Israël. L’agonie d’une démocratie.

Publié huit jours avant l’attaque terroriste du 7 octobre dernier, cet opuscule est un incontournable, pour qui veut mieux comprendre les faits, mais aussi tenter de se projeter, un tant soit peu, dans l’avenir.

Un petit livre à mettre entre toutes les mains. Foto: JMC / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Il faudrait vraiment être bas de plafond ou intellectuellement fourbe, pour taxer Charles Enderlin de gauchiste patenté. S’appuyant sur ses quarante quatre années de journalisme en Israël pour trois médias successifs, dont France 2 durant trente quatre ans, ses analyses que l’on peut qualifier de terrain, sont toujours dignes d’intérêt. Ainsi, lorsque huit jours avant l’attaque terroriste du 7 octobre dernier, est publié « Israël. L’agonie d’une démocratie. », la concordance des temps fait de ce livre un incontournable, pour qui veut mieux comprendre les faits, mais aussi tenter de se projeter, un tant soit peu, dans l’avenir.

Nous avons ici, à plusieurs reprises, souligné qu’à l’issue de la tuerie du 7 octobre, dont il n’a pas su protéger la population israélienne, Benjamin Nethanyahou est politiquement fini, et que seule la guerre en cours, lui permet de rester au pouvoir. Mais une fois destitué, si cela se produit, son potentiel de nuisance ne disparaîtra pas pour autant. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il a laissé l’extrême-droite et les religieux noyauter la démocratie. D’où l’analyse de Charles Enderlin, qui, pointant notamment qu’en 2021, seuls 41% des enfants juifs avaient entamé leur scolarité dans une école laïque, souligne que selon les économistes, cela hypothèque l’avenir du pays car pour le système d’éducation haredi (ultra-orthodoxe), seule compte l’étude de la Torah, les matières fondamentales comme les mathématiques et les sciences étant inutiles.

Une ultra-orthodoxie sur laquelle s’appuie Benjamin Nethanyahou qui, avec sa volonté de redéfinir Israël comme un état exclusivement juif annoncée en 2009 et son offensive anti-libérale débutée en 2011, a logiquement donné toujours plus de place aux ultra-religieux. Même lorsqu’ils se défendent de faire de la politique, quelle que soit leur chapelle, ces derniers se placent de par leurs choix de société, à l’extrême-droite, comme on peut également l’observer dans d’autres pays. Charles Enderlin a d’ailleurs été à plusieurs reprises la cible d’attaques des deux camps, lorsqu’il couvrait le conflit israélo-palestinien. Mais dans une interview donnée au Journal du Dimanche en 2010, il affirmait : « Je ne soutiens personne. Je diffuse et je publie ce que j’ai. Mais à partir du moment où il s’agit de travail, je ne suis ni juif, ni Français, ni Israélien, ni bouddhiste. Je suis journaliste. » 

Dans cet opuscule de soixante pages, commençant par une référence à Hannah Arendt et se terminant par une citation du philosophe Wladimir Rabinovitch, Charles Enderlin explique notamment le concept ultra-orthodoxe des « ânes du Messie », ces Israéliens séculiers sur le dos desquels, le Messie est censé arriver. Benjamin Nethanyahou en est un, au même titre qu’aux Amériques Donald Trump et Jair Bolsonaro ont gagné le soutien d’une majorité d’Évangéliques au motif qu’ils seraient des instruments de Dieu. L’auteur démontre aussi pourquoi il n’est pas abusif de parler d’apartheid pour qualifier la société israélienne, et pourquoi revenu au pouvoir en 2019 grâce au juifs messianiques, Benjamin Nethanyahou ne pouvait que promouvoir l’intensification de la colonisation de la Cisjordanie. Le glissement du sionisme politique au sionisme religieux, qui a viré au national-judaïsme s’exportant sous la forme du national-conservatisme, est également détaillé par Charles Enderlin.

Très précis dans ses sources et pertinent par ses analyses, celui qui dans une interview donnée au monde en 2004 disait « À partir du moment où un correspondant de presse commence à travailler en tenant compte des réactions éventuelles que son information va susciter, il est fini. », donne ici une belle leçon de journalisme et il va assurément se faire quelques ennemis supplémentaires, car il met au jour les stratégies d’accession et de maintien au pouvoir de l’extrême-droite israélienne. Manœuvres et manigances employées par les nationalistes ailleurs dans le monde, et basées avec quelques variantes, sur les mêmes ressorts.

Israël. L’agonie d’une démocratie

Par Charles Enderlin
Éditions du Seuil – Collection Libelle – 09/2023
ISBN 978-2-02153915-8
60 pages – 4,90€

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