Hongrie : Ça bouge à Budapest

Une manifestation de grande envergure contre la politique anti-sociale du Fidesz

Gergely Karacsony, codirigeant du mouvement écolo de centre-gauche, le Parti du Dialogue (Parbeszed) Foto: Dora Kapornai / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(MC) – Presque 10 000 personnes se sont rassemblées à Budapest samedi dernier. Le motif essentiel en était une protestation contre la réforme du Code du travail amorcée par Viktor Orbán et son gouvernement populiste et anti-populaire.

Car le problème est vaste.Un régime populiste aime-t-il le peuple ? Car il ne s’attaque pas seulement aux libertés (de pensée et d’expression, du système juridique), mais souvent aussi aux droits sociaux, et par conséquent, au bien-être des citoyens.

Les syndicats les plus importants de Hongrie dont LIGA,Vasasok, le puissant syndicat des métallos, les ouvriers et employés d’Audi Hungaria (nous avons rendu compte de leur grève dans un récent article), les cheminots, mais aussi les enseignants et les étudiants : toute l’éventail social du pays se retrouvait sur l’Avenue de la Constitution (Alkotmany utca), en plein centre de la capitale. Ces hommes et femmes issus des catégories les plus diverses protestaient contre les modifications que le parti Fidesz souhaite apporter au Code du travail. Inacceptable : ce projet étalerait sur 3 ans le calcule du temps de travail, et ferait éclater le nombre légal maximal d’heures supplémentaires. Cela ferait grimper à 400 le nombre d’heures supplémentaires. Le site alternatif Index a calculé que de cette manière, on imposerait 50 jours d’heures supp’ pour une seule année, ou bien le cas échéant, on restaurerait la semaine de 6 jours…

Or, les salariés hongrois travaillent beaucoup, nettement plus que dans la moyenne des pays européens : 40 heures par semaine. Traduit en clair : il s’agit de travailler plus pour gagner… un peu plus si on a de la chance, si l’entreprise est à même de payer, dans une conjoncture difficile, au bout de ce long tuyau de 3 années… Les syndicats qualifient donc ce projet de « loi esclavagiste ».

Incohérence savoureuse et révélatrice des contradictions que produit tout gouvernement populiste : c’est en évoquant les desiderata des entreprises allemandes que le fameux Péter Szijjártó, agitant sa cravate anthracite, a défendu la réforme Fidesz : selon lui, elles réclameraient cette réforme depuis bien longtemps ; raison pour laquelle selon lui, « les entreprises de Rhénanie du Nord-Westphalie qui ont investi en Hongrie saluent les propositions d’amendement du Code du travail par notre gouvernement. »

La propagande du Fidesz reprochait pourtant aux partis de gauche leur laxisme économique face aux« multinationales » ! Wotan le dieu borgne fait donc la pluie et le beau temps en Hongrie ? L’opposition de gauche et d’extrême-gauche proteste donc avec virulence contre cette soumission totale au libéralisme et contre cette atteinte caractérisée aux droits des ouvriers et des employés.

Les enseignants et les étudiants ont rejoint les travailleurs de l’industrie, par solidarité et parce que leurs conditions de travail ne sont point trop merveilleuses non plus : heures supp’ non payées, absence de plus en plus inquiétante de liberté pédagogique et académique,… L’organisation Szabad egyetem (Université libre) y fait figure de syndicat. Beaucoup de ses membres espèrent que le mouvement, qui regroupe toute la société hongroise, continuera de plus belle, qu’une grève débutera et s’amplifiera au fil de la lutte pour la défense des droits sociaux.

Mais il faudra réveiller les gens d’une certaine et assez lourde passivité induite par l’autoritarisme du parti au pouvoir. Beaucoup avaient en tête l’exemple obsessionnel des Gilets jaunes, et faisaient remarquer que ce qui se passe en Hongrie soulèverait une émeute gravissime dans des pays « démocratiques » tels que la France… Certains, rares, arborent même un gilet jaune. L’un des dirigeants de la gauche, Karácsony Gergely, se montre ainsi dans un post facebook du Parti socialiste hongrois, le MszP, où il proclame : « Nous allons faire dans les rues de Budapest ce qui réussit à Paris ! ». Mais Karácsony est venu sans son gilet jaune à la manifestation…

« Orbán, dégage !” , et « Liberté, démocratie ! », a-t-on entendu, ainsi que : « Sale Fidesz ! ».
Certains syndicats ont appelé à poursuivre le mouvement, et même, à bloquer les routes et les rues la semaine prochaine.

Contagion de l’exemple français… Il y a cependant assez peu de chances qu’un tel blocage se produise dans cette Hongrie de la démagogie et de la répression. Quels autres moyens cependant d’empêcher la « loi esclavagiste » de passer ?

 

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