements nécessaires ont eu d’inévitables conséquences sur sa croissance. Durant une semaine, avec une amie, nous lui avons administré ses médicaments par intraveineuses. C’était une battante, elle se laissait faire, mais plus les jours passaient, plus nous constations sa lassitude. J’ai beaucoup pleuré pour elle. Alors que nous la pensions sortie du tunnel, elle a contracté la maladie de Lyme. D’où un nouveau traitement au moins tout aussi lourd que les précédents. Son système digestif a été mis a mal et donc provoqué une accentuation des répercussions sur son développement. Nous nous sommes battues pendant près de trois mois pour lui faire reprendre du poids. J’ai un moment cru la perdre, car je voyais faiblir la lumière de son regard. J’avais la peur au ventre dès qu’elle était couchée au milieu du pré. Puis l’étincelle s’est rallumée, et sa prise de poids progressive fut notre plus grande victoire !

Certains aléas de la vie vous obligent maintenant à vous séparer de votre « fille », que va t-elle devenir ?

Jennifer : Malheureusement, la vie n’a pas toujours été tendre avec nous deux. Après un bon mois de recherches pour trouver la famille idéale répondant correctement à ses besoins, j’ai fini par la rencontrer. Harmonie est partie pour une meilleure vie, avec une famille qui aura beaucoup plus de temps à lui consacrer pour s’occuper d’elle, comme elle le mérite. C’est une jument qui a encore beaucoup de joie à partager, je pense que cette famille sera comblée.

Quel est à ce moment précis votre état d’esprit ?

Jennifer : C’était la meilleure décision à prendre, même si ça reste pour moi extrêmement difficile. La garder aurait été du pur égoïsme. Elle m’a permis de me remettre en question, et d’en apprendre beaucoup plus sur ce qu’est un cheval. Un cheval n’est pas une poupée de chiffons que l’on « travaille » pour notre plaisir personnel, et si ça ne va plus on s’en débarrasse d’une manière ou d’une ou autre. Non, c’est un être vivant qui mérite le respect et que l’on s’en occupe jusqu’au bout autant que possible. Si on ne le peut plus, il faut alors le reconnaître, l’accepter et savoir passer la main pour son bien être. Je suis reconnaissante envers toutes les personnes qui m’ont soutenue et me permettent de passer ce cap.

Merci beaucoup Jennifer pour vos réponses, et félicitations pour vos courageuses décisions.

Harmonie au pré, dans les Hauts-de-France. Photo remise par Jennifer.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste